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La Crise dans le Secteur de l’Education : Et si le Gouvernement Revoyait sa Communication ?

Publié le mardi 26 décembre 2017 à 16h42min

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La Crise dans le Secteur de l’Education : Et si le Gouvernement Revoyait sa Communication ?

Comme tout le monde peut- être, je n aime pas les conflits. Je les éviterais si j’avais ce bâton magique. Mais hélas, les conflits font partie de la vie, sur le plan individuel comme organisationnel. Bien que les conflits soient perçus généralement comme destructeurs, ils peuvent se révéler comme le catalyseur d’un changement social positif, constructif et durable. Bien entendu, à condition que le conflit en société soit bien géré, ce qui n’est pas le cas, me semble- t- il, du conflit entre agents de l’éducation et leur ministère de tutelle.

Brièvement, les conflits ont lieu sur les ressources. Mais au- delà des conflits qui s’originent dans la rareté des ressources, il y a les conflits basés sur les besoins psychologiques. Dans le cas de la tension entre le monde de l’ éducation et leur ministère, je postule que le site de la lutte s’ articule autour des ressources insuffisantes come le manque de salles de classes en nombre et en qualité, le traitement salarial jugé inadéquat, entre autres, et des besoins psychologiques tels que la nécessité d’ avoir plus de contrôle sur leur profession ; de se sentir plus respectés ; de rehausser leur amour- propre bafoué par de longues années de négligence et de déconsidération d’ un corps si névralgique au développement mais que malheureusement les politiques néolibérales ont toujours poussé au ghetto et au bord de la clochardisation (ce n’est pas exagéré) ; s’ accomplir car beaucoup d’enseignants ne sont pas seulement allés à l’ enseignement comme on attendrait sous le préau, le temps que la pluie cesse pour continuer sa route ailleurs. Ils y sont allés aussi parce qu’ils croient opérer un changement dans la société en travaillant sur la matière humaine : Lourde responsabilité. Ils ont donc le devoir de se défendre car en se défendant, ils ne font que défendre nos enfants, leur développement et leur avenir.

Que ceux qui pensent que les enseignants, dans leurs revendications, sont insensibles au sort des enfants changent de gamme. Un chirurgien qui accepterait opérer ses patients sur une table bringuebalante, avec un couteau de cuisine, ne rend pas service à ses malades. Il y a un minimum de conditions pour mener à bien la noble mission dans chaque profession. Réclamer ces conditions minimales, c’est faire acte de professionnalisme et de responsabilité au plus haut point.

Le conflit ne peut être productif que s’ il est géré par une bonne communication

C’est vrai. Tout gouvernement a l’avantage d’avoir la communication avec elle. Mais si en communicant (très mal), on n’a plus l’opinion avec soi, si on la retourne même contre soi, il est mieux de ne plus communiquer car cela sert l’autre camp. Le débat avec le Ministre de l’Éducation a plus servi les enseignants que le gouvernement, même si le but était de dresser les parents d’élèves contre les enseignants. Auto-goal ! A force de vouloir se justifier coûte que coûte, comme cela a semblé être le cas du Ministre de l’Éducation, on n’ a pas droit à un dialogue mais plutôt à un monologue, et pire, un soliloque. Parler seul, même en la présence d’une foule, ne constitue pas dialogue. Le dialogue, c’est la rencontre de deux volontés ( de bonne foi) décidées à se parler le plus souvent sur un sujet qui fâche, mais avec la ferme volonté de rapprocher les positions. Un dialogue ou l’on viendrait braqué n’est pas un dialogue et n’avance à rien.

D’aucuns ont dit que le débat n’a rien donné. Ce n’est pas mon avis. La guerre, et la grève en est une, a besoin aussi de sa communication. Qui de raisonnable va prendre au sérieux des hérésies (et je pèse bien mes mots) du genre "on peut évaluer les élèves à tout moment", "l’acte d’ évaluer n’est pas fondamental" ; « les élèves, s’ ils sont bien organisés, peuvent réviser ce qu’ ils ont appris, peuvent donc s’enseigner » ?

Les trois moments de l’acte d’enseigner

Enseigner, ce n’est pas seulement se mettre en classe devant les élèves pour leur raconter des clous. Il y a des choses que les élèves peuvent faire sans l’aide du maître ou d’ élèves plus avancés. Il y a aussi des choses que les élèves ne pourront jamais faire sans le maître. L’apprentissage a lieu dans la distance comprise entre ce qu’ ils peuvent faire seuls et ce qu’ ils ne peuvent pas faire seuls. C’est ce que Vygotsky appelle la Zone de Développement Proximale (Zone of Proximal Development).

