Zinedine Zidane : Ange ou démon ?
Selon un adage populaire, c’est facile de dominer les autres, mais très difficile de se dominer soi-même. Zinedine Zidane, l’icône actuel du football français, vient d’en donner une fois de plus, est-on tenté de dire, l’illustration.
En effet, alors que nombre de détracteurs et même d’observateurs dits avisés du football l’avaient envoyé prématurément aux oubliettes, Zizou, transfiguré, a repris du poil de la bête, menant la France au succès, successivement face au Togo, au Brésil, à l’Espagne, et au Portugal. Cette suite de victoires des Bleus, dirigés par leur capitaine au talent immense, les a logiquement conduits à la finale de la 18e coupe du monde contre la Squadra Azzura de Marcello Lippi. Dès le début des hostilités, Zidane ouvre encore la voie du succès aux Coqs gaulois en offrant un magnifique tir de penalty aux adeptes du foot magique. Mais ce fut tout pour l’enfant de Marseille, d’origine algérienne.
Mis sous l’éteignoir par la "catenacio" italienne, excédé par la pression trop lourde qui pesait sur l’équipe de France et particulièrement sur ses épaules à lui, siphonné par la débauche d’énergie, et sans doute à bout des actes de provocations diverses sur sa personne, le plus Français des Beurs footballeurs, a craqué. A la 108e minute du match qui s’acheminait inexorablement vers l’épreuve éprouvante et fatale des tirs au but, Zidane inflige un violent coup de tête dans la poitrine de son adversaire Marco Materazzi, coutumier, selon la presse italienne, des provocations et bagarres. Désormais, le célèbre provocateur, en plus de la quatrième étoile de champion du monde accrochée à son maillot d’international, peut se targuer d’avoir épinglé le grand ZZ à son tableau de chasse.
Qu’a bien pu dire ce bagarreur en maillot de foot à Zidane, pour faire sortir celui-ci de ses gongs ? On le saura sans doute dans les jours à venir. Pour les spécialistes de la lecture sur les lèvres, les insultes de Materazzi concerneraient entre autres, Maman Zinedine, gravement malade et hospitalisée à Marseille. Ce que nie Materazzi, de même qu’il ne reconnaît pas avoir utilisé le mot terroriste. Quoi qu’il en soit, le génie du football français est plus que jamais adulé en France et dans le monde par des fans qui lui ont déjà pardonné son vilain geste.
Toutefois, alors que la provocation de l’Italien n’est que verbale, la réplique du Français a été physique et dévastatrice, selon les images qui continuent de parcourir la planète entière. A côté de la sympathie de ses admirateurs et de la reconnaissance de la Nation française, il y a sans doute les regrets qui rongeront éternellement Zidane. Les circonstances atténuantes qu’il pourrait avoir risquent, du reste, d’être noyées par un passé de belliqueux qui a été rapidement dépoussiéré et mis en épingle.
Parallèlement à la gloire dont il est auréolé, Zidane, c’est un passif de 14 cartons rouges. Zinedine, c’est un coup de poing balancé à Marcel Desailly en plein match, le 18 septembre 1993. Zizou, c’est encore un coup de tête asséné au défenseur hambourgeois Kientz alors que ce dernier était au sol. Ce comportement a d’ailleurs coûté au stratège du Réal de Madrid, alors sociétaire de la Juventus, le ballon d’or 2000, qui est finalement revenu au Portugais Luis Figo.
Avant de se voir infliger le carton rouge le 9 juillet dernier, Zinedine Zidane, en 2003, en avait pris un autre sur un vilain geste sur Quique Alvarez, le défenseur de Villarreal. Dans ce mondial qui vient de signer sa retraite avec les Bleus et probablement avec le foot de compétition, Zidane avait déjà raté le match Togo-France pour accumulation de deux cartons jaunes successifs contre la Suisse et la Corée du Sud. En demi-finale contre le Portugal, il était encore sous la menace de suspension de finale pour avoir écopé contre le Brésil, en quart de finale, d’un carton jaune.
Le carton rouge contre l’Italie a été celui de trop et celui qui aura le plus desservi un Zidane qui aurait fait mieux que de quitter les pelouses avec cette image de "cogneur".
Certes, ce coup de tête odieux ne pourra pas effacer l’extraordinaire parcours de Zizou, tant en club qu’avec les Bleus, mais il a conduit le capitaine à quitter prématurément le navire en pleine tempête, la tête basse.
C’est loin d’être une retraite rêvée et ce sont des gestes foncièrement antisportifs qu’on doit bannir pour de bon sur nos stades. Le fair-play, le leitmotiv de la FIFA et la plus grande vertu du sport, doit rester constamment à l’esprit des joueurs, surtout ceux de la trempe de Zidane qui sont comme des étoiles polaires pour les jeunes. Il y a des précédents qui portent préjudice et qui ne militeront sans doute pas en faveur de Zinedine Zidane dans certaines circonstances. Ce sont ces fautes qui font la différence entre les bons et les grands joueurs comme Pélé, Maradona, Platini et tous les autres qui continuent à marquer le football à travers les générations.
En tout cas, la réaction de Zizou a eu l’avantage de montrer que "l’extraterrestre" du foot est après tout un homme comme les autres ; un être humain qui a ses humeurs comme le Premier ministre français Dominique de Villepin qui a eu une attitude outrageante à l’égard de François Hollande en pleins débats à l’Assemblée nationale.
Zizou a donc un coeur comme nous tous. Et ce coeur, Zidane sait le faire parler régulièrement à travers des oeuvres à caractère hautement humanitaire. Zinedine Zidane, ange pour certains, démon pour d’autres, doit pouvoir se réhabiliter sans grande difficulté, même si un coup de tête en pleine poitrine de son vis-à-vis est loin d’être une image des plus recommandables pour une star de foot devant qui s’ouvrent les portes de la retraite.
Le Pays