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"24 heures au Faso" :La téléréalité met à nu un Burkina à deux looks

Publié le dimanche 7 décembre 2003 à 18h29min

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Assurément, l’émission "24 heures au Faso" a du mérite. Non pas qu’elle fasse découvrir le Burkina Faso dans ses réalités sociales, économiques, culturelles et administratives, mais parce que, sans le vouloir, elle montre aussi la réalité des hommes burkinabè et permet de comparer leur "être" en province et leur "paraître" à Ouagadougou, la grande capitale.

Premier constat : jusque-là, tous les habitants des provinces visitées ont d’abord été impressionnés par l’armada déployée par la RTB pour réaliser son émission phare du moment. En fait, pour "24 heures au Faso", la RTB, volet TV, déménage carrément en raison de l’importance du boulot à accomplir (et non pour les perdiems et le tourisme comme le disent les mauvaises langues). Cet émerveillement traduit la méconnaissance des équipements TV qui ne sont pas loin dans ce cas pour certains de ressembler à des OVNI dans des contrées coupées des progrès technologiques et qui ne sont pas près de rattraper leur retard au regard de la "vitesse" de développement de leur région.

Le fossé de la disparité c’est aussi et surtout dans le contenu, ou plutôt dans les images véhiculées par "24 heures au Faso", qu’on le retrouve dans toute sa cruauté. On se rend bien vite compte que le Burkinabè du pays réel est une fois sur deux un homme habillé en haillons. Eh oui ! Cela n’a rien à voir avec les costumes-cravates, le bazin-brodé ou la samba-doublée de certains citadins, notamment la très haute classe dirigeante des cadres-intellos ou des petits bourgeois-affairistes.

La chemise yougou-yougou déchirée et le pantalon troué, délavés de surcroît et crasseux, constituent la tenue de travail du laborieux Burkinabè du pays réel. Normal, quand on doit assurer sa pitance sous un soleil brûlant, au contact de la boue et de la poussière, on n’accorde que très peu d’importance à de l’eau de Cologne. Les femmes sauvent quand même l’honneur en évitant malgré tout de porter des lambeaux de pagnes ou de "marinières". Même si la vie est dure, l’élégance féminine est sauve.

Quant aux marmots, ils sont les photocopies de leurs pères, la morve en plus et quelques cas de ventres bedonnants, paradoxe d’une malnutrition chronique. Rien à voir avec les "poupées barbies" joufflues de Ouaga qui participent aux émissions enfantines de la RTB, coiffées dans des salons de coiffure comme leurs mamans ou les petits garçons branchés à la mode hip-hop. Pas besoin donc d’un dessin, il y a bel et bien un Burkina à deux looks.

Ce regard croisé qu’offre la RTB le temps d’un "24 heures au Faso" est donc sociologiquement, économiquement et surtout politiquement intéressant. Les politiciens chasseurs de voix électorales devraient être plus regardants sur l’état de misère matérielle de leur "bétail" électoral. A défaut de pouvoir les élever dans la haute sphère de l’opulence, ils peuvent au moins avoir de la pudeur à ne pas accentuer la différence. Il n’y a pas que les politiciens, d’ailleurs ; tous les "cadres" sont concernés.

Combien sont-ils, en effet, ceux et celles qui rivalisent à Ouaga dans le luxe (villas, voitures, voyages, comptes en banque) et dans les galas de bienfaisance alors que leur propre progéniture patauge encore dans l’insalubrité et la précarité d’une habitation de fortune ? Certains "pieds nickelés" poussent le bouchon jusqu’à ne s’occuper de leurs "parents" indigents que par coursiers interposés, histoire de ne pas toucher à la crasse en attendant de leur organiser de grandes funérailles à grand renfort d’enveloppes, d’hectolitres de liqueurs et de longues processions de rutilantes 4x4 d’amis et connaissances compatissants.

Les Burkinabè reluisants ne sont donc que les icônes d’une partie du pays peut-être en "voie" de développement. Heureusement que les indicateurs du PNUD qui décapent le verni ramènent à la réalité vraie de la pauvreté des Hommes intègres qu’une descente en province donne à voir.

R. Cynique

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