LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

PHILLIPPE OUEDRAOGO, COORDONNATEUR DE LA CAMPAGNE DU CANDIDAT ARBA DIALLO : "La CENI doit reprendre les cartes d’électeur"

Publié le vendredi 19 novembre 2010 à 02h16min

PARTAGER :                          

Le coordonnateur national de la campagne du candidat Hama Arba Diallo, Philippe

Les directeurs de campagne de 5 candidats à l’élection présidentielle du 21 novembre 2010, viennent de marquer leur volonté de saisir la justice afin que celle-ci constate la non-conformité des cartes d’électeur. Ils demandent à la Commission électorale nationale indépendante (CENI), de les reprendre pour se conformer aux dispositions du code électoral. Pour en savoir davantage sur cette affaire, nous avons rencontré le 18 novembre 2010, le coordonnateur national de la campagne du candidat Hama Arba Diallo, Philippe Ouédraogo, un des responsables qui remettent en cause les cartes d’électeur.

"Le Pays" : Que reprochez-vous à la CENI par rapport aux cartes d’électeur ?

Philippe Ouédraogo, coordonnateur national de la campagne du candidat Hama Arba Diallo : Les candidats Hama Arba Diallo, Boukary Kaboré dit "Le lion", François Ouampossoga Kaboré, Emile Pargui Paré et Me Stanislas Bénéwendé Sankara, ont constaté la non-conformité des cartes d’électeur avec ce que le code électoral prévoit comme mentions qui doivent figurer sur les cartes d’électeur.

Ce que dit l’article 53 du code électoral

Le code électoral dans son article 53 demande que soient portés sur les cartes d’électeur, entre autres, la date de naissance et le lieu de naissance. Sur les cartes d’électeurs délivrées par la CENI cette année, il ne figure que l’année de naissance qui est différente de la date de naissance. En plus de cela, il ne figure pas du tout sur ces cartes le lieu de naissance. La question que l’on se pose est de savoir pourquoi la CENI a délibérément décidé de ne pas se conformer aux dispositions du code électoral. Le Burkina Faso est connu comme un pays où les homonynies portant sur les noms et prénoms sont très fréquentes. Dans un village, on peut trouver une dizaine de personnes qui sont nées à la même date et qui portent les mêmes nom et prénom. Par conséquent, la carte d’électeur n’est plus personnelle. Elle peut être utilisée par plusieurs personnes. Donc nous disons que cette situation n’est pas acceptable. C’est pourquoi nous demandons l’annulation de ces cartes d’électeurs afin que l’on les reprenne pour que nous ayons des cartes qui soient conformes aux dispositions du code électoral.

Nous sommes à quelques jours de la tenue du scrutin. Pensez-vous que la reprise des cartes d’électeur est encore possible ?

Tout ce que nous demandons est que les cartes d’électeur soient conformes aux dispositions du code électoral. Bien sûr, cela peut avoir des conséquences en ce qui concerne le délai de mise en conformité mais cela n’est plus de notre responsabilité.

Où en est-on avec la plainte que vous comptez déposer à la justice ?

Nous avons constitué un collectif d’avocats le 17 novembre 2010, qui va saisir incessamment la justice.

Si d’aventure vous n’obtenez pas satisfaction, qu’allez- vous faire ? Allez-vous suspendre votre participation à la présidentielle ?

Je pense que c’est difficile que nous n’obtenions pas satisfaction parce que nous demandons seulement à chacun de respecter la loi. Par conséquent, la CENI doit être amenée à respecter la loi. Elle a fait un travail qui n’est pas correct, donc, elle doit le recommencer. Pour nous, les choses se présentent de façon aussi simple. Quant à la suspension de notre participation à l’élection présidentielle en cas de non-satisfaction (ce que nous n’envisageons pas), nous pensons que cette décision revient aux candidats eux- mêmes, qui, pour l’instant, n’ont pas pris une décision dans ce sens.

Vous avez aussi marqué votre volonté de suspendre la participation des membres de l’opposition à la CENI. Qu’est-ce qui motive cette décision ?

Nous avons pris cette décision parce que nous pensons qu’il n’est pas normal que malgré les remarques que les membres de l’opposition ont soulevées, la CENI puisse passer outre pour faire un mauvais travail. Nous estimons qu’il ne sert pas de les maintenir à la CENI si finalement leurs points de vue ne sont pas pris en compte. Nous ne pouvons pas cautionner que par leur présence, un travail fait ne soit pas conforme à ce que dit la loi. C’est pourquoi nous avons, conformément à la loi, adressé une lettre au chef de file de l’opposition afin qu’il prenne des mesures pour répondre à notre requête. Vous savez, nous avons eu plusieurs modifications et amendements à cette disposition du code électoral.

