Mémorial Thomas Sankara : Un symposium pour magnifier le panafricaniste
LEFASO.NET | Par Marcus Kouaman
Le lancement du projet de mémorial Thomas Sankara s’est tenu ce dimanche 2 octobre 2016, à Ouagadougou. Ce sont des jeunes du Burkina et de la sous région qui ont pris d’assaut la maison du peuple pour suivre le symposium panafricain dédié au père de la révolution burkinabè du 4 août 1983.
Cette journée de lancement a été marquée par plusieurs faits majeurs. Il s’agit du symposium panafricain, de la marche des jeunes, du lancement officiel et du concert live.
L’ouverture du symposium a été faite en présence du parrain, John Jerry Rawlings (JJR), ancien Président du Ghana, Tahirou Barry, ministre de la culture, des arts et du tourisme du Burkina Faso, Boukary Kaboré dit le lion et Jean Hubert Bazié proches du défunt président, l’artiste musicien sénégalais Didier Awadi, et bien d’autres personnalités. De fortes délégations sont venues du Sénégal, du Mali, du Niger, du Ghana, du Benin, du Togo et du Cameroun entre autres. La délégation ivoirienne n’a pas pu effectuer le déplacement de Ouagadougou à cause d’une panne de véhicule.
« Ceux qui ont tué Sankara… »
Le président du comité d’initiative et de réflexion sur le projet de construction du mémorial Thomas Sankara, Abdoul Salam Kaboré, dans son adresse, affirme que pour lui « ce jour est hautement historique ». « Le 2 octobre 1983 est la date que le visionnaire Thomas Sankara avait choisie pour discuter et dissiper le discours d’orientation politique (DOP) qui entamait un processus long, difficile mais ambitieux et nécessaire », confie le médecin-colonel et ministre de la santé sous Sankara. Selon lui, « le mémorial sera une occasion de rendre un hommage au héros national ».
Comment financer ce projet qui coûtera près de 5 milliards de nos francs, demande-t-il ? Ce mémorial doit être citoyen. « C’est vous citoyens qui devez le construire de vos mains, vos idées, vos archives et surtout de vos moyens financiers », laisse-t-il entendre. Pour le monsieur vaccination commando, si sur les 17 millions de Burkinabè que nous sommes, 10 millions donnent 100 francs CFA, cela fait 1 milliard de francs CFA. Et si tous les révolutionnaires africains en font pareil, le mémorial sortira de terre.
Pour le ministre Tahirou Barry, il est normal d’exprimer sa fierté en voyant cette grande mobilisation. Le défis de la construction d’un mémorial digne de ce nom « qui sera un haut lieu de souvenir, de commémoration, de diffusion et de promotion des idéaux du capitaine Thomas Sankara », sera relevé. « Ceux qui ont tué Sankara ont simplement coupé l’arbre en oubliant les racines car la force du baobab repose dans ses racines », lance-t-il aux jeunes. Il ajoute que « ceux qui ont tué Thomas Sankara ont oublié que l’éléphant peut mourir mais ses défenses demeurent ». Selon toujours Tahirou Barry, « ceux qui ont tué Thomas Sankara avec violence ont oublié que la violence du vent n’efface pas les traces du léopard ». Ces paroles, surchauffent la maison du peuple.
Pour le parrain Rawlings, l’insurrection avait un message clair car il y a toujours l’espoir pour l’Afrique. Il se réjoui des paroles du ministre et de la manière dont cela a été dit. Pour lui, les jeunes sont les dignes héritiers de Sankara car ce qu’il a semé a germé. « Notre soutien à ce projet est une obligation morale », confie-t-il.
Thomas Sankara, un panafricaniste né
Après ces allocutions, place est faite aux panelistes. Plusieurs thèmes ont été développés. A savoir le modèle social de Sankara, l’originalité de son système, la place de la culture et de l’homme africain dans son système, la pensée politique africaine et le panafricanisme aujourd’hui.
En ce qui concerne le modèle social, Dr Ndongo Sylla, économiste, affirme que Sankara avait bâti son modèle autour d’axes comme la santé (vaccination commando), l’éducation révolutionnaire. Pour lui, le combat de Sankara est toujours d’actualité en ce sens qu’il faut nous libérer de la servitude monétaire et du francs CFA.
Pour Dr Abdoulaye Barro, professeur de philosophie, Sankara était un libre penseur et n’aimait pas lorsqu’on le classifiait. Il était à la fois sociologue, philosophe, économiste et homme politique. Selon lui, le développement ne se dit pas, il se fait et Thomas Sankara était dans cette lancée. Ce qui fait de lui un être atemporel, grâce à la révolution démocratique et populaire. Pour le philosophe, « la pensée politique de Sankara est un refus de la tyrannie ».
L’historien-chercheur Lascony Nysymba Fiacre, laisse entendre que « les peuples qui ne célèbrent pas leurs héros ont eu leur destin scellé ». Il cite en exemple la République démocratique du Congo avec Patrice Lumumba, la Centrafrique avec Barthelemy Boganda. Pour lui, Sankara faisait la promotion de la romance, de la culture mais en n’oubliant pas le travail. Ce qui fait que ses idéaux ont survécu à sa disparition.
Pour le sociologue David Gakunzi, « on ne développe pas un peuple, mais un peuple se développe ». Sankara était dans cette dynamique. Son panafricanisme était celui de Lumumba, de Nkrumah et de bien d’autres l’ayant précédé.
Parole a été donnée aux jeunes qui unanimement ont reconnu que Thomas Sankara était un visionnaire et un panafricaniste. Raison pour laquelle « l’impérialisme » a mis fin à sa vie parce qu’il faisait peur.
Marcus Kouaman
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