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Nabasga de Naaba Saaga de Issouka : La chefferie traditionnelle au service de la lutte contre le VIH-SIDA

Publié le mardi 30 mars 2010 à 09h58min

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Naaba Saaga (droite) et Me Pacéré

Parade des chevaux, chants et danses traditionnelles, sensibilisation sur la non stigmatisation des personnes vivant avec le VIH-SIDA, inauguration de la place Naaba Boulgo, visites de chefs traditionnels ; ce sont entre autres les activités qui ont marqué le 5e Nabasga de Naaba Saaga de Issouka (Koudougou). Le chef de Issouka, en plaçant cette fête sous le thème : « chefferie traditionnelle, outil de promotion de la non stigmatisation des PV-VIH » contribue ainsi à la lutte contre ce fléau qui mine la société. Les manifestations se sont déroulées du 26 au 28 mars dernier.

Avec un taux de 4.2% de taux d’infection, Koudougou est la ville du Burkina la plus touchée par le VIH-SIDA. Les fils et filles de la région se doivent alors de réagir pour combattre ce mal. Ce combat commence d’abord par le l’acceptation des personnes infectées. Pour réussir le pari de ramener ce taux à 0.2% (taux le plus faible détenu par Dori) en 2012, les gardiens de la tradition sont entrés dans la danse avec en tête, le Naaba Saaga de Issouka.

A l’occasion de son Nabasga(fête traditionnelle Moaga annuelle) placé sous le thème « chefferie traditionnelle, outil de promotion de la non stigmatisation des PV-VIH », il appelle tous à l’union pour gagner la bataille. Un objectif noble mais qui sera très difficile à atteindre au regard des pesanteurs sociaux. Pendant les trois jours qu’ont duré les festivités, la population de Koudougou a eu droit à des réjouissances mais aussi et surtout des messages forts de sensibilisation.

Dès le vendredi matin, une vingtaine de cavaliers ont fait le tour de la ville pour annoncer les couleurs. « Le bonnet du chef ne discrimine pas les PV-VIH », « le SIDA n’est pas une fatalité, ne m’abandonnez pas » ou encore « je suis infecté mais je peux encore contribuer au développement de mon pays », chacun des cavaliers portait une pancarte avec un message précis sur la stigmatisation des PV-VIH. Ils ont fait le tour de la ville, se rendant tour à tour chez les responsables traditionnels mais aussi politiques pour leur demander d’être des relais dans la transmission du message. Ils ont été accompagnés dans ce tour de la ville par des femmes à vélo et des jeunes enfants à pieds. De ce fait, ils étaient plus d’une centaine. Un message apparemment bien entendu car la mobilisation a été d’une envergure inattendue à Issouka chez le successeur du Boulgo Naaba le samedi 27mars.

Des soirées traditionnelles

La population de Koudougou, des amis d’horizons divers sont venus soutenir le chef dans cet objectif noble. Autorités religieuses, coutumières et politiques de la région ne se sont pas fait prier pour s’y rendre. Au rang des invités de marque, l’ambassadeur du Japon au Burkina et son épouse. Habillé en tenue traditionnelle moaga, il tient ainsi à soutenir autant que possible la culture africaine. Aucun peuple ne se développe sans se baser sur sa culture. Même s’il faut s’inscrire dans la modernité, les deux ne sont pas incompatibles.

Homme de tradition et modernité, c’est le prototype même de Naaba Saaga. Modeste Yaméogo, de son nom à l’Etat civil est un cadre de l’Unicef mais également bien ancré dans l’univers culturel moaga, et un chrétien pratiquant ayant passé par le séminaire. Le Lallé Naaba Tigré est également venu soutenir le Chef de Issouka. C’est d’ailleurs lui qui l’a intronisé sur le trône de son père en 2005.
Evènement dans l’évènement