Si on enseigne exactement ce que les élèves peuvent faire tout seuls, on ne leur enseigne rien. Si on les laisse barboter dans des matériaux au-delà de leur compréhension, on ne les aide pas non plus. Il est donc difficile de croire que les élèves bénéficieraient de quoi que ce soit en s’organisant pour réviser des apprentissages déjà maîtrisés, je suppose, ou de tenter même des domaines inexplorés. Même les parents d’ élèves qui n’ ont pas été à l’ école, et qui n’en sont pas dupes pour cela( peut- être surtout eux-mêmes), n’ accepteront pas cette nouvelle science de l’ éducation peu orthodoxe avec laquelle j’ ai beaucoup de mal à me réconcilier. Ils préfèrent l’ ancienne, celle qui a fait de moi aujourd’ hui un enseignant et transformé positivement la vie de milliers d’ autres burkinabè. La formule ne va pas les séduire. En tout cas, ce n’est pas comme cela que nous autres adultes qui avons eu la chance d’aller à bonne école avons appris. Enseigner suppose au moins trois choses :
1.Le Planning de l’ enseignement (qui ne sait pas où il va, arrivera dans le ventre du requin comme le petit poisson sans boussole de F. Meiger, spécialiste canadien des mesures et évaluations). C’est la partie la plus invisible de l’enseignement, et peut- être le moment le plus difficile de l’ acte d’ enseigner. C’est mon avis. Si je sais qu’ un enseignant n’a pas préparé son cours, en tant qu’ élève, je ramasse mes cliques et mes claques et je sors de sa classe. On ne perd pas mon temps. Il a beau être inventif (industrious), il « expérimentera » sans moi.

2. L’Instruction de ce que l’ on a planifié. Elle a aussi ses règles et c’est pourquoi je suis estomaqué qu’au 21ème siècle, on continue de recruter des enseignants qui n’ ont pas déjà été formés, malgré les belles promesses de par le passé. Connaitre sa matière ne suffit pas. Il faut savoir comment la transmettre. Il y a des professeurs de biologie qui maîtrisent l’anatomie du corps humain mieux que des médecins, mais qui accepterait se faire opérer par un professeur de sciences naturelles ? Pourtant un mauvais docteur ne tue qu’un ou deux patients avant qu’ il ne se fasse découvrir comme un danger public. Un mauvais enseignant, lui, tue tout une génération. Pourtant, des forestiers et des gendarmes ont « enseigné » dans ce pays. C’est tout cela qui donne l’impression que n’ importe qui peut être enseignant. Cela dévalorise et décrédibilise le corps. Une profession, ça s’apprend.

3. L’évaluation : « L’ évaluation est un jugement outillé en vue d’ une Prise de Décision Éclairée correspondant à des Buts Fixés A Priori »( Marc Gogny). Si l’évaluation n’est pas importante, comment sais- tu que ce que tu as enseigné a servi à quelque chose ? Comment peux- tu dire que tes élèves ont appris quelque chose ? Et qu’ est-ce qu’ ils n’ ont pas maîtrisé afin que tu puisses y apporter correction à temps ? L’évaluation est une collecte d’informations qui doivent nous permettre d’agir en temps réel, pas en différé. Il y a deux formes d’évaluation au moins (pour aller à l’essentiel, j’ai volontairement laissé de côté l’évaluation normative, l’évaluation critériée et l’évaluation diagnostique ou encore prédictive, et j’espère que vous qui me lisez, vous m’ en saurez gré de la simplification).

L’évaluation sommative (les objectifs sont – ils atteints ?) : C’est l’évaluation à la fin d’un « programme » qui aide à prendre des décisions souvent drastiques telles que Passe/Redouble/Exclu ou Admis/ Recale.

Les compositions de fin de trimestre ou les devoirs à la fin d’ un chapitre, ou les examens et concours (si on estime que les concours correspondent à des niveaux). Et à la fin d’un chapitre ou d’une unité, on évalue afin de passer à un autre chapitre ou à une autre unité généralement plus difficile. L’enseignement est cumulatif. L’évaluation et l’enseignement doivent être perçues comme deux moments de la même dynamique qui agissent en tandem, pas comme des divisions étanchement séparées. Sur la base de l’évaluation, on enseigne mieux dans les cours ou chapitres ou unités qui suivent. Ne pas s’alarmer du fait que les enseignants enseignent mais n’évaluent pas, c’est manquer de comprendre une pièce cruciale du puzzle dans le métier d’enseigner.

