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Proverbe du Jour : “Ce sont nos choix qui montrent qui nous sommes, bien plus que nos capacités.” Joanne K.Rowling

Marie Odile Bonkoungou/Balima ministre de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation : "La situation de l’école burkinabè n’est pas aussi catastrophique qu’on le pense"

Publié le mardi 30 décembre 2008 à 02h44min

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Elle est l’une des six femmes membres du gouvernement burkinabè. Administrateur civil de formation, Marie Odile Bonkougou/Balima (MOB) est à la tête du ministère de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation depuis septembre 2005. Le domaine est sensible et les enjeux énormes. Connue pour sa rigueur et son exigence du travail bien fait (car formée à la bonne école) Marie Odile Bonkougou dévoile à Sidwaya (S) comment elle réussit à piloter un si gigantesque département. Elle peint le quotidien et les perspectives de son ministère, s’exprime sur le sens de son engagement politique, donne son opinion sur les quotas, sur le sens de l’éducation aujourd’hui et explique les coupures des salaires des enseignants grévistes. Elle s’exprime également sur les conflits en Afrique, l’élection de Barack Obama...

Sidwaya (s) : Quelle est la politique actuelle du gouvernement burkinabè en matière d’éducation et quelle est la part du budget allouée à ce département ?

Marie Odile Bonkoungou (MOB)

Avant de répondre à cette première question, permettez-moi de vous remercier au nom de mes collaboratrices et de mes collaborateurs qui m’accompagnent. C’est avec beaucoup de plaisir et de satisfaction que nous sommes là pour répondre à votre invitation. Je profite de l’occasion pour adresser mes félicitations au directeur général et à toute l’équipe des Editions Sidwaya. Nous avons toujours du plaisir à vous lire. Je ne le dis pas parce que je suis avec vous, mais c’est en toute sincérité. Vous nous inspirez confiance et cela traduit tout le mérite et l’intérêt que chacun de vous accorde à la communication et à l’information. Merci beaucoup, courage et plein succès.

Pour revenir à votre question, le gouvernement du Burkina Faso fait de l’éducation une priorité nationale. Cela a été affirmé dans la loi d’orientation de l’éducation qui est le principal dispositif juridique en matière d’éducation. Le caractère prioritaire de l’éducation se vérifie à travers les efforts et les sacrifices consentis par le gouvernement. C’est vrai, je ne veux pas vous dire par là que les moyens mis à la disposition du ministère de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation (MEBA), répondent entièrement à notre satisfaction. Mais franchement, je dois avouer qu’il y a un effort fait par l’Etat.

Dans ce sens, lorsqu’il y a un problème majeur qui est posé dans le secteur de l’éducation, si la situation est bien présentée et bien défendue, nous avons toujours une oreille attentive de la part du gouvernement.
Le budget consacré à l’éducation tourne autour de 20% du budget national. Ce n’est pas suffisant mais nous constatons chaque année que des progrès sont faits.

S. : Que représentent les 20 %

M.O.B. : Les 20 % représentent beaucoup de chose du point de vue du budget total de l’Etat et aussi du point de vue disponibilité financière du pays. Vraiment ce n’est pas petit. En valeur absolue, le budget consacré au seul secteur de l’éducation de base est de l’ordre de 103 311 689 en 2008.

S. : La réforme du système éducatif est en cours depuis presque deux ans. Les résultats obtenus sont-ils à la hauteur de vos attentes ?

M.O.B. : Nous venons d’entamer la deuxième année de la mise en ouvre de la réforme du système éducatif. La réforme du système éducatif a connu une application effective à la rentrée scolaire 2007-2008.

Evidemment, bien avant, il y a eu la phase de conception du document de base de cette réforme qui a pris pratiquement toute l’année 2006. Il y a eu aussi toute la phase de consultation, d’information et de communication tout au long des années 2006-2007. Par rapport au volet communication et information, il faut reconnaître que le travail n’est pas encore fini parce que la réforme étant un processus, il va de soi que la campagne d’information et de sensibilisation aille avec. C’est un travail qui va suivre son cours.

Au terme d’une année de mise en ouvre, les ministres en charge de l’éducation que nous sommes, disons que nous sommes satisfaits. Nous sommes satisfaits non pas seulement des résultats positifs en termes de progression au niveau des indicateurs, mais aussi sous l’angle des différentes opinions que les uns et les autres ont accepté d’exprimer.
En effet, dans le processus de gestion de la réforme du système éducatif, le gouvernement n’a pas besoin qu’on le caresse dans le sens du poil. Nous avons besoin d’enregistrer des critiques constructives qui vont nous faire avancer.

Et l’un dans l’autre, je dois dire que la première année de mise en ouvre nous donne satisfaction.
Nous avons constaté des progrès au niveau des indicateurs. Nous avons enregistré des critiques qui nous ont permis de procéder à des redressements éventuels et d’observer plus de vigilance dans cette stratégie de mise en ouvre de la réforme de notre système éducatif.

S. : Concernant la prise en charge des enseignants dans le processus de la réforme du système éducatif, peut-on s’attendre qu’à long terme, les salaires de ces derniers soient à la charge des collectivités locales ? Ou bien seront-ils toujours à la charge de l’Etat ?

M.O.B. : Non, dans un contexte de décentralisation, il faut s’attendre à ce que les collectivités locales jouent leur partition en matière de recrutement. Je ne veux pas parler ici des transferts des effectifs actuels dans notre fonction publique aux collectivités locales. Cependant, il est tout à fait normal qu’à terme, une collectivité locale (commune ou région) puisse recruter son personnel.

Du reste, c’est pour toutes ces raisons que l’Etat déploie des efforts pour former des enseignants, des agents aptes à assurer le métier d’enseignant. Cela permet à ces nouveaux acteurs émergents que sont les collectivités locales et le privé, d’avoir du personnel qualifié pour assurer l’enseignement dans les établissements. Donc à terme, il est bien possible qu’une collectivité locale puisse recruter son personnel qu’elle pourra gérer. Pour l’heure, les agents en activité sont au compte du dispositif de l’Etat.

S. : Dans le temps, les syndicats des enseignants étaient quelque peu hostiles à cette décision d’être gérés par les collectivités locales. Qu’en est-il actuellement ?

M.O.B. : Je sens une certaine frilosité de la part des syndicats quand on évoque le recrutement au niveau des collectivités locales. C’est peut-être une question de compréhension, sinon à l’heure où je vous parle, je connais des communes qui, face au déficit d’enseignants, ont accepté de recruter des enseignants et de payer les salaires des intéressés. Ce sont là des initiatives que nous avons louées. Les candidats à ces recrutements n’ont pas pris cela de façon négative. Etant entendu que ce sont des candidats malheureux qui ont échoué au test de recrutement d’entrée dans la fonction publique et qui ont eu une autre chance qu’ils ont saisie.
C’est une frilosité qui de mon point de vue ne se justifie pas, mais est due à des incompréhensions ou à un manque de communication. C’est pourquoi, en la matière, il faut vraiment communiquer, donner toutes les informations disponibles afin que le personnel enseignant, sache exactement ce qu’il en est.

S. : La régionalisation a-t-elle véritablement résolu l’insuffisance des enseignants dans certaines provinces ?

M.O.B. : Absolument. Je crois que si aujourd’hui, le gouvernement n’avait pas décidé de régionaliser les recrutements, la situation serait catastrophique. Au moment où on décidait de régionaliser les recrutements, vous saviez quelle était la situation à Ouagadougou ? Dans une seule classe on pouvait se retrouver avec quatre ou cinq enseignants.

Tout simplement parce qu’on recrute au plan national. A l’heure des affectations, il y avait des pressions diverses que les agents de la commission d’affectation au MEBA subissaient. Ces pressions font que finalement, on recrute non pas pour répondre à des besoins réels mais pour satisfaire des intérêts individualistes et subjectifs. C’est ce qui justifiait les effectifs pléthoriques dans les grandes agglomérations. Toute chose que nous déplorions. Avec la régionalisation, nous recrutons en fonction des besoins exprimés par chaque direction provinciale ou régionale. Si l’Etat recrute chaque année trois mille (3 000) enseignants, ce n’est pas de façon empirique qu’on le fait. Ce sont les besoins exprimés, en fonction des départs à la retraite, des ouvertures nouvelles et bien d’autres situations créant un besoin en recrutement. La bataille n’est pas gagnée.

