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"Tout est jungle dans ce monde" dixit Rémis Dandjinou (Canal3)

Publié le jeudi 14 juillet 2005 à 09h51min

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Télévision : A la faveur de la libéralisation des ondes qui est un corollaire du processus démocratique, l’espace médiatique s’est considérablement élargie.
Certes, au niveau de l’audiovisuel, ce n’est pas encore la ruée comme dans la presse écrite ou la radio, mais depuis un certain temps, la télévision nationale n’a plus le " monopole " des images au Faso.

Des télévisions privées à l’image de SMTV ou de canal 3 émettent au grand bonheur de la diversité. Emettant depuis décembre 2002, canal3 par exemple s’efforce à réussir le pari d’exister. Comment ? Son directeur artistique et chef de programme M. Remis Dandjinou que nous avons rencontré au siège de cette " télévision qui nous ressemble " sur l’avenue Kwamé N’Krumah explique.

Bendré : Comment se porte Canal 3 ?

Remis Dandjinou (RD) : Canal 3 se porte comme une entreprise qui va avoir bientôt trois ans et qui a des difficultés par rapport à l’environnement et pour la publicité. Certes, les ressources sont de plus en plus rares, mais dans l’ensemble, Canal3 va relativement bien.

Bendré : D’aucuns disent que le paysage audiovisuel s’apparente à une jungle. Comment vous vous y prenez ?

R.D : On a la chance d’être une télévision, donc il n’y a en pas encore cinquante comme les journaux. Il y en a quand même la télévision nationale qui est la télévision mère qui occupe tout le territoire et qui, de la même façon draine la majorité d’attraits pour les annonceurs et puis à côté il y a Canal 3 et SMTV qui sont les deux télévisions privées commerciales. Il faut Donc montrer des arguments ; et les arguments d’une télévision comme la nôtre c’est la proximité mais également la diversité des programmes à travers des éléments attractifs qui sont les films, les séries etc. C’est vrai que c’est une jungle mais contrairement à ce qu’on peut penser, moi j’estime que tant qu’on aura deux ou trois télévisions privées, il peut y avoir un marché. Le problème, c’est si jamais l’espace télévisuel devenait comme l’espace radiophonique, totalement morcelé ; là je crains effectivement qu’à la fois on veuille une chose et son contraire. C’est dire qu’on ne peut pas être une entreprise de presse viable si on a dix ou quinze télévisions privées au Burkina. Ce n’est pas possible ! Et moi c’est ce qui m’a un peu inquiété lorsque j’ai vu que le CSC (NDLR : Conseil supérieur de la communication) continue à faire des appels d’offre par rapport aux fréquences télévisuelles. Il faut qu’on soit raisonnable : il y a en tout état de cause un espace qu’il ne faut pas dépasser en terme de capacité d’assiette au niveau de la publicité. Donc c’est cela notre véritable problème. Si non, je dirais que tout est jungle dans ce monde, tout le monde se bat ; chacun met en avant ses arguments et puis on essaie de se débrouiller comme on peut !
C’est vrai qu’il n’y a aucune commune mesure avec la télévision nationale du Burkina (TNB) en terme de personnel parce qu’on est à peine une trentaine, ni également en terme de chiffre d’affaire. Nous, nous faisons péniblement 12% ou 20% de ce que la TNB fait en terme de chiffres d’affaire, donc ce n’est pas le même registre. Mais nous essayons à notre façon d’exister.

Bendré : Mais du point de vue fonctionnement et des charges, est-ce que vous arrivez à combler l’essentiel ?

RD : Au fait, ça oblige à une pluridisciplinarité. C’est-à-dire qu’on se retrouve à la fois être administratif, on se retrouve également à passer à l’antenne, à travailler au niveau de la production ou des programmes. Ça fait qu’effectivement on est obligé d’avoir une très grande flexibilité par rapport au temps de travail, ainsi que par rapport aux différentes missions que l’on se donne dans le cahier de charge qu’on a.

Bendré : Enregistrez-vous des feed-back ? Et savez-vous comment vos téléspectateurs vous jugent ?