Cette évaluation sommative est punitive et souvent traumatisante. On connait des élèves brillants qui échouent toujours à leur examen par la peur et la paralysie qu’occasionne cet exercice aux enjeux inhabituellement élevés. Je me porte en faux contre l’idée selon laquelle même l’évaluation (sommative) puisse se faire à n’ importe quel moment. Elle se fait juste à la fin de l’intervention pédagogique. Cela coule de source et c’est le bon sens qui le veut ainsi.

C’est comme si mon maitre du CP1 des années 1970 avait attendu pour m’évaluer en 2017(puisqu’ on peut évaluer à n’ importe quel moment, non ?). Je lui en mettrais plein la vue car j’ai mûri et j’ai eu d’autres expériences dans la vie qui font que je comprends aisément que 2+2 égale 4. Mais il se tromperait s’il croyait que ma connaissance de 2+2 égale 4 était nécessairement due à son intervention pédagogique a lui. De même, je pourrais oublier des choses élémentaires qu’il m’a bien apprises mais qu’avec le temps, j’ai enterrées sous des couches de toutes sortes d’interférences que nous avons expérimentées dans la vie de tous les jours. Comment pourrait- il savoir ce qui a marché ou ce qui n’a pas marché puisqu’ il y aura eu trop de facteurs confondants ? Sans oublier que s’il n’ y a pas eu d’évaluation sommative dont le but est de prendre des décisions, on ne saurait conclure qu’un chapitre a été maîtrisé ou on ne saurait poser aucun acte de certification. Les parents d’élèves ne sont pas tous des éducateurs. Ils n’auront pas le jargon ou les mots pour dire que sans évaluation, leurs enfants sont comme embourbés mais encore une fois de plus, ils ont le bon sens et ils ne peuvent pas accepter cette idée que l’évaluation peut se faire à n’ importe quel moment. N est-ce pas trop gros pour passer ? La faiblesse de l’argumentaire communicationnel du Ministre n’est pas faite pour rasséréner les différents acteurs de l’éducation. On peut bien sûr toujours réunir les enfants à n’ importe quel moment, n’ importe où, et même sous le « magistère » de policiers ou de gendarmes ou de militaires, si l’on décidait un passage en force ; on pourra donner des scores ou des points aux élèves mais l’évaluation a aussi ses conditions. Une telle manière de procéder n’aurait aucune valeur. Nos enfants ne passent pas leur CEP quand ils sont déjà en classe de 3eme. Et ce n’est pas n’ importe qui qui administre ce rite certificatif. Même si l’on amenait des professeurs agrégés d’université pour administrer et corriger le certificat d’études, une telle certification n’aurait pas davantage de validité (un test est valide quand il évalue réellement ce qu’il est censé évaluer) et de fidélité( la consistance des notes ou des scores dans le temps).
L’évaluation formative(l’ apprentissage se construit –il comme prévu ?)
L’autre forme d’évaluation, l’évaluation formative, a lieu à tout moment, dés que l’ enseignement a commencé. C’est une évaluation qui a pour but de former, pour rester dans le champ sémantique du mot formatif. Il ne faut pas attendre que le bois soit sec pour espérer le redresser. On veut être sûr que, par un effet de feedback continu et continuel, on contrôle ce qui se passe chez l’apprenant. C’est lui qui est le plus important dans la chaîne éducative. Et par l’auto- réflexion, quand on se rend compte que le message n’ a pas produit les résultats attendus, on change de méthodes par des ré-explications, par d’ autres exemples ou en adaptant la communication pédagogique à l’ apprenant en l’ enseignant de nouveau selon la manière dont il apprend le mieux, par exemple en prenant en compte la théorie des Intelligences Multiples développée par Howard Gardner. Il y a des gens, par exemple, qui s’expriment mieux verbalement qu’ à l’ écrit, qui s’ expriment mieux avec leur corps qu’ en dessinant, etc. Alors, ne demander aux élèves qu’ ils montrent la maîtrise de l’ apprentissage par l’ écrit désavantage ceux qui ont un fort potentiel pour le parler, pour le dessin ou pour la dance, etc. C’est pourquoi les enseignants préparent toujours leurs cours chaque année en repassant au peigne fin ce qui n’a pas marché comme prévu. Et il y a toujours quelque chose que l’on peut changer dans une leçon. La leçon parfaite, aucun enseignant ne l’a encore exécutée. Les enseignants, même si c’est parfois inconscient, revisitent leur leçon, une fois l’instruction terminée, et font même des comparaisons avec les leçons des années passées ou des autres classes. Un enseignant qui ne se soumettrait pas à cette discipline de façon intentionnelle de temps en temps pourrait avoir enseigné vingt ans, mais il n’aurait pas vingt ans d’expérience, stricto sensu. Il n’aurait qu’une année d’expérience vingt fois. On peut enseigner la même classe, mais les élèves ne sont pas des clones. On n’apprend pas tous de la même façon comme ébauché ci- dessus et l’enseignement générique ne crée pas la maîtrise générale chez tous les apprenants.