On a régionalisé certes, il y a eu des acquis, mais il y a encore des efforts à faire pour pérenniser ces acquis et surtout, parvenir à une meilleure maîtrise des effectifs. Aujourd’hui, si nous interrogeons nos collaborateurs au niveau déconcentré, il ressort un déficit d’enseignants. A ce propos, j’ai invité les directeurs à une meilleure gestion de leurs effectifs. Ceci dit, nous ne sommes pas contre un recrutement éventuel pour combler le manque, mais il faut que nous soyons sûrs, que le déficit exprimé correspond à une situation réelle. Ce qui n’est pas toujours le cas. Ce sont des aspects qui nous préoccupent et que nous suivons de près pour éventuellement agir et corriger la situation.

S. : A propos des affectations, n’est-il pas envisageable de revoir le cas des couples où par exemple, l’homme et la femme ne sont pas toujours dans la même région ?

M.O.B. : Ce n’est pas une situation créée délibérément. Autant que faire se peut, nous répondons favorablement aux demandes d’affectation pour rapprochement de conjoints. Je dis bien autant que faire se peut, parce que si de façon systématique, nous devons affecter pour rapprocher des conjoints, nous risquons de retomber dans les travers. Le domaine de l’enseignement est assez particulier.

Les différentes sensibilités font que les décisions ne sont pas toujours aisées à prendre et c’est le cas des affectations pour le rapprochement des conjoints. Je ne peux pas vous dire tous les problèmes que nous gérons à l’approche des affectations. Nous subissons toutes sortes de pressions. Mais il faut rester prudent et vigilant surtout.
C’est une situation qui nous préoccupe et nous invitons l’ensemble des acteurs du système éducatif à participer à la réflexion. S’il y a des solutions à nous proposer, elles seront vraiment les bienvenues.

S. : Mme le ministre, êtes-vous d’avis avec ceux qui pensent et même affirment que le niveau de l’enseignement est en baisse au Burkina Faso ? Si oui, quelles sont les causes ?

M.O.B. : Je comprends un peu ce reproche qui est fait à notre système éducatif. D’emblée, je dirai que le niveau de l’enseignement a effectivement baissé. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cela. Il y a des facteurs endogènes et des facteurs exogènes. En ce qui concerne les facteurs endogènes, je pense à l’absence d’un dispositif de veille pour suivre par exemple, la mise en ouvre des recommandations et résolutions prises à l’occasion des grands fora, des rencontres d’envergure nationale ou internationale.

Il y a également les programmes et les approches pédagogiques. Il me semble qu’il y a une unanimité qui se dégage et qui reconnait que les programmes sont lourds et difficiles à assimiler par les enfants. Ce sont des programmes qui mettent l’accent sur le savoir ; pas suffisamment sur le savoir-être et le savoir-faire. Il y a en outre, les approches pédagogiques. Nous parlons de plus en plus d’approches par des compétences. Cette approche va mettre l’apprenant au centre même des apprentissages. Elle va permettre de mettre à la disposition de notre société, des produits qui répondent aux besoins de développement de notre pays. Il ne suffit pas d’aller à l’école pour acquérir un savoir uniquement. A la sortie de l’école, on doit être utile à la société.

C’est l’ensemble de ces éléments endogènes qui explique la baisse du niveau de l’enseignement.
On peut aussi évoquer le comportement de certains acteurs. Je citerai à titre d’exemple, l’absentéisme des enseignants. Si ceux-ci sont souvent absents, cela veut dire que le programme scolaire ne va jamais être épuisé. Si également, il ya une mauvaise organisation du travail au niveau de l’école, de la circonscription, des directions (provinciale, régionale), même au niveau central de l’administration, il va sans dire que la qualité de l’éducation va prendre un coup.

Concernant les facteurs exogènes qui contribuent aussi à baisser la qualité de l’éducation, il y a la démission des parents. Il faut qu’on le reconnaisse. Les enseignants n’ont pas de solutions miracles aux échecs scolaires des enfants. Et que dire !
Des messages anti éducatifs que véhicule la société. La violence, le mariage forcé, le harcèlement sexuel, le viol sont là autant d’éléments qui jouent sur la baisse du niveau de l’enseignement.

S. : Qu’entendez-vous par démission des parents ?

M.O.B. : En France, quand il s’est agi de prolonger la durée des vacances, des parents se sont plaints parce qu’ils craignent la présence de leurs enfants à domicile. Ce n’est pas une démission çà ? C’est vrai que nous ne sommes pas encore à ce niveau au Burkina Faso, mais nous n’en sommes pas loin. Ce n’est pas parce qu’on a mis son enfant à l’école qu’il faut l’abandonner aux enseignants. Vous avez également des parents qui ne suivent pas le travail scolaire de leurs progénitures. Ces parents pensent qu’avec les moyens, on peut tout faire.
Quand ça ne va pas, on court vers les meilleurs établissements. Ce n’est pas ça la solution. Ils vont compliquer la tâche de l’enseignant et même contribuer à baisser le niveau de la classe.

S. : Mme le ministre, comment expliquez-vous le fait qu’il n’y a que 45 % des admis qui ont effectivement le niveau de la classe requise ?

M.O.B. : Vous voulez parler du taux d’achèvement. Ce taux traduit les dysfonctionnements et les insuffisances de notre système éducatif. C’est bien un volet pris en compte dans le Programme décennal de développement de l’éducation de base (PDDEB). Et si vous regardez l’évolution du taux d’achèvement au cours des cinq dernières années, vous constaterez qu’il y a eu des avancés. Nous avons bon espoir. Au niveau du PDDEB, nous visons un taux d’achèvement de 75 % d’ici à 2015. Des efforts doivent être faits et les aspects y relatifs doivent être pris en compte dans la mise en ouvre du PDDEB.

S. : Ne pensez-vous pas qu’il faille revoir la hausse de niveau des enseignants ? Recruter par exemple, des enseignants de niveau Bac et plus ?

M.O.B. : Je crois qu’il est trop tôt d’affirmer qu’il faut revoir le niveau de recrutement des enseignants. De même, il ne faut pas systématiquement croire qu’il faut revoir la durée de formation des enseignants. La France ou d’autres pays africains par exemple, où les enseignants du primaire ont un niveau universitaire, ne sont pas exempt de problème.

Personnellement, après avoir suivi une émission sur l’école française, je suis fière de l’école burkinabè. Je suis fière dans la mesure où la situation n’est pas aussi catastrophique qu’on le pense. Mais vous venez de poser un problème de fond qui est récurrent au MEBA. Ce problème est en ce moment, objet de réflexion. Nous ne sommes pas contre une révision éventuelle du niveau de recrutement ou un rehaussement éventuel de la durée de formation.

Nous disons plutôt, qu’il y a des préalables. Si vous l’avez remarqué, les rentrées dans les ENEP (ndlr : Ecole nationale des enseignants du primaire) se font tardivement. Nous devons commencer d’abord par régler ce problème. Nous sommes aussi en train de revoir les approches pédagogiques utilisées dans ces écoles. Nous voulons y introduire l’enseignement modulaire parce que, ce que nous cherchons dans les ENEP, c’est d’avoir des enseignants capables d’être pratiques sur le terrain. Ce ne sont pas des développements théoriques qu’on leur demande. Donc il y a cette option pour l’enseignement modulaire qui est faite. Elle n’est qu’à ses débuts et nous avons besoin de la renforcer.

Enfin, il y a même le contenu de la formation initiale et de la formation continue qui doit être revu. L’introduction incontrôlée ou peu encadrée des innovations dans les programmes de formation des élèves maîtres est un sérieux problème. Ce sont là autant de difficultés pour lesquelles des solutions sont entrain d’être trouvées. D’ailleurs, courant décembre 2008, nous allons tenir la rencontre annuelle des directeurs généraux des ENEP au cours de laquelle ces questions seront abordées. Il faut avancer et pouvoir donner une réponse définitive à cette question récurrente sur " le niveau du recrutement ou la durée de formation des enseignants dans les ENEP ?"
Pour terminer sur cette question, je vous dis ceci : il y a des études réalisées qui montrent qu’il n’y a pas forcément un lien entre la qualité de l’enseignement d’un enseignant et son niveau et la durée de la formation qu’il a reçue.