RD : Cela fait trois ans qu’on émet et chaque année on essaie de faire un sondage durant les mois de juillet-août pour avoir un peu une idée de ce qui se passe en terme d’attente des téléspectateurs, d’émissions qui ont marché, d’émissions qu’il faut retirer de la grille etc. En fait, on a deux grilles de programmes : une grille qui va de juin à septembre qui est une grille très très allégée dite de vacances, et une autre grille qui est la grille de rentrée qui va d’octobre au mois de mai et donc le sondage que nous réalisons durant le mois de juillet nous permet, (lorsque nous le dépouillons en août) d’avoir une idée des attentes de nos téléspectateurs, et de nous y adapter. Nous sommes même en train de lancer un nouveau concept à savoir « SMS TV » qui permet aux téléspectateurs d’intervenir sur des émissions précises en envoyant des SMS et je pense que l’expérience par exemple que nous avons faite durant la mi-juin, nous donne des choses assez intéressantes.
Nous avons enregistré 200 SMS envoyés pour des émissions de 30 mn ; il est donc indéniable qu’on a un auditoire, qu’on a un audimat. C’est à nous maintenant de savoir le conserver, et de le faire grandir.

Bendré : Quel est votre public cible ?

RD : En fait nous nous sommes rendu compte que nous avons une population qui est jeune, parce qu’on a essentiellement une population entre 15 et 35 ans qui est notre audimat prioritaire. Etant donné qu’on n’a pas de journal typé comme le classique « 20 heures », il est clair qu’un certain nombre de personnes ne sont pas intéressées par la façon dont on traite l’information. Chez nous, nous ne faisons pas de reportage, de compte rendu ministériel... Il y a un certain nombre de personnes qui ne sont pas intéressés mais dans le même temps nous nous somme rendus compte également que sur certains de nos programmes en particulier, cette tranche d’âge là pouvait s’élargir. Donc, on a des émissions qui sont de véritables sujets de débats qui dépassent largement la tranche d’âge de 15-35 ans et là on retrouve un peu tout le monde. On a les films, et ça c’est un peu universel, vieux et grands jeunes et petits tout le monde se retrouve. Et je peux dire sur ce point là, sans fausse modestie, qu’on a pour les populations de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso les meilleurs films de la place qui font que, en ces moments là on a un très très fort taux d’écoute. Mais malheureusement, il n’y a pas de médiametrie mise en place par le Conseil Supérieur de la communication donc on ne peut pas dire que ça c’est à tel taux mais je pense qu’effectivement entre 15 et 35 ans c’est notre public cible et puis le reste sur certaines émissions, les talk show, les débats, on a un public qui s’élargit un peu plus.

Bendré : Vous couvrez effectivement Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, quelles sont les prochaines étapes de Canal 3 ?

RD : En fait, il faut qu’on soit honnête la dessus ; nous on s’était donné jusqu’à 2006 pour élargir au maximum les autres villes que l’on a. Je pense que la licence accordée en mars 2000 au groupe Fadoul lui concède à peu près 6 ou 7 villes mais on s’est rendu compte (et ça c’est la réalité du terrain qui l’impose), que si l’on veut durer en terme de télévision il ne s’agit pas pour nous de couvrir le maximum de villes le plus tôt possible, mais plutôt de nous encrer au maximum dans les deux villes principales que sont Bobo et Ouagadougou.

Bendré : Vous avez au programme certaines émissions que d’aucuns jugent assez osées au regard du ton et des positions qui s’y affrontent. Cela est-il bien perçu ?

RD : S’il y a une chose que je peux dire à vos lecteurs, c’est que le groupe Fadoul qui est quand même l’actionnaire principal de la télévision ne nous a jamais empêché de faire une émission. Aussi je pense que si on a parfois des remarques émanant des différents acteurs politiques et de la société civile c’est par rapport à la tenue de telle ou telle émission. Ce n’est jamais dans le cadre de dire « ce n’était pas une bonne émission ou qu’il fallait l’arrêter ». C’est simplement pour attirer notre attention sur certains éléments en terme d’équilibre, en terme de pluralité des points de vue, en terme également de sensibilité du sujet où même pour donner leur point de vue ! Je pense que l’un des défis de notre télé c’est d’arriver à traiter de sujets sensibles sans pour autant effaroucher les gens. Et aujourd’hui je suis convaincu que les partis de l’opposition, la société civile aussi bien que le parti au pouvoir et la mouvance présidentielle acceptent nos invitations (aux débats : ndlr) parce qu’ils estiment qu’il y a un cadre « civilisé » de débats qui permet de se mettre en place et qu’il ne s’agit pas d’amener à luncher personne mais qu’il s’agit simplement d’avoir le courage de ses opinions. Donc, selon ce point de vue là, on n’a pas de problème. Lors des émissions « Sans façon » on reçoit différentes personnalités qui viennent donner leur point de vue sur des questions assez intéressantes. Mais je pense que l’espace c’est l’espace. Nous sommes là pour promouvoir la liberté d’expression et comme nous ne faisons pas d’éditoriaux donc en tant que tel nous n’avons pas une ligne purement fixe. On est une société qui appartient à un groupe économique et financier(Groupe Fadoul) ; il est clair qu’on ne va pas à l’encontre des intérêts du groupe auquel on appartient. Toute la qualité des journalistes à l’intérêt, c’est d’arriver à travailler sans remettre en cause leur indépendance, sans remettre en cause leur point de vue dans le sens de trouver le juste milieu entre l’intérêt du groupe et l’intérêt du travail qu’ils font.

Bendré : Nous sommes à l’orée des élections ; comment abordez-vous cette période ?

RD : Nous n’avons peut-être pas les moyens de nos ambitions ; c’est ce qui est dommage parce qu’on estime que c’est une période qui peut être intéressante pour nous à deux titres. En termes d’abord de traitement de l’actualité et de l’information mais deuxièmement en terme également de rapprochement par rapport à nos téléspectateurs, en terme notamment de proximité et trouver des sujets sur lesquels nous pourrions travailler. Donc effectivement on a mis en place tout un plan pour ces élections là. Il s’agit notamment de créer des séries d’émissions, de faire des reportages sur des thèmes en provinces, un peu partout. On va travailler avec des associations sur des séries d’émissions.
On va nous même créer des cadres de rencontre et on veut arriver à faire des choses qui sont des choses totalement novatrices en termes notamment de journées électorales, qui pourrait consister à mettre sur un plateau tous les candidats ; à défaut des candidats au moins leur directeur de campagne.

Bendré : Toute télévision à l’image de Canal 3 peut jouer un rôle stratégique en terme de communication en période électorale. Alors est-ce qu’il n’y a pas déjà une sorte de chassé-croisé autour de vous, une sorte de convoitise !

RD : C’est clair qu’il va avoir une pression à venir tant au niveau du conseil supérieur de la communication (parce que ça va être quand même la première fois qu’on aura des chaînes de télévisions privées qui vont être dans le jeu de la campagne) mais également au niveau des acteurs et des différents partis politiques. Seulement, je pense que tout dépend de ce qu’on se donne comme philosophie. Canal 3 est une société commerciale, mais on a également une obligation de service public qui tient au respect de l’éthique et de la déontologie par rapport au traitement de l’information. Donc il n’y a pas de chassé-croisé et je pense qu’il n’y en aura pas. On est en très bonnes relations avec quasiment tous les acteurs politiques. On les invite, on les reçoit, ils nous invitent. On a décidé nous de faire le choix entre ce qu’on peut passer ou ce qu’on ne peut passer en terme de ligne de rédaction, par rapport à nos impératifs, par rapport à ce qu’on juge important pour notre information et donc par rapport à cela tous nos partenaires (société civile comme partis politiques) en sont conscients ! Nous on ne se sent pas obligé de couvrir un événement parce que ce n’est pas peut être ce qui nous intéresse, si on couvre le congrès d’un parti politique par exemple, ce qui nous intéresse ce n’est pas le congrès en tant que tel, mais c’est peut être ce que les différents membres de ce congrès qui n’ont pas forcément droit à la parole au niveau du pupitre auront envie de nous dire. Peut être c’est ça qui nous intéresse que ce que le président de ce parti dit ; tout le monde va l’entendre mais ce que d’autres personnes ont envie de dire, qui n’est pas forcément écouté, c’est cela qui nous intéresse. C’est vrai que parfois ça peut choquer un peu les partis. On a de très bonnes relations avec tout le monde, avec tous les partis politiques. On a déjà commencé à recevoir un certain nombre d’entre eux pour parler de leur programme. De façon volontaire on est allé vers eux pour le faire. On va continuer à le faire et on espère qu’ils vont profiter de l’espace qu’on leur offre. Que les gens se rassurent, il n’y a pas de pression. Tant de la part de notre actionnaire principal qui est M. Georges Fadoul, tant de la part des partis politiques, que ce soit de l’opposition ou du pouvoir. On essaie d’être à équidistance entre ces trois pôles pour faire une télé qui crédible. Parce que si nous perdons notre crédibilité par rapport à ces élections là, je ne pense pas que nous serions une télévision. On serait juste peut être bon à passer des films et de la musique mais en terme d’éducation et d’information on ne pourra plus apporter quelque chose encore au paysage.