L’évaluation formative n’a pas pour but de prendre une décision mais d’aider, d’accompagner. Si l’on pense que l’on peut évaluer à n’ importe quel moment, où est l’accompagnement ? Où est l’échafaudage qu’il faut pour supporter nos élèves en temps réel ? Un cultivateur peut- il attendre n’ importe quel moment pour désherber son champ, pour y apporter le fumier voulu ? Les enseignants ont posé les problèmes de fond qui minent l’enseignement. La victoire sur l’ignorance n’est pas seulement une question quantitative mais aussi une question qualitative telle que l’amélioration du moral des enseignants. A l’heure actuelle, il ne fait pas bon d’être enseignant au Burkina. Au risque de me répéter comme j’ai eu à le faire dans plusieurs postes sur les réseaux sociaux, les enseignants rongent leur frein surtout à cause du traitement à la face du client qu’on constate dans la manière du gouvernement de répondre aux préoccupations des travailleurs. Aussi légitimes qu’elles fussent, il fallait tenir compte de la notion très importante d’ équité car le gouvernement allait avoir à gérer de façon douloureuse le principe du « parallélisme des formes » et des similarités. Il reste que l’enseignant reste le parent pauvre de tous les corps et est la bête de somme avec des effectifs pléthoriques et des conditions de travail déprimantes. Les disparités sont trop criardes et c’est faire preuve d’hypocrisie que de ne pas relever avec force l’iniquité sociale, source de frustrations justifiées qui n’ont rien à voir avec la répartie facile de ceux qui sont du « bon » côté et qui disent avec une légèreté qui frise l’ immaturité que chacun a choisi son métier. Cela nous place dans la logique des gros bras qui a cours dans les milieux (mafieux). La logique du « winner takes all » (toug-guili administratif), s’il en est, ne peut prospérer dans une fonction publique organisée.
Le Malaise de l’Enseignant Burkinabè, une Condition Aggravée par le Désordre dans le Traitement Différentiel des Fonctionnaires
Je ne vois donc aucune justification à traiter inégalement des choses égales. Imaginez- vous en train d’enseigner une classe de 100 élèves ? Comment s’occuper des élèves qui apprennent plus lentement comme moi ? S’ il connait même réellement ses élèves ! Ceux qui disent que les enseignants sont plus nombreux que les magistrats ou les agents du Ministère des Finances, et que, ipso facto, on ne saurait améliorer leurs conditions de vie, sérieusement, eux ils méritent 39 coups de fouets sur la place publique. C’est parce qu’on a besoin d’eux qu’ils sont nombreux aussi, n’ est-ce pas ? Et qui est celui qui forme ces magistrats ou ces "financiers" ou ces policiers et autres ? Donc, je crois que le gouvernement a l’obligation morale au moins de satisfaire les enseignants aussi. Et les autres corps qui vont s’organiser à leur tour. Parce que c’est clair maintenant : "The squeaky wheel gets the grease" (c’est la roue qui crisse qui reçoit le graissage). Or, c’est l’ équité et le caractère raisonnable des revendications qui devraient présider aux décisions du gouvernement et non la capacité à se faire entendre ou la capacité de nuisance réelle, assumée ou présumée d’ un corps.
Que tous les protagonistes de l’éducation revoient encore la plate- forme revendicative de la CNSE et disent quel est le point de revendication des enseignants qui manque de réalisme et de pertinence. Les enseignants ne sont pas en grève nécessairement parce que d’autres corps ont eu gain de cause, même s’ ils n’auraient pas totalement tort car la fonction publique est une, tout de même, et qu’eux n’ ont pas fait vœu de pauvreté. Tant qu’ ils avaient honte de réclamer de meilleures conditions de vie, ils se faisaient du tort à eux – mêmes et donnaient l’impression qu’ ils pouvaient se contenter de très peu. Pendant longtemps, le discours hégémonique avait fait croire que parler d’argent était chose infâme pour l’enseignant. Pourtant, l’électricité ou le pétrole lampant, vous enseignants, vous ne les payez pas avec des grains de néré. On ne vit pas d’amour du métier et d’eau claire. Parler d’augmentation de salaire pour un enseignant n’est pas immoral. Personnellement, et à regarder les points de revendication, je ne vois aucune extravagance à demander à ce qu’il y ait plus de salles de classe par exemple, que les enseignants soient protégés, etc.
