IDRISSA MALO TRAORE (Entraîneur de football) : "J’ai apporté ma touche à l’émergence des jeunes chez les Etalons"
L’homme n’est plus à présenter pour avoir traîné sa bosse sur plusieurs stades du continent en tant que technicien du football. Il s’agit de Idrissa Malo Traoré dit Saboteur qui vient de rentrer pour les vacances de Libreville au Gabon où il dirige l’école de football d’Owendo cumulativement avec ses fonctions de directeur technique du FC 105 de Libreville. Nous l’avons rencontré pour un bilan de ce séjour et abordé avec lui les perspectives. Ce fut également une opportunité pour lui de faire un rappel historique sur des joueurs qui font un début tonitruant en ligue 1 française et auxquels il avait ouvert pour la première fois les portes de l’équipe nationale.
"Le Pays" : Après près de deux années passées au Gabon où vous avez dirigé l’école de football d’Owendo de Libreville, quel bilan faites-vous ?
Idrissa Malo Traoré : Je peux dire que le bilan est positif et même très positif. Ce qui explique ma présence au Gabon était la mise en place d’une structure aux plans juridique, technique et infrastructure. L’école que je dirige n’avait pas ses statuts. Une fois ces aspects réglés, nous avons procédé au recrutement des jeunes. Nous avons recruté 30 jeunes sur 300 inscrits pour commencer la première promotion de l’école. Ce sont des enfants qui avaient au maximum 12 ans. Avec cette promotion, nous nous sommes engagés dans les championnats de petites catégories que les enfants ont remportés. Parallèlement, nous avons fait une sélection au niveau du lycée, puisque l’école que je dirige est un lycée, pour mettre en place une catégorie.
Cette catégorie a aussi remporté le championnat. Ainsi, l’année dernière, nous avons été champions dans les catégories cadettes et minimes. Cette année, les minimes sont devenus cadets et les cadets, juniors. Nous avons encore été champions en minimes, en cadets et nous avons remporté la super coupe. L’objectif qu’on m’avait assigné était la mise en place de la première promotion et la formation des cadres. Je peux dire que cet objectif est atteint.
Comment expliquer qu’au cours de la saison écoulée, on vous a vu sur le banc du FC 105 ?
Disons que le fondateur de l’école que je dirige est également le fondateur du FC 105. Je veux parler du général Ngari Idriss. Au moment de la trêve, après la phase aller, a FC 105 était avant-dernier avec 9 points. L’équipe était proche de la relégation. C’est ainsi que le général m’a demandé de l’aider à sauver l’équipe. Chose que j’ai faite et nous avons terminé 9e avec 30 points. De l’avant-dernier, je suis monté à la 9e position.
Vous pouvez nous expliquer comment les contacts ont été noués entre le général Ngari et vous ?
Le général est une personne qui voyage beaucoup. Pour avoir été ministre de l’Intérieur, ministre de la Défense, sous le président Omar Bongo, il a beaucoup d’amis.
C’est donc à Ouagadougou qu’il est venu vous voir ?
Non, il m’a envoyé un message. Nous nous sommes entendus et je suis parti.
Maintenant que l’objectif avec l’école a été atteint, quelles seront vos prochaines missions ?
Mon objectif était la mise en place de la première promotion de l’école et la formation des cadres locaux. Toute chose qui a été faite. Maintenant, si je dois rester au Gabon, c’est pour d’autres objectifs.
En étant au Gabon, comment est-ce que vous vivez le football du pays ?
Vous savez qu’avec les nouvelles technologies, on peut rester à l’autre bout du monde et savoir ce qui se passe dans son pays. En tant que chercheur et sportif, je m’informe au maximum de ce qui se passe dans mon pays et dans le monde. Je pense que l’équipe nationale actuelle est composée de jeunes mûrs. Ce sont des jeunes que j’ai formés pour la plupart. Lorsque j’ai pris l’équipe nationale en 2006, il était question de faire une prospection pour la rajeunir. Dans le cadre de cette politique, j’ai pu détecter des jeunes qui étaient pleins de talents mais qui n’ont jamais été appelés en équipe première. Et c’est à ces jeunes que j’ai fait confiance.