La plus grande satisfaction de Naaba Saaga et du public est la visite surprise de Me Titinga Pacéré, intellectuel moderne et Naaba moaga. Revenu d’Europe la veille, il s’est rendu à Issouka le Samedi après-midi. Compte tenu de l’insistance du public à le voir et surtout l’entendre, le chef de Issouka lui a demandé de s’adresser à sa population. Habillé en pharaon, il déballé son sac à proverbe. Juriste mais aussi et surtout historien, il a, dans un mooré soutenu, retracé l’histoire de tous les quartiers de Koudougou. Que de proverbes ! Il ne fallait pas seulement être mossi pour le comprendre. Il faut aussi être un pur traditionnaliste. Il est clair que certains ne l’ont pas compris mais n’applaudissaient que son éloquence. Un véritable « maître de la parole » ! Il est aussi un homme à multiples facettes. Officiant au TPI-R et au Congo pour le compte des Nations Unies, Me Titinga Pacéré vient d’être admis à l’Académie française des sciences d’outremer. Une occasion de plus pour contribuer au rayonnement de la culture africaine. C’est à Issouka qu’il l’a annoncé. Naaba Saaga était tout simplement un homme comblé.

Tous les soirs, des troupes musicales traditionnelles se succèdent sur le podium dressé pour l’occasion par le RAJS (réseau africain des jeunes pour la santé et le développement). Cette association a saisi l’occasion pour faire des dépistages volontaires gratuits. Kisto Koimbré et sa troupe, Bamogo de Nobéré, étaient les principaux animateurs de ces soirées. Sans oublier celle qui traverse des décennies sans prendre de rides. Maman Ardo, malgré ses 83 ans reste toujours très solide. Elle fait des prestations qui durent au minimum 30 mn. Elle a réussi à faire danser les deux chefs : Naaba Saaga et le Lallé Naaba. Une autre voix s’est fait découvrir à cette occasion. Une adolescente, en classe de 6e, enfant de Bamogo de Nobéré a aussi, par sa voix mélodieuse et innocente, levé les deux Naaba de leurs fauteuils pour esquisser quelques pas de danse. La prestation de ces artistes de génération très différentes mais très proches montrent à quel point tradition et modernité peuvent être complémentaires.

Le message de Naaba Saaga

Avec quelques invitésLe Naaba a d’abord fait allégeance au Mogho Naaba à la tête de l’empire Mossi et au Lallé Naaba Sanem qui l’a intronisé sur le trône de son père après le décès celui-ci en 2005. « Le chef appartient à la communauté et partage de ce fait ses joies et ses peines », dit-il. Raison pour laquelle il veut amoindrir ces peines en s’investissant dans la lutte contre le SIDA et plus précisément la non stigmatisation des PV-VIH. Cette lutte interpelle toute la communauté qui malheureusement considère toujours le SIDA comme une maladie impure et les personnes infectées sont traitées d’immorales. Chose peu évidente si non pas du tout.

Des exemples d’engagement de haut niveau ne manquent pas pour faire évoluer les mentalités. Il faut suivre le pas. Les chefs se doivent de jouer leur partition en refusant la stigmatisation. Il a interpellé de ce fait les jeunes à « veiller sur leur santé et à adopter des comportements responsables » et à être des solutions et non des problèmes pour leur famille et leur pays. Les chefs traditionnels sont des points de liaisons pour parler du mal et sensibiliser les populations ainsi que les personnes ressources en vue d’élaborer des stratégies permettant de prévenir la propagation de la maladie et aussi apprendre à vivre avec la maladie et ses conséquences. Etant les plus écoutés, les chefs traditionnels sont la meilleure voie pour changer les mentalités.

C’est la touche particulière que veut apporter le chef de Issouka dans la lutte contre le SIDA qui continue à être un tabou pour beaucoup. Homme d’ouverture et de dialogue et de dialogue, Naaba Saaga associe les chrétiens mais aussi les musulmans lorsqu’il organise son nabasga car il est conscient qu’il n’existe pas de succès solitaire. Il a demandé aux ancêtres de lui donner la forcer de réaliser l’objectif combien difficile à atteindre. Pour sûr, on a besoin de l’aide des mânes pour éradiquer le mal du siècle. Vivement que d’autres chefs traditionnels lui emboitent le pas.

Moussa Diallo
Lefaso.net

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