S. : Avant de prendre la direction du MEBA, le PDDEB souffrait d’une gestion calamiteuse qui aurait dit-on emporté votre prédécesseur. Comment gérez-vous cette affaire ?

M.O.B. : Je vais vous dire clairement la situation que j’ai trouvée en arrivant au MEBA. Quand j’arrivais au ministère, j’ai trouvé une situation de crise de confiance entre le gouvernement et ses partenaires. J’y ai trouvé également qu’il y avait un audit physique portant sur les réalisations des infrastructures éducatives de 2003 et 2004. Et enfin, j’ai trouvé un audit financier qui était en cours.

C’est vrai que ce n’était pas du tout gai. Cette crise de confiance a eu pour conséquence le blocage dans la mise en ouvre du plan d’action de 2005, pour la partie des dépenses qui devait être prise en charge par les ressources extérieures.
Pour gérer la situation, il fallait d’abord comprendre ce qui explique cette situation de crise. Ma première activité a été d’initier des rencontres avec l’ensemble des Partenaires techniques et financiers (PTF) et à cet effet, j’ai bénéficié de l’accompagnement du Ministère de l’Economie et des Finances de l’époque. A l’occasion, les différentes parties (Gouvernement et partenaires techniques et financiers) se sont exprimés dans le seul but de parvenir à une situation de partenariat sain.

Après plusieurs concertations, nous sommes parvenus, courant novembre et décembre, à un recentrage du plan d’action 2005 et sa mise en ouvre en attendant les conclusions des audits financier et physique qui étaient en cours.
Le gouvernement, aussi, avait pris l’engagement de rembourser si les conclusions de l’audit avéraient qu’il y a eu des cas de malversations et de prendre des sanctions à l’encontre des auteurs. Quand même il fallait qu’on reprenne les activités. C’est dans ces conditions que nous avons travaillé à recentrer le plan d’action pour voir ce qui pouvait être fait en deux ou trois mois. Cela n’a pas été facile. Je tire comme enseignement de cette situation que le dialogue et la concertation sont essentiels dans tout processus de gestion.

S. : Quelle compréhension avez-vous faite des différents audits ?

M.O.B. : Ma compréhension est que le programme du PDDEB en lui-même a été complexe surtout dans le volet réalisation des infrastructures éducatives. Sa mise en ouvre n’était donc pas évidente. Vous savez, dans le cadre du partenariat, ce sont les résultats qui intéressent les partenaires qui nous accompagnent ; et quand ce n’est pas cela, ils tirent tout de suite les conclusions.

Quelques temps après ma prise de fonction, nous avons eu les résultats de l’audit physique relatif aux constructions de 2003-2004. Ça a été le point d’achoppement car plusieurs milliards ont été prévus pour la réalisation d’infrastructures éducatives, des appels d’offre ont été lancés, les marchés ont été attribués, les entrepreneurs ont pris des avances, mais sur le terrain on ne voyait pas grand chose.
Le 26 décembre 2005, au lendemain de la fête de Noël, nous avions convoqué tous les entrepreneurs concernés au stade du 4-Août pour partager, avec eux, les conclusions de l’audit physique. Nous savions qu’ils avaient ainsi leur part de responsabilité. Certains d’entre eux, avaient abandonné leur chantier.

Il fallait chercher à comprendre. Jusqu’à l’heure où je vous parle, nous n’avons pas fini de gérer les problèmes des chantiers 2003-2004. Néanmoins la compréhension avec les entrepreneurs est revenue et nous avons même repris les travaux avec certains d’entre eux. Pour d’autres, nous avons tout simplement mis fin au contrat parce qu’ils n’étaient pas capables de poursuivre les travaux. De nouveaux contrats ont été négociés avec ceux qui se sentaient en mesure de continuer. De nos jours, nous sommes à un taux d’exécution de 65 % des chantiers 2003-2004.

S : Est-ce cette situation qui explique le problème d’accès ? Parce qu’il y a toujours des effectifs pléthoriques.

M.O.B. : Oui c’est ça. Parce que le programme de construction n’a pas été suivi. Comment accélérer la réalisation des infrastructures éducatives reste toujours un défi malgré les avancées qui ont été enregistrées. Et c’est dans ce sens que nous avons étendu la maîtrise d’ouvrage délégué à des ONG pour la construction d’infrastructures. Outre Faso-Baara, il y a des ONG avec qui nous avons des conventions pour accélérer la réalisation des infrastructures éducatives. Cela nous a permis d’avancer effectivement mais ce n’est pas suffisant. Des efforts et de nouvelles stratégies sont encore nécessaires pour montrer à nos partenaires techniques et financiers, notre capacité d’accélération dans la réalisation des infrastructures éducatives et je ne suis pas sûre qu’ avec le dispositif actuel, nous puissions le faire.

C’est pourquoi nous comptons aussi travailler avec les communes. Nous avons demandé à intervenir lors des journées de la commune burkinabé pour voir avec les communes, comment nous pouvons travailler ensemble. C’est vrai qu’avec la mise en place du fonds pour le développement des collectivités locales, il est prévu déjà le transfert des ressources aux collectivités, pour accompagner la mise en ouvre du PDDEB ; mais nous pouvons aller au-delà avec suffisamment de précautions pour ne pas retomber dans les mêmes problèmes. Parce que ce sont les mêmes entrepreneurs qui vont venir faire ci, ou faire ça. En instituant un cadre de concertation et un véritable partenariat avec les communes je suis convaincue que nous pouvons avancer dans la réalisation des infrastructures éducatives.

S : Il y a eu un audit financier et physique. Ces audits ont statué sur les responsabilités ? Est-ce qu’il y a eu des sanctions.

M.O.B. : Pour l’audit physique, nous voulions juste avoir une idée des réalisations qui ont été faites au titre des financements extérieurs et tirer toutes les conséquences.

Pour l’audit financier, nous avons également les conclusions qui font ressortir des dépenses non justifiées et des dépenses inéligibles d’un montant de 1 080 000 000 FCFA. L’auditeur a par ailleurs relevé dans son rapport qu’il n’y a pas eu de cas avérés de détournements.
Les dépenses inéligibles c’est lorsque vous utilisez des ressources clairement affectées à une activité précise pour une autre activité. A titre d’exemple, on vous donne de l’argent pour construire une école et vous utilisez cet argent pour des formations.
Les dépenses non justifiées sont des dépenses faites sans aucune pièce justificative.

Et comme l’Etat s’était engagé à rembourser en cas de malversations, il l’a fait. Aujourd’hui, je peux vous dire que la confiance avec les PTF est rétablie parce que la Suède qui par exemple avait suspendu sa participation pour le PDDEB en attendant que la situation se clarifie, est revenue et vraiment en force avec une contribution assez consistante. Néanmoins, nous sommes en train de continuer un travail d’affinement des conclusions de cet audit.

A l’heure où je vous parle, les conclusions de l’audit ont été déposées ; le Ministère de l’Economie et des Finances et le Ministère de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation les ont analysées, et ont estimé qu’il fallait approfondir certains aspects. Dans ce sens des séances d’informations et d’échanges avec les gestionnaires et les DPEBA, ont été organisées.
A l’issue de ces rencontres, nous avons pu obtenir encore des pièces justificatives et nous avons pu réduire le montant des dépenses non justifiées.

Après cela, nous avons renforcé la démarche avec la participation de la direction des affaires contentieuses et du recouvrement du MEF. La mission est partie dans les provinces pour procéder à des contrôles sur le terrain ; un rapport a été produit avec quelques remarques tendant à peaufiner les analyses. Et c’est ce travail qui est actuellement en cours par une commission composée des représentants du ministère de l’Economie et des Finances et du MEBA. C’est après cette étape, que nous pourrons situer les responsabilités avec ce qui va sortir en définitive, comme situation irrégulière. En attendant, il y a des mesures conservatoires qui ont été prises.