Parmi eux, vous avez Tallé Mamadou, Paul Coulibaly, Joël Kouassi, Charles Kaboré, Jonathan Pitroïpa, Narcisse Yaméogo, Bakary Koné, Alain Traoré. Je peux donc dire que j’ai apporté ma touche à l’émergence de ces jeunes qui font actuellement la fierté du pays. Je me rappelle qu’à l’époque, pour le match contre le Sénégal à Ouagadougou et comptant pour les éliminatoires de la CAN 2008, les gens m’ont attaqué parce que j’avais aligné des enfants. C’est surtout avec Pitroïpa que j’ai eu plus de problèmes avec la fédération. On me disait qu’il était trop flegmatique. Et moi, j’avais dit non. J’ai préféré garder mes convictions parce que je savais que ces jeunes allaient faire la fierté de notre pays. Et aujourd’hui, l’histoire me donne raison. En tout cas, moralement, je suis fier d’avoir contribué à cela.
Qu’est-ce que cela vous fait de voir ces jeunes enflammer la ligue 1 en France ?
Je pense que c’est une fierté pour tout le Burkina. Je suis un encadreur qui a joué un rôle pour leur émergence ; j’ai pris des risques pour eux. Si aujourd’hui, ils ont ces performances, je ne peux qu’être fier. Nous devons continuer à prier pour eux pour qu’ils aillent de l’avant. Je sais qu’ils ont une marge de progression et qu’ils peuvent même se retrouver dans les grands clubs européens tels que le Real de Madrid et le FC Barcelone. Pour cela, il faut qu’ils continuent à travailler, à se battre et à écouter les conseils. A part les jeunes au niveau national, j’ai eu l’occasion de faire exploser d’autres à l’étranger. En Côte d’Ivoire, vous avez Romaric N’dri Koffi, Boka Arthur, Baky Koné, Tiene Siaka ; au Mali, vous avez Tamboula, Yaya Keita ; au Gabon, vous avez Eric Mouloungui. C’est dire qu’au niveau de la détection et de la formation des jeunes, ce sont des faits innés en moi.
Vous qui avez fait le tour du continent, où est-ce que vous gardez vos bons et mauvais souvenirs ?
Disons qu’en matière d’encadrement de football, tous les enseignements sont bons. C’est-à-dire que quand tu es un entraîneur, partout où tu passes, l’environnement a ses défauts et ses qualités. Et c’est cela qui forme un éducateur. Je peux dire que partout où je suis passé, j’ai tiré de bons enseignements. Au plan technique, je peux citer le Kadiogo du Burkina, l’équipe avec laquelle j’ai fait de bons parcours jusqu’en demi-finale de club de la CAF en 1978. A l’époque, l’Afrique nous respectait parce qu’on avait une très bonne équipe. Avec l’ASEC également, à mon 2e passage en 2001/2002, je suis arrivé en demi-finale de la ligue des champions. Il y a également le Bilinga au Gabon, une équipe que j’ai emmenée aux quarts de finale du championnat et on a remporté la coupe du Gabon. Voilà quelques résultats techniques que je garde comme souvenirs.
Et en équipe nationale ?
En équipe nationale du Burkina, à mon premier passage en 1992-1996, nous avons fait de bons résultats. Et en 1996, j’ai pu qualifier l’équipe pour la première fois à la CAN sur le terrain. J’ai également entraîné l’équipe nationale du Niger et celle de la Centrafrique.
Comment jugez-vous le niveau des préparatifs de la CAN Gabon-Guinée équatoriale 2012 à moins de six mois du début de la compétition ?