Bendré : Quels sont vos projets pour le futur ?

RD : Le futur déjà pour nous, c’est réussir donc la rentrée. Notre rentrée qui est en octobre tombe avec la période électorale. Si fait qu’actuellement on a lancé le sondage qu’on fait chaque année durant le mois d’août. Nous allons travailler sur les nouvelles émissions pour qu’on puisse faire en début septembre les petites émissions et apporté les correctifs nécessaires. On a décidé aussi de faire des télénovelas pour ces vacances là qui vont continuer jusqu’au mois d’octobre. On a également lancer d’autres émissions telles que « les Bobodiouf ». On va lancer également d’autres séries, américaines notamment. Mais on va essayer de diversifier notre programme en renforçant notre production locale.

Bendré : Quelle appréciation faites-vous du paysage médiatique au Burkina Faso ?

RD : Je trouve qu’on est quand même dans un espace qui est extrêmement pluriel, diversifié. Pour moi les entreprises de presse sont encore très fragiles et je prends pour exemple les difficultés qu’on a en tant que journalistes a avoir une convention collective. Je pense également aux difficultés que connaissent les radios par rapport à leur statut commercial, communautaire etc. et je prends pour exemple les difficultés que nous avons ici. Il faut savoir que nous avons fonctionné pendant six mois sans une seule recette publicitaire, sans un seul spot.

Bendré : Canal 3, est-ce que vous recevez souvent des menaces particulières ?

RD : Non, de façon très sincère et honnête on n’a jamais reçu de menaces, jamais. On a souvent eu des invités assez difficiles mais les menaces après les émissions non. En terme d’émissions de proximités on va dans des familles et les familles sont très ouvertes pour nous recevoir. Mais en terme de menaces par rapport au contenu de notre traitement de l’information, en terme d’approche non. On n’a jamais enregistré des menaces proférées à l’encontre de journalistes ou bien de la télévision parce qu’on a traité tel ou tel sujet.

Interview réalisé par Bangba Nikiéma
Bendré

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Vos commentaires

  • Le 30 juillet 2007 à 20:17 En réponse à : > "Tout est jungle dans ce monde" dixit Rémis Dandjinou (Canal3)

    Bonjour

    Je suis une télespectatrice de CANAL 3. Franchement à Bobo on a du mal à suivre cette chaîne. Dès qu’il y a une pluie, ça ne va plus. Même en temps normal il y a souvent des problèmes au niveau du son. La chaîne a de bonnes émissions mais il faudrait étudier le cas de Bobo pour ne pas nous décourager.

    Bon courage !

  • Le 19 mai 2009 à 19:09, par Emile Boyo PARE, inspecteur de lEnseignement secondaire En réponse à : "Tout est jungle dans ce monde" dixit Rémis Dandjinou (Canal3)

    Bonjour, mon cher Remis,
    Je me presente :
    je m appelle Emile Boyo pARE, je suis inspecteur de l enseignement secondaire (chef de service de linspection d anglais).
    Je n ai jamais eu loccasion de vous ecrire. Mais je crois que je viens de trouver une bonne occasion de le faire.
    Ce n est pas pour reagir a votre ecrit TOUT EST JUNGLE DANS CE MONDE.
    Je voudrais juste vous feliciter pour le merveilleux travail que vous faites dans vos emissions.
    Tout dernierement, j ai pu suivre a deux reprises l emission sur la greve des professeurs et celle des agents de Total.
    J ai ete frappe de la maniere dont le debat a ete mene de bout en bout. Les analyses sont tres interessantes, instructives et tellement objectives (je vous en felicite sincerement)
    Vos invites etaient vaiment a la hauteur de la tâche.Ils ont parle en toute objectivite et sans passion. Je me demande si les interesses eux-mêmes auraient parle avec moins de passion et avec objectivite. Je n en suis pas certain. Mais ce serait bon de tenter l experience : essayer de faire parler les professeurs eux-mêmes et les agents de Total.
    Peut-être les spectateurs comprendraient mieux leur position concernant cette situation.
    Encore une fois,mon cher Remis, je vous tire mon chapeau. Je vous encourage dans votre travail.
    Emile Boyo PARE
    Tel:76 61 36 93/70 76 86 16/78 10 13 03
    NB : Desole pour les accents et bien d autres fautes de frappe : la qualite de la machine laisse beaucoup a desirer.

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