S : Lesquelles ?

M.O.B : quelques responsables ont été relevés de leurs fonctions.

S : Est-ce qu’il y a eu des poursuites judiciaires ?

M.O.B : Quand les responsabilités seront situées, s’il faut exercer des poursuites judiciaires, nous le ferons.

S : Depuis 3 ans que vous êtes sur l’affaire et on n’a pas trouvé des conclusions. Qu’est-ce qui explique cette lenteur ?

M.O.B. : Oh non. Personnellement, j’estime que nous avançons. La situation n’est pas bloquée. Si je ne vous en parlais pas, vous n’auriez pas eu toutes ces informations. Sentez-vous une situation de crise ?

S. : Mais vous avez commencé à rembourser avant de situer les responsabilités ?

M.O.B : Oui

S : Pourquoi ?

M.O.B. : l’audit a fait ressortir des dépenses inéligibles et des dépenses non justifiées et le Gouvernement a remboursé en exécution de son engagement. Mais ce n’est pas un problème. L’Etat a remboursé ce qu’il doit à ses partenaires techniques et financiers et va exercer l’action récursoire contre les agents fautifs.

S. : Quelle lecture faites-vous des détracteurs de votre prédécesseur qui le soupçonnent de trimballer une valise pleine d’argent

M.O.B : Vraiment je n’en sais rien du tout.

Rien du tout.

S : Que pensez-vous des écoles en paille ou en tôle ?

M.O.B : Nous les appelons des écoles sous abris précaires. Nous avons besoin de ces écoles pour répondre aux besoins pressants exprimés en matière d’éducation. Les écoles précaires n’ont pas commencé avec nous. Mon secrétaire général a plus de 33 ans de service et il peut vous dire l’expérience qu’il a vécue. Et vous vous souviendrez que lors du séjour du secrétaire général des Nations unies dans notre pays, il a visité une école pour voir les réalités et constater les efforts du gouvernement et le dévouement des parents d’élèves autour de l’école.
Il a adressé un message d’encouragement à l’endroit des enfants en leur disant : "votre situation est meilleure par rapport à la mienne. Parce que moi j’ai fait l’école sous des arbres, et sous la pluie, dans un contexte de guerre".

Des encadreurs et des cadres de notre administration ont témoigné avoir suivi des cours sous des paillotes. C’est vrai que ce n’est pas la solution idéale. Mais est-ce qu’il faut refouler les enfants pour manque de bâtiments construits en dur pour les accueillir ? Je pense que non. Personnellement, ce n’est pas une situation qui m’ébranle. Je suis contente quand j’arrive et je vois les enfants qui, malgré ces conditions sont eux-mêmes heureux d’être à l’école ; c’est un réconfort pour moi de voir que malgré les conditions difficiles, les enfants saisissent leur chance d’aller à l’école.

S : Mais madame, en cas de catastrophe, qui endosse les responsabilités ?

M.O.B. : En cas de catastrophe, on situe les responsabilités. Tenez-vous bien, les élèves sous les paillotes sont sous la surveillance étroite des enseignants. Il est toujours possible d’anticiper et de parer aux éventualités.

Mais en cas de drame, les responsabilités doivent être situées.

S : Qu’en est-il de l’école qui s’est écroulée à Koudougou en mai 2007 ?

M.O.B : L’enquête suit son cours. Le ministère est fortement intéressé par les conclusions de cette enquête. Nous avons vécu durement ce drame. L’ironie du sort a voulu que l’enseignante perde sa fille dans le drame et elle-même a eu une jambe cassée, c’était vraiment des défaillances techniques.
Je ne souhaite pas voir cet entrepreneur sur la liste de mes fournisseurs. Nous allons prendre nos responsabilités.

S. : Qu’est-ce qui explique le boom des écoles privées dans l’offre éducative au Burkina Faso ?

M.O.B. : Je crois que les écoles privées font du bon travail. Certes, il y a toujours des brebis galeuses ; et l’Etat doit travailler à les ramener sur le bon chemin.

D’une manière générale et depuis un certain temps, on constate une forte mobilisation au tour de l’école. C’est vraiment à notre honneur de voir que les performances au niveau des écoles privées sont relevées par l’opinion publique. Il y a peut-être un certain nombre de choses qui expliquent cela.

Sinon, ce sont les mêmes enseignants. Parfois même, les écoles privées recrutent des enseignants sans titre de capacité. Mais, il y a aussi d’autres facteurs qui sont entre autres les effectifs, la rigueur. Un enseignant recruté dans une école privée doit produire des résultats ; sinon son employeur ne le gardera pas. Comment expliquez-vous la fuite des enseignants du privé vers le public avec tout ce qu’on dit des écoles publiques ? salaires bas, classes pléthoriques. Nous mettons les fondateurs d’établissements privés dans des situations difficiles, parce qu’à tous les concours de recrutement, il y a une fuite vers le secteur public.

S. : Peut-être qu’il faut insister sur la stabilité. Comment voulez-vous qu’un enseignant qui n’a pas l’assurance que demain sera meilleur reste à son poste ?

M.O.B. : C’est vrai ! Nous avons toujours recommandé aux fondateurs des écoles privées de tabler sur de bons traitements salariaux au moins égaux aux salaires dans la fonction publique ; et aussi d’assurer un plan de carrière aux enseignants. Nous sommes en pleine réflexion avec nos partenaires du privé et précisément avec l’Eglise catholique.

S : Nous avons vu un retour de l’Eglise catholique qui avait abandonné l’enseignement. Comment vous justifiez cela et quelles sont les perspectives ?

M.O.B. : L’Eglise catholique a vu juste en décidant de revenir dans l’enseignement parce qu’elle a un rôle à jouer dans la construction nationale. Elle s’était retirée pour des contraintes financières, mais au bout d’un certain temps, elle a décidé de revenir parce qu’elle souffrait de ne pas pouvoir apporter sa contribution à l’édification de la société.

S : Est-ce qu’il y a un suivi des écoles privées surtout dans les cahiers des charges ? Souvent, des écoles ressemblent à des célibatériums, sans un peu d’espace pour les enfants..

M.O.B : Je dirai oui et non à la fois.

Oui parce que le suivi et le contrôle des écoles privées relèvent des missions de l’Etat. Au MEBA, une direction de l’enseignement de base privé est commise à cette tâche. Malheureusement, pour des contraintes parfois indépendantes de notre volonté, ce suivi ne donne pas de bons résultats.

L’école est un domaine tellement sensible, que devant certaines situations, la décision est difficile à prendre. Vous arrivez dans une école et vous constatez que l’école ne répond pas du tout aux normes. Et vous avez des enfants qui sont dans ces écoles. Qu’est-ce que vous en faites ? Vous les mettez dans la rue ? C’est difficile. Aujourd’hui, nous sommes en train d’ adopter une démarche de négociation, une démarche d’encadrement, pour comprendre les problèmes de ces écoles non reconnues. Lors d’une rencontre que j’ai eue avec les fondateurs des établissements privés, beaucoup se sont plaints des lourdeurs et des lenteurs des procédures administratives.

Pour ouvrir une école, il y a des phases essentielles. D’abord l’agrément qui vous autorise à construire une école et ensuite l’ouverture. Mais très souvent, des fondateurs, dès l’obtention de l’agrément, ouvrent l’école avant d’entamer les processus de construction des bâtiments devant abriter cette école. C’est en ce moment qu’ils rencontrent des problèmes. Et c’est là que le ministère cherche à encadrer, à accompagner ces fondateurs pour régulariser leur situation.
Nous envisageons une rencontre avec ces derniers pour nous enquérir de leurs problèmes et les aider dans la réorganisation de leur situation. Autrement dit, ce sont des initiatives que nous soutenons et encourageons les personnes physiques et les personnes morales à s’investir dans le domaine de l’éducation.

S : Combien d’écoles non reconnues comptent la ville Ouagadougou ?

M.O.B. : Elles sont autour de neuf cent quatre vingt douze (992).

Dieu merci, ce nombre n’est pas plus important que celui des écoles reconnues.

S. : Une note du Premier ministre interdit la sortie intempestive des élèves des classes pour des événements de peu d’importance. Qu’en est-il alors des enseignants qui abandonnent les classes pour des activités syndicales ou politiques ?

M.O.B. : Le MEBA et le MESSRS saluent cette décision du gouvernement, parce que la décision n’a pas été prise de façon fortuite. C’est lors de la première session du comité de pilotage du plan décennal du développement de l’éducation de base, présidée par le Premier Ministre, que des débats ont porté sur le respect du volume horaire à l’école. Il se trouve que le ministère a conduit une étude sur le sujet et une des causes, est relative à la mobilisation abusive des élèves et des enseignants lors des manifestations.

Donc, dans le débat, la proposition de mettre fin à cette mobilisation abusive a été acceptée. Nous avons tout de suite salué la mesure. Ceci dit, c’est vrai que certains enseignants participent de façon abusive aux activités de nature syndicale. Mais lorsqu’il en est ainsi, nous leur rappelons leur raison d’être à savoir qu’ils n’ont pas été recrutés pour mener essentiellement des activités syndicales ou politiques. Pour ceux qui font la politique, nous leur disons que la meilleure façon pour eux de rendre service à leur parti politique, c’est de s’imposer d’abord par l’excellence de leur travail.
Du reste, la loi qui régit les agents de la fonction publique, prévoit des autorisations d’absence au profit des syndicats pour leur congrès. Je ne vois vraiment pas là où il y a le problème s’il y a une discipline qui est observée.

S : Est-ce pour cela que nous avons assisté à une coupure de salaire ?

M.O.B. : Non ! non ! non ! ça n’a rien à voir avec les coupures de salaires. Les coupures de salaires sont intervenues suite à des grèves. Ce qui est tout à fait normal. Quand vous participez à une grève, on opère des retenues sur les salaires parce qu’il n’y a pas eu de service fait.

S : Ce que les enseignants reprochent à cette mesure, c’est son aspect abusif. Qu’en dites-vous ?

M.O.B. : En quoi les retenues ont-elles été abusives ?

S : Parce que des enseignants non grévistes ont vu leur salaire coupé...

M.O.B. : S’il s’agit de ces cas, nous reconnaissons effectivement qu’il y a eu des erreurs. Mais l’information que certains enseignants n’ont pas, c’est que les retenues sur les salaires n’ont pas concerné seulement que les grèves du mois d’avril et de mai 2008. Il y a eu des grèves antérieures, dont la saisie des listes n’avait pas été validée. Je pense notamment aux grèves de 2003 à 2006.

S. : Apparemment c’est le MEBA qui semble être concerné ?

M.O.B. : Non, nous sommes victimes de notre nombre. Au MEBA, nous sommes environ 35 000 dont 30 000 enseignants. Les réclamations que nous avons reçues, donnent environ 1527 plaintes enregistrées. Sur les 1527 plaintes, nous avons 1305 agents concernés par les grèves de 2003 à 2008 et 555 pour 2008. Concernant les erreurs, nous avons 138 dossiers qui sont en cours.

S. : Quelles sont les dispositions prévues pour ces derniers ?

M.O.B. : Les dossiers sont déjà en cours de traitement au ministère de l’Economie et des Finances pour les éventuelles corrections. Nous avons 14 cas de matricules erronés, 38 cas d’erreurs de saisie des périodes. Les agents ayant effectivement participé à plusieurs grèves sont au nombre de 1305. Les organisations syndicales nous ont approché pour comprendre. Nous avons apprécié leur démarche. Au cours de cette rencontre, nous avons invité le ministère chargé des Finances à travers la direction de la solde, à venir donner toutes les explications techniques.
C’est au cours de cette même période, que nous avons été informé que le MEF a pris l’initiative d’adoucir les coupures en échelonnant sur plusieurs mois. Sinon, certains risqueraient de se retrouver sans salaire.

S. : Est-ce une façon de décourager les grèves ?

M.O.B. : Je ne peux pas répondre à cette question. Tout militant qui va en grève, le fait en connaissance de cause. Du reste, les organisations syndicales le savent et l’enseignent à leurs militants. Pas de service fait, pas de salaire. C’est tout à fait normal. Nous tous ici présents avons peut-être participé à des grèves et avons subi le même sort.

S. : C’est au MEBA que la mesure a été appliquée dans toute sa rigueur...

M.O.B. : Non ! ce n’est pas vrai. C’est le nombre. C’est dans le secteur de l’enseignement qu’il y a eu plus de participation. Les retenues ont concerné des agents d’autres ministères.
Le Ministère des Enseignements Secondaire, Supérieur et de la Recherche Scientifique par exemple est également concerné.
Quand les organisations syndicales lancent leurs mots d’ordre de grève sur tout le territoire, notre ministère étant fortement déconcentré est le plus touché par les mouvements.

Nous devons suivre les taux de participation aux grèves jusque dans les villages les plus reculés. C’est dans la collecte de l’information que les erreurs surviennent parce qu’au niveau local, les sources d’information sont parfois disparates. C’est là que nous devons travailler à mieux nous organiser pour réduire les erreur ; et le travail dans ce sens déjà commencé.

S : Le gouvernement dont vous faite partie a décidé de la notation 2006, 2007, 2008 des agents. Quelles dispositions avez-vous prises pour réellement mettre en ouvre ce système de notation ?

M.O.B. : Je vous fais d’abord le point des fiches de notation qui nous sont parvenues. A l’heure où je vous parle, environ 20 000 sur 30 000 agents ont rempli leurs fiches de notation. Il est vrai qu’au niveau du secteur de l’éducation notamment celui de l’éducation de base, il y a le SYNATEB, qui s’oppose au nouveau système d’évaluation. La fonction publique ne nous impose pas de critères. Elle n’a fait que donner les grandes orientations. Il appartient à chaque ministère, en fonction de sa spécificité, de définir les critères.

Dans le cas du MEBA, par exemple, qu’est-ce qu’on attend d’un enseignant ? Les encadreurs, au cours de rencontres organisées à cet effet, ont fait des propositions de critères. Ils ont suivi tout un processus et leurs propositions ont été validées. C’est à partir de celles-ci que nous avons élaboré la fiche d’identification des attentes. Et c’est sur cette base que les notations doivent être faites. J’ai approché les syndicats pour comprendre leur rejet du système de notation parce que la situation me faisait de la peine.
En résumé, je retiens que pour les syndicats ce système ouvre la voie aux règlements de compte. Nous avons entendu toute sorte de propos. Avant l’entrée en vigueur de ce système de notation, il n’était pas rare d’entendre un supérieur dire : "Je l’attends à la notation". C’est en fait cela que les syndicats craignent.

Mais, je rassure le SYNATEB que je veillerai personnellement à sensibiliser les notateurs sans oublier qu’il y a des voies de recours qui sont prévues. Je dis également au SYNATEB que je peux engager cette action mais que je ne peux réussir que s’ils se mettent eux-mêmes dans la danse. Il faut que nous conjuguions nos efforts. Etant donné que je suis au niveau central, il appartient au SYNATEB présent dans toutes les régions de remonter les cas subjectifs ou d’injustice. Ils doivent dénoncer toutes attitudes de règlement de compte pour nous permettre de prendre les bonnes décisions.

S. : Le milieu scolaire est en train de devenir le lieu de consommation de la drogue. Comment appréciez-vous cette situation ?

M.O.B. : C’est une situation vraiment désolante. Mais nous saluons, quand même, les actions entreprises et par le gouvernement et par les organisations de la société civile. Je salue particulièrement la mise en place d’un comité national de lutte contre la drogue au sein duquel, les ministères en charge de l’éducation sont représentés.

Nous devons travailler vraiment à adhérer à la pleine mise en ouvre des plans d’action que le comité propose. Parallèlement à cela, avec l’ONG PLAN/Burkina, nous avons lancé une compagne dénommée "Apprendre sans peur". La drogue est aussi source de violence dans les écoles. Tout cela entre en droite ligne de la campagne dont le lancement a eu lieu le 20 novembre dernier à Ouahigouya. Cette campagne va durer 3 ans. Je pense que le comité ne travaillera pas en vase clos.

Il s’intéressera certainement aux actions en cours comme celles entreprises par ce comité. Il y a également des réflexions aux niveaux national et international qui ont été engagées sur la question de la violence en général et particulièrement celle exercée sur les filles en milieu scolaire. Toutes les réflexions doivent nous permettre de trouver des actions concrètes pour assainir un peu le cadre scolaire. Si l’environnement scolaire n’est plus un cadre sécurisant pour les élèves, la situation sera désolante. Il y a encore des lueurs d’espoir.

S. : Que vous inspire le drame survenu à Boromo, il y a de cela quelques semaines ?

Certains pensent que le drame nécessitait un deuil national. Quel est votre avis ?

M.O.B. : Aucun Burkinabè ne veut se rappeler ce drame vu son ampleur. On apprend même que c’est le drame, le plus catastrophique de l’Afrique de l’Ouest. En l’absence d’une décision formelle, je pense que les Burkinabè vivent ce deuil. C’est vraiment une situation préoccupante. Et au niveau du gouvernement, les actions sont en cours.

S. : De quelles actions parlez-vous ?

M.O.B. : Il faut situer les responsabilités, chercher les causes de l’accident, et éventuellement agir, si des dispositions ou des mesures plus vigoureuses doivent être prises par le gouvernement.

S.. : Selon certains, c’est le médecin après la mort. Ils accusent le gouvernement d’avoir été laxiste. Qu’en pensez-vous ?

M.O.B. : En pareille situation, il faut éviter de telles allégations car les torts sont certainement partagés. Evidemment, les gouvernants, dans les accusations, endossent toujours la grosse part de responsabilité.

S. : On a assisté au départ du député Etienne Traoré du PDP/PS. Quelle lecture en faites-vous ?

M.O.B. : Je n’ai pas de commentaires particuliers à faire sur le départ du député Etienne Traoré. Il a choisi de partir du PDP/PS et c’est son choix.

S. : D’autres dossiers qui ont souvent occupé le devant de l’actualité sont ceux de Thomas Sankara et de Norbert Zongo. Qu’est-ce que vous proposez pour résoudre définitivement ces problèmes ?

M.O.B. : A ma connaissance, les dossiers ne sont pas définitivement clos. Mais vous conviendrez avec moi que la nature de ces dossiers commande un traitement à la hauteur de leur complexité et des résultats attendus. Personne n’est véritablement contre l’avancée de ces dossiers. Actuellement, si à la justice, il y a des éléments qui permettent une réouverture de ces dossiers, je ne vois vraiment pas qui va s’opposer. Le souhait de tous est que la lumière soit faite.

S. : Le mois de novembre est dédié à la solidarité. Est-ce parce que les Burkinabè sont devenus si individualistes ?

MO.B. : Non. Le problème ne doit pas être posé en ces termes parce que le gouvernement, en décidant d’instituer un mois de la solidarité, a voulu traduire sa sensibilité à certaines couches sociales marginalisées tout en invitant l’ensemble des Burkinabè à poser un acte de solidarité. Je suis même fondée à croire que n’organise pas des actions de solidarité qui veut.

C’est justement parce que les Burkinabè ont des germes de solidarité en eux que des actions comme celle-là réussissent. C’est une occasion offerte à chacun de laisser parler son cour. La solidarité c’est aider, quand on peut le faire, celui ou celle qui est dans le besoin. Et quand on invite les Burkinabè dans ce sens, ils réagissent. Dans notre ministère, nous avons choisi de participer à notre manière, à ce mois de la solidarité à travers une autre action citoyenne. Elle a consisté à nettoyer notre immeuble tout en posant des gestes de solidarité. Nous avons invité les parents et les élèves à participer. Nous avons agréablement été surpris par le niveau de mobilisation. Nous avons collecté environ million trois cent mille (1 300 000) francs CFA, 68 sacs d’habits, des chaussures, des manuels scolaires etc. Les enfants ont vraiment participé.

Cela nous conforte dans notre idée d’instituer une chaîne de solidarité dans nos écoles primaires, nos collèges et lycées. A l’occasion de cette journée, nous avons fait des paquets avec tous les quotidiens que nous avions et envoyé dans les provinces pour les enseignants. Celles-ci auront chacune, près de 300 quotidiens. L’information ne se périme pas. Souvent après lecture, nous ne savons que faire de ces journaux alors que les enseignants en milieu rural en ont besoin. Nous comptons renouveler en espérant que cela donnera le goût de la lecture aux enseignants, et qu’ils vont aussi s’abonner.

S. : Barack Obama a été élu président des Etats-Unis. Qu’est-ce que vous ressentez en voyant un homme de couleur à la Maison Blanche ?

M.O.B. : Je n’aime pas trop le terme "homme de couleur". La mère de Obama est une Américaine Blanche et son père Africain, donc un métis. Au nom de quoi, on dit qu’il est noir ? Je note que la campagne et l’élection de Obama ont été des faits majeurs au plan politique suivis avec beaucoup de passion et d’intérêt à travers le monde.
Je retiens que Obama s’est présenté aux élections américaines non pas parce qu’il est noir ou métis mais parce qu’il se dit Américain.

Il a une vision qui est "yes we can". Son élection nous montre que les Américains ont accepté d’assumer leur identité cosmopolite. Au regard du nombre de Blancs, des minorités aux USA, l’élection de Barack Obama montre que l’électorat américain sait ce qu’il veut. On dira que la crise financière y est pour quelque chose. Mais je ne rentre pas dans ces détails. Je trouve que les Américains ont compris qu’ils ont une identité cosmopolite et ils doivent s’assumer. Sinon, comment un peuple peut s’épanouir si une partie de sa population est marginalisée ? Je me dis qu’ils ont pris conscience de ce que cela peut engendrer comme problème.

S. : Si vous aviez droit de vote, pour qui voterez-vous ?

M.O.B. : Je voterais pour Obama parce qu’il est convaincant. Aussi, je partage sa vision. Je me rappelle une émission que j’ai suivie pendant la campagne, au cours de laquelle, un démocrate refusait de donner sa voix à Barack Obama, parce qu’il est noir. Dieu merci, des gens, comme celui-là, ne sont pas nombreux aux USA.

S. : Ne pensez-vous pas que l’Afrique essentiellement risque d’être déçue, étant donné que les Africains ont placé beaucoup d’espoir en Obama ?

M.O.B. : Pas les dirigeants africains. Mais, pour le commun des mortels, cela ne m’étonne. J’ai suivi l’interview d’une paysanne Kenyane qui espère que Obama viendra construire son pays et diminuer leur souffrance. Les dirigeants africains savent que ce n’est pas Obama qui viendra résoudre tous les problèmes des Africains.

S. : Comment avez-vous apprécié cette euphorie manifestée dans presque tous les pays africains ?

M.O.B. : J’ai fêté avec ceux qui se réjouissaient de l’élection de Barack Obama.

S. : Vous avez parlé tantôt de vision. Si on assiste à la faillite des démocraties en Afrique, est-ce qu’il n’y a pas lieu d’aller à l’école américaine ?

M.O.B. : Je pense que tout le monde sait que l’électorat votera pour la personne qui pourra prendre son destin en main. Mais quand on refuse le jeu démocratique, cela pose un problème. Sinon les gens voient de plus en plus clair.

S. : On assiste au même moment, à la recrudescence des violences post électorales.

Les cas du Kenya et du Zimbabwe sont encore là. Qu’est-ce que vous en pensez ?

M.O.B. : C’est triste. Et j’ai honte de voir ces situations. C’est le refus du jeu démocratique, la recherche des intérêts personnels et égoïstes qui entraînent ces dérives. Quand ces intérêts prennent le pas sur l’intérêt général, on ne peut qu’aboutir à des situations pareilles ; un tel contexte vient nous enseigner qu’il faut considérer le développement et non, les intérêts personnels.

S. : Thabo M’Beki a été contraint par son parti ANC à quitter le pouvoir. Est-ce, selon vous, un signe de vitalité démocratique ?

