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"Savoir créer, c’est cela le but de l’école" Bruno Doti Sanou, directeur du CAD

Publié le mercredi 31 août 2005 à 07h54min

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Le docteur Doti Sanou, directeur du Centre africain de recherche pour une pratique culturelle du développement est ce citoyen burkinabè qui a initié une méthode à l’intention des élèves et étudiants pour permettre à ceux-ci des rendements meilleurs. Il la pratique depuis plus de dix ans. Nous l’avons rencontré à Bobo-Dioulasso à son siège, pour en savoir davantage.

Sidwaya (S). : Pouvez-vous nous dire en quoi consiste les cours de méthodologie que le CAD organise chaque année ?

Bruno Doti Sanou (B.D.S) : Les cours de méthodologie sont les fruits d’une recherche que nous avons menée pour aider les élèves à mieux travailler en classe. Aujourd’hui nous constatons que beaucoup d’élèves ne réussissent pas leurs études non pas parce qu’ils ne sont pas intelligents mais tout simplement parce qu’ils manquent de méthode de travail. Et le CAD a mené cette recherche depuis 1988 mais c’est surtout à partir de 1994 que nous avons formulé une recherche là-dessus afin de produire un document pour les élèves et aussi assurer des formations pendant les vacances et durant l’année scolaire. C’est un ensemble de données concernant la formation humaine et intellectuelle.

S. : On est tenté de s’interroger à quoi la recherche pour une pratique culturelle de développement trouve son compte en s’occupant de méthodologie pour élèves et étudiants ? N’y a-t-il pas déphasage ?

B.D.S : Il n’y a pas de déphasage. L’éducation fait partie de la culture. Et le but du CAD c’est d’utiliser la culture comme base du développement, la culture au service du développement.

La méthode que nous dispensons aux élèves et étudiants leur permet d’aimer leur culture, d’aller de leur culture pour développer leur communauté. Voyez dans la formation en méthodologie nous leur donnons le but de l’école. Aujourd’hui d’ailleurs, il faut redéfinir l’école. Au départ quand l’école a été officialisée au Moyen âge sous Charlemagne, il y avait un but bien précis. C’était de permettre aux élèves de se découvrir en tant que membres d’une communauté et de s’appuyer sur l’héritage culturel de cette communauté pour un mieux-être. L’école s’inspirait de la culture pour proposer des modules de formation afin que les élèves aient quelque chose sur laquelle s’appuyer pour développer leur savoir et leur communauté. C’est une quête de savoir et la quête de savoir est par essence la culture. Ne dit-on pas toujours que la culture c’est le temple de l’esprit. Effectivement c’est cela. Donc assurer cette formation contribue à promouvoir la culture en offrant notamment la capacité de créer de la valeur ajoutée sur les produits locaux.

Nous avons aussi toujours conseillé aux élèves de parler leur langue maternelle parce que c’est l’une des bases de la recherche fondamentale et/ou appliquée. Nous disons aussi que l’école propose dans sa formation aux élèves la démarche pour une culture de la paix. L’école apprend à vivre ensemble et à mieux vivre ensemble. Et pour bien réussir à l’école, il y a toute une panoplie d’attitudes à observer . Par exemple le physique de l’élève doit répondre à son désir d’apprendre. Un élève qui est toujours malade a des problèmes pour réussir. Par contre s’il entretient sa santé physique et mentale, il réussit mieux. Comment cultiver les forces morales, comment cultiver les forces affectives, les forces spirituelles, etc. Il faut apprendre tout cela aux élèves. Il y a par exemple des aliments qui agissent sur le cerveau : le persil, le miel, l’oignon, la tomate, l’élève doit en consommer si possible cru. Souvent les élèves oublient de boire de l’eau.

