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Dénonciation du monopole de la CAMEG : La santé publique est-elle la préoccupations ?

Publié le jeudi 23 juin 2005 à 07h44min

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Dans la déclaration dont teneur suit, le Réseau accès aux médicaments essentiels (RAME) se prononce sur le différend opposant les grossistes privés à la CAMEG (Centrale d’achat des médicaments essentiels génériques).

La Centrale d’achat des médicaments essentiels génériques (CAMEG) a été mise en place dans le cadre de l’application de l’Initiative de Bamako, basée sur la protection et la promotion de la santé des populations à travers les Médicaments essentiels génériques (MEG) et les soins de santé primaires.

Elle a été le fruit, selon son directeur général, de « la volonté commune des bailleurs de fonds en l’occurrence l’Union européenne, la Coopération française, la Banque mondiale, la Coopération néerlandaise et le gouvernement de notre pays » (1)

La CAMEG reçut à sa création « une mission de service public à finalité sociale » (2) qui consiste à :

fournir aux formations sanitaires des médicaments essentiels génériques, des consommables médicaux et de laboratoire ainsi que du petit matériel médical ;

acquérir des médicaments essentiels génériques aux meilleures conditions ;

garantir leur disponibilité dans le respect des normes de qualité en vigueur.

Compte tenu de l’importance capitale du médicament dans le système actuel de santé, la CAMEG devint rapidement un maillon central de la politique sanitaire nationale. Son intérêt public et l’impératif d’une gestion rigoureuse ont, selon ses représentants aux panels sur l’accès aux médicaments contre le VIH/Sida, organisés par le RAME, dicté la mise en place d’un Conseil d’administration de 11 membres regroupant des représentants de l’Etat, les partenaires au développement sanitaire, les utilisateurs des MEG, les usagers de la CAMEG.

Au fil du temps, la CAMEG est devenue un modèle dans la sous-région et cela lui a valu d’assurer le Secrétariat permanent de l’Association africaine des centrales d’achat de médicaments essentiels (ACAME).

Malgré les acquis et la notoriété actuelle de la CAMEG, elle n’est pas à l’abri de certaines critiques. Les critiques les plus importantes concernent la qualité des génériques et le niveau de leur prix, le statut de la CAMEG et le « monopole » de la vente, que la CAMEG a avec les structures publiques de santé.

Les critiques portant sur la qualité des génériques sont surtout liées à la nature même de ces produits. Une certaine opinion voudrait que ces produits soient des « sous-médicaments », de moindre valeur que les médicaments de spécialité. Sur ce plan, la CAMEG est à encourager pour sa campagne d’information continue qui vise à montrer aux consommateurs que le générique est de même qualité que la « spécialité » avec un coût nettement plus accessible.

La qualité des médicaments, génériques ou spécialités, représente une problématique très complexe du fait de la limitation de nos ressources, qui fait qu’il existe peu ou pas de structure de contrôle fiable.

Au Burkina Faso, malgré les efforts de la CAMEG, des solutions urgentes doivent y être trouvées afin que la centrale de qualité ne soit pas d’un grand poids financier pour les consommateurs.

Sans doute dans le souci d’avoir une maîtrise du système de santé publique, l’Etat, à travers le ministère de la Santé, a signé une convention avec la CAMEG pour l’approvisionnement des structures sanitaires publiques en médicaments génériques. L’avantage réel de cette mesure est de garantir une bonne traçabilité des médicaments du secteur public, depuis leur entrée sur le territoire jusqu’à leur ventilation.

Cette mesure responsabilise également la CAMEG à garantir la disponibilité de toutes les molécules de la liste nationale des MEG, même si toutes ne sont pas forcément rentables. La finalité de sa mission étant surtout sociale, la CAMEG est censée, à l’aide de cette mesure, garantir des prix bas (sociaux) des médicaments génériques au Burkina.