Je peux vous assurer que la Guinée équatoriale est prête depuis pratiquement une année à tous les niveaux pour accueillir cette compétition. La CAF y est allée en inspection mais ce n’était que par pur formalisme. Le Gabon, par contre, ne l’est pas totalement puisqu’il est à environ 70% de réalisation des travaux. Le stade omnisports Omar Bongo qui était en réfection pour la circonstance ne pourra pas être prêt mais va être transformé en un grand centre de formation pour différentes disciplines sportives. C’est finalement le stade qui est en train d’être construit par les Chinois qui sera utilisé pour la CAN. Les Gabonais mettent actuellement tout en œuvre pour rénover ou construire des hôtels, de même que des infrastructures routières. Il faudra être prudent quand on veut se rendre d’un point à un autre à cause surtout des embouteillages.
Le deuxième stade en construction à Franceville est à un taux d’exécution de 50%. Les travaux sont suivis de très près depuis quelques mois par le président de la république du Gabon, Ali Bongo, qui se rend de temps en temps sur le terrain en compagnie de membres du gouvernement et de techniciens. Il met la pression tout en rassurant que le Gabon sera prêt pour accueillir l’événement. Au-delà, il faut reconnaître que les Gabonais aiment le football et supportent ceux qui jouent bien, en n’oubliant pas qu’ils se mobilisent davantage lorsqu’il s’agit de leur équipe nationale pour laquelle leur président a mis beaucoup de moyens. Une structure nationale de supporters qui a ses démembrements dans tout le pays a été mise en place regroupant des membres de toutes les couches sociales nommées par le ministère des Sports. Du point de vue climat, il faut prendre les dispositions parce qu’en début d’année, c’est déjà la saison des pluies.
Qu’aimeriez-vous dire que nous n’avons pas pu aborder ?
Je saisis l’opportunité pour remercier les autorités de notre pays pour tout ce qu’elles ont mis en place pour que notre sport de façon générale, et particulièrement le football, aille de l’avant. Au-delà du sport, je demande à mes frères Burkinabè de faire chacun un effort pour préserver la paix dans notre pays. Ceux qui n’ont pas voyagé ne savent pas ce que sont les troubles, les crises ou les guerres civiles dans un pays. J’ai beaucoup voyagé et effectué des missions des Nations unies au Burundi par exemple et je sais ce que c’est que l’instabilité dans un pays. La paix n’a pas de prix pour que le pays puisse avoir un développement durable.
Saboteur en bref
C’est le 24 décembre 1943, que Idrissa Malo Traoré dit Saboteur vit le jour à Gaoua dans le Sud-Ouest du Burkina. Après avoir débuté à l’ASFB en 1959, il a évolué par la suite à la Jeanne d’Arc de Ouaga (ASFA-Y). L’homme a défendu les couleurs nationales de 1964 à 1970 en tant que latéral droit. C’est en étant en équipe nationale, qu’il passe avec succès son premier degré d’entraîneur ; il réussira ensuite le deuxième degré, obtiendra la licence A en Allemagne avec la mention excellence, avant d’obtenir le diplôme d’instructeur FIFA en 1980 et est désormais instructeur FIFA/CAF. En tant qu’entraîneur, il a coaché plusieurs clubs en Côte d’Ivoire dont l’ASEC Mimosa (2 fois), le Stade d’Abidjan, le Sporting club de Gagnoa, le Sabé sport de Bouna. L’YCO, l’ASRAN, le RCB et le Kadiogo FC au Burkina et des clubs du Mali, du Niger, du Gabon, du Congo, de la Tunisie. Il a été aussi sur le banc de touche des équipes nationales du Burkina (2 fois), de la Centrafrique, du Niger et a été désigné par la CAF meilleur entraîneur d’Afrique en 2002.
Depuis 2009, Saboteur dirige l’école de football d’Owendo de Libreville et est en même temps le directeur technique du FC 105 de cette ville au Gabon. Docteur en droit option criminologie, il a enseigné dans les universités de Cocody en Côte d’Ivoire, de Bujumbura au Burundi et à Ouagadougou. Il est également auteur de publications telles que la Psychologie du commandement, la crise burundaise, le football et l’entraîneur, Police et droits de l’homme, criminologie et médecine légale.
Propos recueillis par Antoine BATTIONO et yannick SANKARA
Le Pays