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On en parle : Un conseil extraordinaire des ministres pour trancher la question du référendum ?

17 octobre 2014, 00:14

Le risque est grand aujourd’hui de mettre en danger ce pays par les gouvernants actuels. Or depuis 30 ans, le peuple a fait des sacrifices immenses pour conserver sa constitution, pour espérer créer sa démocratie. Or le consensus constitutionnel semble être de plus en plus remis en cause par les gouvernants d’aujourd’hui dans le but de satisfaire la soif de pouvoir d’un individu. Ces gouvernants ont le devoir sacré de mettre en avants les intérêts du pays et non pas leurs propres intérêts. Remettre en cause le consensus sera l’acte de trahison le plus grave. Pourquoi ? Parce que la constitution est sacrée. Et le processus de sa mise en place le montre. Il faut bien se rappeler comment cela se passa et quels sont les dangers du tripatouillage qui s’annonce.

D’abord, les forces politiques se sont réunis et ont ébauché la constitution. Quand ils ont fini de s’entendre, sans exclusion, ils se sont mis d’accord sur la version finale et ont appelé au référendum constitutionnel. Et la constitution a été votée et promulguée. A l’origine, la constitution n’était pas l’oeuvre d’un parti politique, ni d’un gouvernement. C’était l’oeuvre de toutes les composantes de la nation. Le consensus dans un Etat est fondateur de cet Etat et des valeurs qui y sont défendues. La constitution d’un pays, par définition, est un consensus national.

La constitution a créé le régime politique. Chez nous, elle a créé un régime politique démocratique, différent d’un régime monarchique. A travers le régime politique, elle règle la circulation des gouvernements à la tête de l’Etat. A partir de ce moment, elle rend légitime les gouvernements qui viennent et partent, à travers le jeu de la concurrence entre les partis politiques matérialisé par les élections. Autrement dit, pour emprunter le langage informatique, la constitution équivaut à peu près au système d’exploitation « Windows » sur un ordinateur. Windows est le garant du fonctionnement des programmes d’application comme « Word » « et Powerpoint » qu’on peut installer et désinstaller à tout moment quand le Windows est bon. Quand il est n’est pas bon, l’application ne marcheront pas. Les programmes d’application sont comme les gouvernements qui s’installent, partent, mais le régime démocratique reste, quand on est dans un pays avec des institutions qui marchent, qui sont fortes. C’est le sens des institutions fortes du Président Obama.

Il ne faut donc pas confondre un gouvernement, ici, le gouvernement de Blaise Compaoré et de Luc Adolphe Tiao, et le régime politique, qui est démocratique, la marque déposée du peuple burkinabè, scellée dans la constitution, notre contrat social.

Dans le cas de notre constitution, le gouvernement étant légitimé par la constitution, sans celle-ci, ce gouvernement n’a pas de légitimité. Pour changer la constitution et avoir une légitimité, il faut passer par le processus consensuel (inscrit dans la constitution parce que la constitution elle-même est consensuelle) avant d’aller à quelque référendum que ce soit.

Dans aucun Etat de droit de ce monde, une loi ne peut être faite ou transformée pour satisfaire les soifs de pouvoir d’un seul individu.

Alors, si un parti politique, parce qu’il gouverne, prend la responsabilité sur elle, par quelque moyen que ce soit, sans consensus politique débouchant sur un nouveau contrat social (la règle inscrite dans la constitution ayant été violée), de briser le contrat social, il briserait de fait le régime démocratique et créerait un régime clanique, excluant de fait une partie ou des parties de la population du pays. Or dans les démocraties, même les minorités ont des droits. Si non, les Touaregs ne seraient pas en train de lutter pour prise en compte au Mali à travers des réformes politiques.
Confondre les droits du peuple créés par un consensus constitutionnel et ceux d’un gouvernement passager, serait comme confondre un système d’exploitation à un programme d’application, c’est-à-dire scier la branche sur laquelle on est assis, tricher avec la loi fondamentale.

N’importe quel gouvernement qui s’amuse ainsi à tricher avec les institutions démocratiques perd de ce fait sa propre légitimité. Il n’a plus aucune base légitime pour se considérer comme un gouvernement national. Et, puisque, dans notre cas, c’est un seul individu qui veut faire changer la constitution pour lui-même, ou commettre des gens à ce changement qui ne profite qu’à lui seul, alors, nous serons dans toute autre chose sauf dans une république. Les avocats du Burkina Faso se sont déjà prononcés sur le parjure qui découlerait de la remise en cause de la forme républicaine de l’Etat inscrit dans la constitution. Le pouvoir d’un individu est la monocratie et le pouvoir d’un groupe de gens repus, riches, est une oligarchie. Et Dieu n’a envoyé aucun individu sur cette terre pour gouverner les autres ! C’est pourquoi les peuples les plus intelleigents ont inventé la démocratie pour permettre une alternance au pouvoir, dans la mesure où tous les hommes sont libres et égaux en droit dans et chacun d’eux a le droit de prétendre à gouverner son pays. Cela interdit aux autres de falsifier les lois et empecher les autres de jouir de leur droits.

Un consensus démocratique (la constitution) brisé équivaut à l’ouverture de toute autre voie de règlement de compte puisqu’ aucune constitution partisane, donc, non consensuelle, ne saurait légitimer un quelconque gouvernement, ni une quelconque unité nationale.

Or, il semble que ceux qui sont au pouvoir ont pris en otage ceux qui n’y sont pas. Ils gouvernent avec l’argent de tous et veulent se passer définitivement de l’autre moitié du pays en invoquant leur droit à un référendum illégal et anticonstitutionnel.
Or dans une république, dans une démocratie, aucune force politique majeure ne doit être brimée par une autre force. Dans une république, on ne brime même pas une minorité. Il s’agit de principes sacro-saints du vivre-ensemble. Si ces principes ne sont pas respectés, alors, la république éclate en lambeaux. C’est pourquoi, aujourd’hui, le non de l’opposition au charcutage de la constitution démocratique pour en faire une constitution de type monarchique, a force de loi. L’opposition est dans son rôle constitutionnel de contre-pouvoir, de sauvegarde des instititions républicaines, sources de notre raison de vivre ensemble.

Blaise Compaoré a le devoir sacré de ressouder ce pays divisé. Pas par un référendum comme il semble en avoir l’intention, car tout référendum signifierait l’aggravation de la division, mais en supprimant la cause du désaccord qui est sa prétention anticonstitutionnelle à une cinquième candidature à la présidence de la république.


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