Normalement ils doivent boire par jour au moins deux litres d’eau ; mais il y en a qui peuvent passer une journée sans boire de l’eau. Pourtant l’eau est importante pour le travail intellectuel. Donc on leur donne tous ces éléments afin qu’ils puissent réussir leurs études : le sport, l’amour en classe, aimer ses professeurs ; on ne réussit qu’au cours d’un professeur qu’on apprécie. De plus en plus, les élèves prennent leurs professeurs pour leurs ennemis. Et cela est une entrave à une bonne scolarité. L’école c’est tout un monde. Il y a plusieurs qualités qu’un enfant doit avoir pour réussir. Comment organiser son travail scolaire ? Comment écouter en classe ? Comment rester attentif pendant 45 à 60 minutes au cours du professeur ? Comment prendre des notes pendant le cours ? Il y a toute une technique pour cela. Ce sont des éléments que les élèves doivent avoir et que la méthodologie leur donne. Aujourd’hui on nous parle de 35% de réussite aux examens, on dit que c’est mieux que l’année passée. Mais je dis non. un bon professeur, s’il y a un seul de ses élèves qui échoue à un examen, il doit se poser des questions sur les cause de son échec. Est-ce une question de transmission du message en classe ? Est-ce un élève qui a eu des problèmes de famille qui l’ont empêché de réussir ? Les vœux de tout bon professeur est qu’il y ait 100% de réussite. Alors nous avons le devoir de leur donner une méthode pour réussir ce que nous leur enseignons.

S. : Au regard du bien-fondé de cette méthodologie, il n’y a pas en fait que les élèves et les étudiants qui sont concernés, y a-t-il d’autres catégories sociales que vous visez ?

B.D.S. : Pour les sessions de formation en méthodologie, nous donnons priorité aux élèves et étudiants mais en réalité il y a des professeurs qui se forment à la méthode. Des établissements nous sollicitent pour former leurs enseignants. Les professeurs ont eux aussi leur méthodologie notamment l’art d’enseigner. Comment être un bon professeur en classe ? En 2004, nous étions au Mali pour former les enseignants de l’école catholique de l’archidiocèse de Bamako. Tous les enseignants ont été formés du primaire au secondaire. Aujourd’hui la méthode prend de l’expansion dans la sous-région et Dieu merci.

S. : Est-ce qu’on pourrait l’appeler par exemple « méthode Bruno »

B.D.S. : Ce n’est pas un label Bruno. Je ne voudrais pas à ce qu’on lui colle ce label parce que c’est une méthode mise en place par le CAD, par une équipe qui l’enrichit chaque année par des recherches. Il y a aussi beaucoup de professeurs qui participent aux côtés du CAD pour la formation en méthodologie parce qu’après la méthode générale, il y a la méthode spécifique. Nous avons demandé aux professeurs qui participent à la formation avec nous d’élaborer une méthodologie selon les objectifs de la méthode générale pour chaque matière. C’est vraiment un travail d’équipe, ce n’est pas une méthode Bruno, un label Bruno.

S. : Est-ce qu’il y a des innovations cette année à votre méthode habituelle ?

B.D.S. : Oui. Des innovations il y en a. Personnellement j’ai mené des recherches sur la qualité que doit avoir un bon élève mais aussi sur le respect de la personne de l’élève dans l’éducation pour compléter un peu la méthode générale. En plus, mon collègue et adjoint Dieudonné KAM est en train de préparer un document pour les parents d’élèves avec pour titre "comment suivre son fils à la maison"

S’il reçoit la méthode à l’école, le parent doit aussi pouvoir s’en imprégner pour le suivre, pour l’encourager. Voyez, beaucoup de parents d’élève aujourd’hui mettent une pression sur les enfants. Dès que l’élève revient de l’école en fin d’après midi, on veut l’obliger à réviser ses leçons immédiatement. Alors que la première des choses que le parent doit faire c’est d’insister auprès de l’enfant pour qu’il aille faire du sport pour aérer l’esprit. Il faut lui apprendre à se relaxer en marchant par exemple pieds nus pour réveiller tous les sens de l’organisme. Un enfant de la terminale ne doit pas par exemple étudier au delà de 23 heures. Normalement en deux ou trois heures de temps il doit terminer ses études.

A la fin de la formation des élèves, nous allons proposer aux parents qui le veulent de se faire former en une journée pour pouvoir suivre leurs enfants. En fait il s’agit de faire de ses enfants des intellectuels pas seulement des diplômés. Nous conseillons à la fin de leurs études qu’ils n’attendent pas de l’Etat un emploi. Il faut qu’ils sachent créer et entreprendre. C’est ça le but de l’école, savoir se débrouiller avec son savoir. Le savoir c’est la richesse la plus précieuse au monde. On peut tout vous retirer mais personne ne peut retirer votre savoir. Notre souhait aujourd’hui c’est que les élèves aient une autre orientation, qu’ils soient capables de se prendre en charge, de devenir leur propre patron pour l’épanouissement de l’homme, cette belle créature de Dieu.

Propos recueillis par Frédéric OUEDRAOGO et Jean Luc BONKIAN
Sidwaya

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