M.O.B. : Quelle signe de vitalité démocratique dès lors que vous parlez de contrainte ?
Il n’y a pas de signe de vitalité démocratique si l’ANC a contraint Thabo MBeki à quitter le pouvoir. J’apprécie plutôt ce dernier.
J’ai été fier de lui quand j’ai écouté le contenu de sa lettre de démission. Il a fait preuve de sagesse .et d’un esprit de maturité politique. Sinon il pouvait se servir de son clan pour créer la tension. Mais il ne l’a pas fait parce qu’il sait que l’Afrique du Sud revient de loin.

S. : N’est-ce pas parce que Thabo MBeki se sentait politiquement affaiblit ?

M.O.B. : C’est peut-être le cas. Mais je m’intéresse à la manière dont il est parti. Si tout le monde pouvait suivre cet exemple, l’Afrique s’en porterait mieux.

S. : Quand on regarde l’exemple de l’Afrique du Sud, alors que chez son voisin, le Zimbabwe, les acteurs politiques se regardent en chien de faïence, comment analysez-vous cette situation ?

M.O.B. : Je n’ai pas suivi les dernières évolutions dans ce pays. Mais, je souhaite vraiment le dialogue. Il faut que ses dirigeants se parlent et que les autres pays africains s’impliquent dans la gestion de la crise. C’est ce qui se fait et je souhaite vivement que la paix revienne au Zimbabwe.

S. : Comment expliquez-vous la survivance ou la recrudescence des conflits en Afrique ? On a par exemple le cas de la RDC...

M.O.B. : Quand on refuse le jeu démocratique, on aboutit, pour la plupart des cas, à ces situations. Voyez le cas de la RDC, qui est un pays avec des potentialités énormes, gâté par la nature mais pauvre. Comment expliquez-vous ce paradoxe ? Comparez ce pays-là au Burkina Faso. Sans doute les ingérences des grandes puissances.
La Suisse cherche à rapatrier la fortune de Mobutu mais la RDC n’a pas de réponses claires, alors que le fils de Mobutu est dans le gouvernement. Parfois, les ingérences des grandes puissances ne facilitent pas la situation.

S. : Peut-on dire que l’Afrique manque souvent de nationalisme ou est mue par les intérêts égoïstes ?

M.O.B. : Non, je ne pense pas qu’il en soit ainsi. Quand les dirigeants d’un pays foulent la bonne gouvernance au pied et que rien n’est fait pour mettre l’Etat en ordre, ces situations sont inévitables. Je me rappelle le discours du président de l’Assemblée nationale congolaise Vital Kamahé, lors de son passage à Ouagadougou. Il a eu un cri du cour. Les Congolais n’ont pas d’explication à ce qu’is vivent. Ils savent que leur pays est riche, qu’ils ont tout détruit et la reconstruction pose problème. Il est difficile pour un peuple de faire confiance à des dirigeants dans ces conditions.

S. : Quelle est votre appréciation du dernier report des élections en Côte d’Ivoire ?

M.O.B. : Le report des élections a été bien justifié.
Toutes les conditions ne sont pas bien réunies. Pourquoi prendre une décision précipitée en allant tout de suite aux élections ? Et pour qui connaît le président du Faso sait qu’il ne s’est pas engagé dans la résolution de la crise ivoirienne pour après prendre des décisions à la hâte. Le Cadre permanent de concertation (CPC) a estimé que toutes les conditions ne sont pas réunies pour organiser des élections de façon sereine. J’apprécie cet esprit de grandeur dont ont fait preuve les membres du Cadre permanent de concertation.

S. : Certains observateurs pensent que les acteurs politiques ivoiriens vont rouler le président du Faso dans la farine. Partagez-vous ce sentiment ?

M.O.B. : Je n’ai pas cette impression parce qu’un travail est quand même fait sur le terrain.
Vous conviendrez avec moi que la résolution de cette crise n’est pas simple. Même en situation de paix, l’organisation des élections n’est pas aisée. Au Burkina par exemple, c’est au fur et à mesure qu’on avance, qu’on gagne en maturité dans l’organisation des élections. A fortiori pour un pays, comme la Côte d’Ivoire, où les élections remontent à je ne sais plus quand, cela parait encore plus difficile.

S. : La révision des constitutions participe-t-elle au refus du jeu démocratique ?

M.O.B. : Non. On ne décide pas de réviser la constitution parce qu’on le veut. Il faut des raisons valables.

S. : Et quand il s’agit de réviser pour permettre à un individu de rester au pouvoir ?

M.O.B. : En ce moment, quelle est la procédure suivie ? Il y a toujours une qu’il faut obligatoirement respecter.
Dès lors que la procédure a été suivie, même si c’est dans le sens que vous évoquez, je n’y vois pas d’inconvénient.

S. : Vous ne parlez donc pas de tripatouillage ?

M.O.B. : Non. Pourquoi vous parlez de tripatouillage ?
Je ne considère pas une révision de la constitution comme tel. C’est le domaine de souveraineté de chaque Etat.. Je refuse en tout cas de qualifier cela de tripatouillage.

S. : La crise financière qui secoue actuellement le monde annonce-t-elle la fin du capitalisme anglo-saxon ?

M.O.B. : Il est très tôt de tirer ces genres de conclusion. Chacune des grandes puissances, s’active à l’interne pour prendre les mesures pouvant juguler la crise.
Les débats continuent sur la question. Tout récemment, le président français Nicolas Sarkozy a été en Allemagne. Les hôtes ont estimé qu’il ne fallait pas pour l’instant poser le problème sur le plan européen mais que chaque pays travaille à résoudre cette crise à son nouveau. Au regard de ce qui précède, il ne faut pas tirer déjà une conclusion en disant que c’est la fin du capitalisme anglo-saxon.

S. : Qui est Marie Odile Bonkoungou ?

M.O.B. : Je suis Mme Marie Odile Bonkoungou/Balima, le Bonkoungou cache donc un autre nom. Je suis mariée et mère de deux enfants (un garçon et une fille). Je suis catholique originaire de la province du Boulgou, précisément de Tenkodogo. J’ai fait mes études primaires dans une école catholique à Tenkodogo.
Après le CMI, j’ai rejoint une école primaire publique mixte. Puisque ma première école de filles, je me suis adaptée difficilement. Je trouvais les garçons agressifs et provocateurs à l’égard des filles. Après le CEP, j’ai poursuivi mes études secondaires au lycée technique de Ouagadougou. Je n’ai pas aimé les chiffres et après mon admission au baccalauréat, j’ai préféré m’inscrire en droit parce qu’on n’y parlait pas beaucoup de chiffres. J’ai une maîtrise en droit des Affaires.

Après la maîtrise, j’ai été admise au concours d’entrée à l’ENAM, option Administration Générale. Ma formation a été sanctionnée par un diplôme cycle A de l’ENAM. J’ai entamé ma carrière au ministère du Travail, de la Sécurité sociale et de la Fonction publique et j’ai passé l’essentiel de ma vie professionnelle jusqu’en 200, date à laquelle, j’ai été nommée Secrétaire Générale adjoint du gouvernement. A partir de juin 2002, j’ai assuré la fonction de Secrétaire Générale du gouvernement et du conseil des ministres. En septembre 2005, j’ai été nommée Ministre de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation.
j’ai fait une longue carrière professionnelle au ministère chargé de la fonction publique. Je ne le regrette pas du tout.

S : Et votre engagement politique ?

M.O.B. : Parlez-vous de mon adhésion au programme quinquennal du chef de l’Etat ou de mon appartenance à un parti politique ?

S : Les deux

M.O.B. : L’engagement politique fait partie du parcours normal de tout cadre de l’administration publique. Tout cadre de la fonction publique adhère à une politique. Sinon, vous paraissez comme un électron libre. Dans votre parcours, à un moment donné, vous faites votre choix d’appartenir ou non à un parti politique. Et cela a été mon cas. Je suis militante du CDP, membre du bureau politique. Depuis mes débuts à la fonction publique, j’ai toujours adhéré aux politiques en cours dans ce ministère parce qu’en tant que cadre, je me devais de contribuer à concevoir les politiques en matière de fonction publique. D’une manière ou d’une autre, chaque agent a un engagement politique à réaliser dans la fonction publique.