Cependant, de plus en plus de voix s’élèvent contre ce monopole de la CAMEG. Ce qui est surtout remis en cause est le statut juridique de cette centrale, qui est devenue au cours de son évolution une « association privée » (3). Les autres grossistes, privés, contestent alors ce monopole et le considère comme une concurrence déloyale.

Ces grossistes exigent par conséquent, au nom de la libéralisation du commerce et de la libre concurrence, qu’il soit mis fin à la convention entre la CAMEG et le ministère de la Santé. Ils sont même persuadés que la concurrence qui va ainsi se créer va induire une baisse notable des prix des génériques au Burkina Faso.

Convaincus de leur bon droit, des grossistes des médicaments génériques ont ainsi introduit une plainte auprès de la Commission nationale de la concurrence et de la consommation (C.N.C.C.). Cette commission serait censée régler les litiges commerciaux au Burkina et faire appliquer les lois du commerce conformément au libre échange promu par le nouvel ordre mondial de la mondialisation. Compte tenu des répercussions que le dénouement de ce litige peut avoir sur la politique nationale d’accès aux médicaments essentiels, le RAME tient à préciser sa position et son engagement :

considérant son engagement, aux niveaux national et international, à faire passer avant tout intérêt commercial le bien-être et la santé des populations ;

considérant que le présent litige pose avant tout un problème de santé publique ;

considérant que la décision de la C.N.C.C. risque, vu ses missions, de privilégier les règles du commerce au détriment de la santé des populations ;

considérant qu’il serait juste que des réflexions soient menées sur certaines critiques faites à la CAMEG,

le Réseau dénonce la procédure actuelle engagée et recommande aux plaignants son annulation. Le RAME préconise que des concertations ouvertes, intégrant un certain nombre d’acteurs, de spécificités différentes et avisés des enjeux de santé publique, soient menées autour de la question.

Cette démarche a pour avantage de privilégier l’aspect sanitaire du problème posé au détriment d’une vision purement commerciale qui constituerait une grave menace pour les acquis de notre politique nationale de santé.

En outre, elles pourraient sauvegarder ou instaurer un climat favorable à de prochains partenariats entre les différents protagonistes, ce qui ne serait pas possible à l’issue de la procédure actuelle. L’accès des populations à des médicaments moins chers et de qualité est un enjeu qui appelle tous les acteurs à unir leurs forces.

Le RAME appelle les autorités compétentes (Premier ministre, ministre de la Santé, ministre du Commerce), à œuvrer à l’instauration de ces concertations ouvertes, dans des délais raisonnables. Le RAME réitère aux différents protagonistes son engagement à combattre toute action, toute politique ou tout comportement tendant à privilégier des intérets commerciaux au détriment de la santé de nos populations.

Au même titre qu’il a dénoncé le procès des firmes occidentales contre le gouvernement sud-africain en 1999, les tentatives hégémoniques des puissances occidentales pour faire passer les intérêts de leurs firmes avant la santé des populations des pays pauvres dans les discussions de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (4), la signature par le Burkina Faso des Accords de Bangui 1999 (5), la récente adoption de clauses commerciales « criminelles » par les autorités indiennes (6), le RAME se tient prêt à mobiliser l’opinion publique nationale et internationale contre toute option de résolution de la crise, qui ne donnerait pas la priorité à la consolidation et à l’amélioration de l’accès des populations aux médicaments essentiels.

Le RAME reste impartial et indépendant et se donnera les moyens de contacter tous les protagonistes pour une résolution raisonnable de ce litige.

Notes : (1) Invité du trimestre, le médicament n°004, P.11 (2) Rapport des panels sur l’accès aux médicaments contre le Sida au BF, P.12 (3) Panels sur l’accès aux médicaments contre le Sida au BF (4) "Le médicament" n°000 et 001 (5) Voir pétition "Sauvez-nous des Accords de Bangui" (6) "Le médicament" n°004

Observateur Paalga

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