Mais le gouvernement, en favorisant certains corps de métier, n’a plus d’ arguments (de la rareté des ressources, des multiples priorités, encore que là où on nous dit que tout est prioritaire, c’ est que plus rien n’ est prioritaire car même les priorités connaissent un ordre de priorité). Si en tant que société, nous ne plaçons pas l’éducation comme l’une des priorités au top de la liste, c’est aussi un choix de société. Et je crois que c’est le cas car c’est dans les actes que l’on voit ce qui est priorité pour quelqu’ un. Donc, quand on est dans un puits perdu, pour en sortir, on évite de creuser davantage par une communication brouillonne. Le gouvernement gagnerait aussi à réviser les statuts de la fonction publique pour éviter les frustrations accumulées du fait de la satisfaction sectorielle avantageuse de certains corps de la même Administration avec grand A. C’est une offense au grand principe d’égalité et d’équité qui doit fonder la même fonction publique ou tous les corps produisent les richesses nationales, même les corps parfois perçus de façon ignorante comme improductifs comme l’ éducation et la santé, et comme par hasard, les secteurs hautement sociaux.
Je ne cache pas mon biais qui est du côté des revendications des enseignants car il est ma conviction qu’ en luttant pour de meilleures conditions de travail, ils luttent aussi pour la « re »fondation de l’ école burkinabè qui va mal. Il s’agit, encore une fois de plus, de nos enfants, de leur avenir, et de l’ avenir de tout une nation qui est à la croisée des chemins aujourd’ hui. Je n’aurais pas pu endosser le conseil de mon cousin Maixent au gouvernement pour qu’ il soigne davantage sa communication : En l’espèce, le silence est aussi une forme de communication qui a l’avantage au moins de ne rien laisser derrière que l’ on pourrait retenir contre vous. Quand on communique sans la rigueur voulue, l’effet est souvent contreproductif dans une situation déjà volatile comme celle – ci et grosse de danger pour toute la nation. En tout, le gouvernement doit revoir le volet communication surtout dans le souci de poser balle à terre et évacuer le problème afin que l’on passe à autre chose. Quand l’eau séjourne trop longtemps dans la bouche, elle devient salive. Le bras de fer n’a que trop duré. Cette plaie suppurante qui rend notre système éducatif encore plus dysfonctionnel doit être traitée avec des antibiotiques de spécialité pour décapiter les germes une fois pour toutes. Tout recours à des médicaments de rue du genre « Toupaii » sera non seulement inefficient mais en plus, l’abcès reviendra avec une rage et une vengeance renouvelées.
Mon Avis non Sollicité
J’ajouterai pour terminer, même si c’est un avis non sollicité, n’ayant voix au chapitre, et à l’ endroit du Ministère de l’Éducation, que le jour de l’accouchement, il n’y a plus de pudeur qui soit. La parturiente doit affronter la vérité nue. Dans ce cas de figure, on ne peut plus tergiverser ou louvoyer par des propos situés au versant faible de la communication, qui, loin d’aider le gouvernement, pourraient radicaliser les positions, et pire, compliquer sa tâche. Je souhaiterais qu’un comité ad hoc comprenant tous les acteurs de l’éducation soit mis en place pour dégoupiller cette bombe sociale qui se dessine à l’horizon car j’ai l’impression que le Ministre de l’Éducation ne pourra plus mener un dialogue serein avec la Coordination Nationale des Syndicats de l’Education(CNSE). En matière de résolution des conflits, il arrive des moments ou, sans l’avoir souhaité forcément, l’un des interlocuteurs puisse faire partie du problème quand la fracture avec les autres parties intéressées est assez visible pour ne plus produire un dialogue confiant et apaisé. Admettons-e tous, la crise est profonde et avancée et on ne peut plus vouloir gagner la guerre de l’opinion en avançant tout ce que l’on veut. Passé un certain point de non- retour (le rubicond), la forêt pourrait s’embraser pour le malheur de tous. Les drames entre les hommes arrivent le plus souvent par glissement, et il faut des Cassandre, ces « maudits », qui, mal(heur) y pensent déjà.

Touorizou Hervé Somé, MBA, Ph.D.
Maître de Conférences (Associate Professor)
Sociologie de l’Éducation/ Éducation Internationale Comparée
Ripon College, Ripon
Wisconsin
Email : burkindi@gmail.com

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