S : Cet engagement, se fait-il par conviction ou par intérêt ?

M.O.B. : En ce qui me concerne, c’est par conviction parce que je veux être à l’aise sur le plan professionnel.

S. : Votre parti, le CDP, a été traversé par un courant de refondateurs. Quel est votre point de vue sur ce sujet ?

M.O.B. : Que voulez-vous que je dise ? C’est cela aussi la liberté d’opinion, la démocratie dans un pays. Actuellement, vous pouvez vous exprimer librement. Les militants du parti, qui se sont sentis lésés, ont tenu à se faire entendre. Et le parti leur a reproché la manière de revendiquer. Pour qu’un parti politique fonctionne très bien, il faut la discipline. Parfois, on n’a pas besoin de faire trop de bruit pour se faire comprendre. Les dirigeants du parti sont à l’écoute des militants. Il existe trente six mille (36 000) manières d’exprimer une opinion. Mais il faut vraiment être courtois.

S. : Pourquoi avez-vous opté pour le CDP ? Est-ce parce que c’est le parti au pouvoir ? ou est-ce à cause du président du Faso ?

M.O.B. : C’est par conviction que j’ai choisi le CDP. Personne ne doit s’enfermer parce qu’il a choisi d’appartenir à un parti politique. Il va falloir se comporter de sorte à exprimer ses opinions quand il le faut et à participer de façon sereine aux débats quand ils ont lieu. Quand je débutais ma carrière à la fonction publique, j’ai trouvé des hommes et des femmes au pouvoir. J’ai pu apprécier leurs actions. Tout cela a contribué à forger ma conviction à prendre ces grands hommes et ces grandes femmes comme des modèles.

S. : Pour ceux qui ne vous connaissent pas très bien, quel a été votre parcours syndical ?

M.O.B. : J’ai milité dans les organisations estudiantines et syndicales. Nous étions dans un contexte où nous ne pouvions pas nous mettre à l’écart de ce qui se passait. Il fallait participer à la vie de l’université. Sinon beaucoup de choses vous échappent. Je n’ai pas été membre d’un Comité de défense de la révolution (CDR), mais j’aimais participer à certaines activités des CDR, surtout les travaux de nettoyage, de balayage et autres. J’ai aussi été trésorière générale du syndicat des Agents de l’Administration Générale (SAPAG).

S. : Que pensez-vous de l’engagement des femmes en politique et de la question de quota ?

M.O.B. : Je suis satisfaite de voir des femmes qui s’engagent en politique. Mais, je souhaite que cet engagement repose sur une conviction que rien ne pourra ébranler. Je suis femme, je sais que ce n’est pas facile parce que les hommes ne nous facilitent pas la tâche. Surtout qu’entre nous les femmes, les rapports sont parfois difficiles. Mais sans conviction, je pense qu’il est difficile de bien réussir en politique.

S. : Que répondez-vous à ceux qui disent que ce sont les femmes leaders qui confisquent la liberté des autres ?

M.O.B. : Ces gens oublient que ce sont les hommes qui créent ces situations de conflit entre les femmes.

S : Pensez-vous que les quota de 30 % préconisés par certains sont applicables ?

M.O.B. : A priori, je suis contre le quota parce que je ne souhaite pas voir les femmes arriver sur l’échiquier politique grâce à des faveurs. Les femmes doivent se battre mais elles ont besoin que les hommes les accompagnent pour surmonter les pesanteurs socioculturelles. Placé sous cet angle, je suis pour les quotas, si cette formule peut effectivement aider les femmes et les hommes à mieux se comporter.
Les Français ont par exemple, légiféré sur les quotas, mais il semblerait que certains partis politiques préfèrent payer l’amende parce qu’ils refusent le système.

S. : Votre engagement politique n’a-t-il pas une répercussion négative sur votre foyer ?

M.O.B. : Je n’ai pas de problème. Mon mariage dure depuis 20 ans. Comme je le disais, je n’ai pas commencé la politique dès mon entrée dans la fonction publique. Et je sais que ce n’est pas toujours facile surtout quand on a des enfants en bas âge. Il n’est pas toujours évident de concilier tous les intérêts en jeux. Il faut donc savoir choisir le moment de faire la politique et préparer son entourage à accepter la décision. Ce n’est pas toujours évident, mais il faut dialoguer. Mon époux sait que j’ai fait des études et que j’ai mes ambitions. Il ne s’oppose pas à ce que je fasse la politique. Du reste, il m’a toujours encouragée à accepter les postes de responsabilité qui me sont proposés.

S. : Est-ce qu’il est facile pour une femme de faire la politique au Burkina Faso ?

M.O.B. : C’est le poids culturel qui entrave l’émergence des femmes en politique. Mais de plus en plus, des actions sont réalisées pour amener les femmes à mieux comprendre, à mieux accepter de s’engager en politique. Dans le domaine de l’éducation, par exemple, des actions sont menées pour encourager la scolarisation des filles. Et si le rythme actuel se poursuit, les hommes peuvent commencer à avoir peur parce que les femmes arrivent !

S. : On dit de vous que vous avez un caractère "trempé". Est-ce que vous avez une devise et quelle philosophie vous guide dans votre champ professionnel ? Qu’attendez-vous de vos collaborateurs les plus immédiats ?

M.O.B. : j’attend de mes collaborateurs beaucoup de rigueur et de loyauté dans le travail. Je sais seulement que certains collaborateurs disent que je leur demande trop. Tout début est difficile. Le secrétaire général et la directrice des affaires administratives et financières me connaissent parce que nous avons travaillé ensemble avant de nous retrouver au MEBA. Mais les autres trouvent que je suis très rigoureuse. J’ai eu Juliette Bonkoungou comme ministre pendant 7 ans et j’ai donc été à son école.

Elle est pour quelque chose dans mes méthodes et principes de travail parce qu’elle exigeait toujours le travail bien fait. Si vous avez évolué dans un contexte pareil et que sur le plan professionnel, vous en avez tiré profit, vous essayez de vous attacher les mêmes principes de travail parce que vous voulez obtenir des résultats. Au début, mes collaborateurs me trouvaient trop exigeante, très rigoureuse, très nerveuse. Mais en réalité, j’ai un caractère impulsif. Si je ne suis pas contente de quelque chose, sur le champ, je l’exprime et sans rancune. Le contexte dans lequel je suis arrivée au MEBA exigeait de tous beaucoup de rigueur. Il nous fallait travailler à un rythme soutenu pour rattraper le retard.

S. : On vous sait très occupée. Est-ce qu’il vous arrive d’avoir des loisirs ?

M.O.B. : J’aime la lecture parce que je ne veux pas être en déphasage avec ce qui se passe sur le plan national et international. Je fais aussi le sport. De temps en temps, je vais au théâtre quand je sens un besoin de distraction.

S. : Pouvez-vous nous dire un mot de votre vie de croyante ?

M.O.B. : Je suis née, j’ai été éduquée et je suis toujours dans la croyance. Je n’arrive pas à comprendre que des gens vivent sans repère spirituel. Je mets Dieu au centre de tout ce que je fais parce qu’il est un repère sûr. Si vous croyez en lui et si vous lui faites confiance, vous réussissez dans tout ce que vous entreprenez.

S. : Croyez-vous au destin ? Si oui, croyez-vous que Dieu avait prévu que vous seriez ministre ?

M.O.B. : Bien sûr que je crois au destin. Et je suis convaincue que c’est Dieu qui m’a placée là où je suis. Comme c’est ainsi, je lui demande de me donner tous les moyens dont j’ai besoin pour accomplir le travail qu’il m’a confié.

S. Quel est votre plat préféré ?

M.O.B. : Le riz, mais bien préparé !

S. : On raconte que vous aimez aussi faire la cuisine. Est-ce vrai ?

M.O.B. : S’il y a une activité que j’aime, c’est faire la cuisine. Je peux aussi passer une journée à ranger la maison. Si je décide de faire la cuisine ou les rangements, je n’ai plus le temps pour autre chose.

La rédaction

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