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Espace UEMOA : La crise financière s’impose au Sommet

19 mars 2009, 12:30, par Paris Rawa

Honnêtement les sommets de sommités qui ronronnent avec plein de protocoles et de discours polis ne sortiront pas nos pays du sous-développement sans de vraies ambitions de sortir des sentiers battus pour accélérer réellement l’intégration économique par des actes concrets de politiques nouvelles.

Remarquer toute l’énergie qui est dépensée pour faire aboutir des projets initiés par d’autres pays (l’union Européenne) et qui concernent notre survis économiques tels que les APE. Relisez ça : « Concernant le commerce international, ils ont réaffirmé l’engagement des Etats à tout mettre en œuvre avec les autres pays de la région Afrique de l’Ouest pour “conclure à la date convenue avec l’Union européenne, un Accord de partenariat économique (APE) régional prenant en compte la dimension développement et à même de favoriser l’ancrage des économies de la région dans l’économie mondiale”. » Mais quand est-ce que nous nous déciderons dans le sens de conduire nos propres initiatives de développement de manière qu’elles obligent les autres à nous suivre et à s’organiser eux aussi pour répondre à nos attentes ? Notre développement sera toujours compromis tant que nous n’en seront pas les premiers acteurs. Il ne suffit pas d’en être un acteur incontournable, mais de jouer le premier rôle, et cela vaut, même pour les plus pauvres de chez nous.

Exemple : Pendant qu’on se préoccupe des APE, que prévoit-on de faire à l’échelle de l’UEMOA ou de la CEDEAO pour la filière "coton" par exemple qui peut être un moyen très efficace pour la lutte contre la pauvreté de la paysannerie, un puissant facteur de développement et même un argument convainquant de négociation dans le commerce international. On sait bien réaliser l’interconnexion des réseaux électriques de certains de nos pays pour plus d’efficacité n’est-ce pas ? Pourquoi ne pas envisager de la même manière l’interconnexion de la filière "coton" ? Est-il vraiment impossible que l’UEMOA fonctionne comme un père de famille qui investit pour doter ses enfants d’outils (métiers) de travail pour les permettre de devenir autonomes et ne pas être condamnés soit à la mendicité, soit à travailler pour d’autres ou à dépendre éternellement du paternalisme de tiers. Je suppose qu’il existe dans les structures de l’UEMOA un pôle développement-investissement (sinon il aurait fallu le créer). Serait-il illusoire qu’une telle structure prenne l’initiative de regrouper les embryons d’usines de transformation du coton qui existent dans nos États pour en faire des filiales d’une seule grande firme internationale ouest-africaine du textile qui pourrait être créée avec des capitaux provenant des réserves de l’UEMOA. Une forme de rétrocession-privatisation intra ouest-africaine pourrait faire en sorte que la majorité du capital d’une telle société internationale soit détenue sous forme d’action par la Banque centrale, les trésors publics de nos États, les cotonculteurs et leurs coopératives, les opérateurs économiques ouest-africains... N’est-ce pas ce genre de choses qu’on appelle développement des capacités ? Il s’agit de consommer ce que nous produisons déjà en transformant tout le coton ouest-africain pour habiller les populations ouest-africaines et faire en sorte que tous profites de la manne financière ainsi générée. Bien évidement, il ne faut pas s’attendre aux encouragements et au soutient financiers de ceux qui nous achètent le coton pour nous le revendre sous forme de "Wax", T-shirt, bandes, compresses... Et ce qui est dit du coton peut valoir aussi pour d’autres filières qui nécessiteraient une interconnexion des réseaux grâce à mutualisation des capacités à l’échelle de l’UEMOA et la CEDEAO.

On me répondrait peut-être que c’est une utopie, mais elle est beaucoup moins illusoire que de perdre son tant à hurler en vain à chaque occasion contre les subventions agricoles européennes et américaines. Il vaut toujours mieux utiliser les mêmes armes (celle des subventions agricoles) pour mener le même combat. Et dans ce combat, est d’avance vaincu celui qui croit qu’il n’a pas les moyens de la lutte, car il ne s’agit pas uniquement de la capacité financière, mais aussi et surtout de stratégie prenant en compte les ressources humaines, les avantages comparatifs, les potentialités géographiques et démographiques et bien d’autres facteurs avantageux. En plus, je dirai que c’est un réalisme qui consiste à partir de ce que nous avons pour conquérir davantage de pouvoir économique. C’est la stratégie de certains les paysans analphabètes qui ont réussi chez nous, par le petit commerce, à se hisser au rang de riches opérateurs économiques. Les chinois l’appellent la méthode ou la diplomatie des petits pas.

Sinon, je reconnais qu’une telle proposition ne cadre pas avec l’orthodoxie des méthodes sophistiquées des experts économistes. Seulement, nos populations et nos économies souffrent d’un tel manque d’outils de productions de la richesse que les solutions sophistiquées inventées dans des universités sous d’autres cieux, sont quelques peu irréalistes et mêmes oiseuses quant à l’urgence qui est la nôtre. Si nous attendons que de gros investisseurs (cf. NEPAD) viennent d’ailleurs pour créer le tissu industriel qui nous est indispensable, nous attendrons encore longtemps. L’étranger qui investit chez vous pense d’abord à son profit et dès la moindre baisse de rendement, il délocalise. La Chine, l’Inde ou le Brésil n’ont pas attendu les autres pour se frayer un chemin et se faire une place au soleil. Tous les moyens sont bons pour mettre en place chez nous un marché dont les autres ne peuvent pas se passer. C’est ainsi que l’on rendre dans l’histoire comme acteurs mais pas comme spectateurs. Dès lors, il semble suicidaire pour nous de nous contenter diplomatiquement comme font nos chefs d’États de « “Réaffirmer l’appartenance à une communauté solidaire”, fixant les grandes orientations des actions à mener par les organes et institutions de l’Union. Ceci, en vue d’améliorer la visibilité du processus d’intégration pour les populations », alors que dans le même temps, ceux qui subventionnent outrageusement leur agriculture nous obligent à un acte concret qui consiste à tout faire pour signer les APE à temps ! Ces derniers n’hésitent pas à protéger leur marché intérieur du travail (refus de nos immigrés non-choisis par exemple) et à recapitaliser avec des fonds étatiques leurs entreprises et leurs banques privées pour qu’elles aillent à la conquête de nos marchés que nous renonçons à protéger par pure fidélité aux règles de la prétendue globalisation qui nous aurait été "imposées". Oui, il existe des règles du commerce international, mais elles sont accompagnées du principe non-écrit (sournois) selon lequel on ne les respecte que quand ça vous arrange. Seuls les dirigeants africains semblent n’avoir pas encore compris ce principe, au point de refuser de l’adopter au profit de leurs peuples. Mais s’ils étaient suffisamment solidaires de leurs peuples, s’ils mobilisaient ceux-ci derrière des projets concrets de développement comme ils savent bien le faire pour les élections présidentielles. Et alors, même l’OMC, le FMI, la Banque Mondiale, l’UE, la Chine et les USA ne pourraient venir dicter toute l’Afrique de l’Ouest une seule règle d’orthodoxie financière et économique pour notre propre développement.

C’est une question de volonté et d’amour concret de la patrie avant tout ! Je veux parler de notre partie l’Afrique de l’Ouest et toute l’Afrique ; nos pays, ne sont que nos domiciles respectifs.


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