La dernière a eu lieu en octobre 2010, à quelques jours de l’ouverture de la campagne pour autoriser la CENI à ne pas mentionner l’affiliation du porteur de la carte d’électeur. Cela est fait dans quel but, nous ne le savons pas. Quand on se réfère aux cartes d’électeurs qui ont été délivrées pour les élections législatives de 2007, ou pour la présidentielle de 2005, ou même pour les élections législatives de 2002, elles ont toutes été faites conformément au code électoral. Toutes les mentions qui étaient demandées y figuraient. Pourquoi aujourd’hui, la CENI a-t-elle voulu simplifier de façon aussi abusive les mentions portées sur les cartes d’électeur ? Nous n’en voyons pas l’intérêt. Tout ce que l’on peut dire, est que c’est une procédure qui conduit finalement à rendre ces cartes-là, interchangeables entre plusieurs individus. Et cela n’est pas normal. Une carte d’électeur doit être personnelle. Nous disons par ailleurs, qu’il y a beaucoup à dire en ce qui concerne la distribution des cartes d’électeur.

"Des pratiques peu orthodoxes"

On a remarqué que des cartes d’électeur sont remises à des gens qui n’en sont pas propriétaires. C’est-à-dire que des gens se présentent auprès des agents distributeurs avec plusieurs documents, notamment des actes de naissance, pour retirer des cartes d’électeur. Alors que cela est contraire aux dispositions de la CENI. Nous avons même appris quelque chose de plus grave, à savoir que des gens qui ne s’étaient pas inscrits sur les listes électorales, réussissent à se faire inscrire et à se faire délivrer des cartes d’électeur. La CENI peut le contester mais cela veut dire qu’elle ne maîtrise pas tout ce qui se fait à son nom. Il faut qu’elle prenne des dispositions pour que de telles situations ne puissent pas se produire parce que c’est inadmissible. Dans un pays où des gens se sont battus pour que l’élection soit organisée de façon transparente et équitable, si des gens peuvent ensuite manipuler les dispositions pour se faire inscrire quand ils le veulent, il est évident que l’on ne puisse pas se fier aux résultats censés sortir des urnes.

Nous sommes également inquiets par rapport à la suppression de certains bureaux de vote par la CENI. Ce qu’elle a avancé, quand nous l’avons rencontrée, à savoir le nombre insuffisant d’électeurs qui fréquentent ces bureaux de vote, nous laisse perplexes. En fusionnant les bureaux de vote voisins, on augmente la distance que doit parcourir l’électeur qui votait dans le bureau dont on dit qu’il n’avait pas assez d’électeurs. Si on augmente la distance, il y a de fortes chances que l’électeur ne se déplace pas pour aller voter. Par conséquent, on peut être assuré que c’est une façon d’augmenter la liste des électeurs qui ne se présentent pas dans les bureaux de vote. Et dont les noms peuvent être utilisés par les fraudeurs pour faire voter d’autres personnes. Nous disons que tout cela n’aide pas du tout la transparence du scrutin.

Avez-vous des exemples concrets par rapport au retrait de cartes d’électeur par des gens qui n’en sont pas propriétaires ?

Oui, nous avons autour de nous des gens qui sont partis retirer des cartes d’électeur qui ne sont pas les leurs. Un de nos camarades a retrouvé les cartes d’électeur des membres de sa famille chez lui alors que ceux-ci ne se sont pas présentés dans les bureaux de vote. Cela veut dire que quelqu’un s’est présenté devant un agent distributeur de cartes avec la liste des membres de sa famille pour retirer leurs cartes.

Un mot en guise de conclusion ?

Je pense que beaucoup de gens peuvent s’inquiéter du fait que notre position entraîne par elle-même un risque en ce qui concerne le maintien de l’élection au 21 novembre 2010. Si on veut respecter la loi, il faut enjoindre à la CENI de reprendre les cartes d’électeur. Cela peut entraîner un délai supplémentaire. Mais je pense que c’est un risque normal à prendre pour que nous ayons des élections fiables.

Propos recueillis par Dabadi ZOUMBARA

Le Pays

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV