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Burkina/Agriculture : « Pour utiliser un pesticide, il faut voir si c’est nécessaire et justifié », Amadou Diallo, chef de service des pesticides

Publié le mardi 18 juin 2024 à 21h35min

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Burkina/Agriculture : « Pour utiliser un pesticide, il faut voir si c’est nécessaire et justifié », Amadou Diallo, chef de service des pesticides

Majoritairement considérés comme une avancée révolutionnaire pour protéger les cultures et améliorer la production agricole, les pesticides sont devenus irremplaçables pour certains agriculteurs. Consciemment ou inconsciemment, cette utilisation si elle n’est pas encadrée peut avoir de graves répercussions sur la vie humaine. Au Burkina Faso, la Direction de la protection des végétaux et du conditionnement (DPVC) a pour rôle d’assurer le contrôle de la qualité et le contrôle à l’importation des pesticides. Elle veille aussi à la protection des plantes de façon générale au niveau national, à la protection du pays de l’entrée des nuisibles extérieurs et également à la bonne gestion des pesticides. Dans l’interview qui suit le chef de service des pesticides au niveau de la direction de la protection des végétaux et du conditionnement, Amadou Diallo, nous explique les mécanismes d’entrée des pesticides au Burkina ainsi que les contrôles qui sont faits par son service.

Lefaso.net : Quelles sont les textes et lois qui encadrent l’importation et l’utilisation des pesticides au Burkina ?

Amadou Diallo : Pour l’utilisation et l’importation des pesticides le Burkina s’est doté d’une loi depuis 2017 qui est la loi 026 du 15 mai 2017 portant contrôle de la gestion des pesticides au Burkina Faso. Elle a été adoptée en 2017 et au stade actuel, il y a 4 décrets d’applications de la loi qui ont été adoptés et une dizaine de textes élaborés en cours d’adoption dans le circuit. A l’heure actuelle, on va dire qu’il y a la loi et 4 décrets d’application que l’on détient.

Que disent ces textes ?

Il est un peu difficile de parler de tout en un coup mais l’objectif global de la loi, c’est de s’assurer que les pesticides qui sont utilisés chez nous ne soient pas à l’origine de dommages auprès des populations. De façon globale, l’objectif est d’assurer une gestion efficace des pesticides. Maintenant, elle a plusieurs champs.

D’abord quand vous prenez la loi elle-même, les premières rubriques sont les rubriques de définition puis après les définitions des termes, il y a les structures habilitées à faire le contrôle, il y a les sanctions appliquées aux infractions et comme dans toute loi il y a la disposition finale transitoire et diverse. C’est la caricature globale des lois mais l’objectif est de s’assurer que les pesticides importés formulés et gradués sont gérés d’une façon sécurisée dans notre pays.

Quel est le mécanisme mis en place par la DPVC pour contrôler et réguler l’utilisation de ces pesticides là au niveau des producteurs ?

Il est vrai que dans la loi il y a un volet qui a un lien avec le contrôle à l’utilisation des pesticides, un lien avec le contrôle à l’importation et un contrôle à l’expérimentation. Donc la DPVC est chargée de mettre en œuvre l’ensemble de toutes ces dispositions. D’abord la première condition pour exercer dans le secteur c’est d’être agréé quelle que soit le maillon du secteur dans lequel on veut exercer il faut être agréé. C’est-à-dire que si tu veux être un vendeur, tu dois être agréé si tu veux être un applicateur prestataire, tu dois être agréé, si tu veux être un importateur, tu dois être agréé, si tu veux être un distributeur ou autres maillons de la chaîne, il faut obligatoirement détenir un agrément.

Et cet agrément est délivré par le Comité national de gestion des pesticides qui est une structure multisectorielle. Il réunit beaucoup de ministères et est chargé réellement des attributions de la gestion des pesticides dans notre pays. En dehors de la détention de l’agrément, pour importer un produit par la voie légale au Burkina Faso, vous devez prendre une autorisation préalable de commande auprès des services techniques du ministère de l’Agriculture notamment les postes de contrôle phytosanitaire.

C’est au niveau de ces postes que vous prenez votre agrément et vous déclarez le type de pesticides que vous voulez faire entrer. On vérifie si le pesticide est autorisé parce que comme vous le savez nous sommes membres du Comité sahélien des pesticides (CSP) qui est chargée d’élaborer des listes des pesticides qui sont autorisés dans l’espace. Normalement chaque année, le comité se réunit deux fois et fournit une liste. Lorsque le type de pesticide est autorisé dans l’espace c’est-à-dire au Burkina, on vous accorde l’autorisation préalable de commande qui vous permet d’aller au ministère du Commerce vous établissez une autorisation spéciale d’importation et vous faites une déclaration préalable d’importation aussi avec ces documents vous pouvez faire venir le produit.

Un mécanisme utilisé pour capturer la mouche de mangue. C’est une alternative mécanique contre les ravageurs

Qu’en est-il du contrôle des pesticides une fois à l’intérieur du pays ?

Lorsque la personne qui importe arrive au niveau du poste de contrôle phytosanitaires, les agents prennent des échantillons des produits et ils se rassurent que ce soit conforme à ceux qui a été autorisé. Également, ils vérifient que vous avez à votre disposition deux certificats d’entrée du produit.

Le premier certificat est le certificat d’analyse de l’usine qui a fabriqué le produit et le second est le certificat d’analyse d’un laboratoire autre que le laboratoire de fabrication du produit pour rassurer de la qualité du produit. Normalement avec 2 sources d’analyses, on peut faire la garantie de la qualité du produit. En dehors de ça, chaque pesticide doit respecter un certain nombre de règles surtout dans l’étiquetage.

Les règles de l’étiquetage sont fixées également par les directives du comité sahélien des pesticides. Dans le cas où le produit ne remplit pas ces conditions il fait le contrôle et il établit une fiche que l’on appelle la fiche de refus et le produit est refoulé. La loi stipule qu’en cas de refoulement les forces de défense et de sécurité les forces de l’ordre de façon générale sont tenues d’apporter le soutien aux agents d’agriculture. J’explique longuement la procédure d’importation parce que c’est l’une des phases les plus importantes du contrôle. Et la majeure partie des produits ne sont pas fabriqués chez nous, on les importe très souvent de la Chine, de l’Inde, du Nigeria ou du Ghana. Au cours de l’année 2023, nous avons contrôlé par ce biais environ 7 millions de kg de pesticides, environ 7 000 tonnes.

Le second niveau de contrôle est le contrôle à l’interne. Ce contrôle généralement on le déploie de 2 manières, à travers un contrôle qualité des pesticides ou à travers les contrôles inopinés. Les contrôles inopinés visent en général à assainir les marchés c’est-à-dire on sort au niveau de la distribution au niveau des revendeurs et on voit si premièrement si les acteurs sont agréés et si les produits détenus et vendus sont autorisés.

Lors d’une saisie de pesticides, quels sont les sanctions prévues ?

La loi prévoit les sanctions en fonction de la gravité de l’acte ou bien en fonction du type de vente que l’on a. Par exemple quand une personne est agréée et il vend des produits non autorisés la sanction n’est pas la même que quand quelqu’un n’est pas agréé et en plus, il vend des produits qui ne sont pas autorisés. Les dispositions de la loi sont fonction des types de situation. Elles sont quasiment toutes assorties d’une amende pécuniaire et d’une peine de prison en général.

Quelles sont les précautions à prendre pendant l’utilisation des pesticides ?

La loi prévoit qu’il faut contrôler comment le producteur applique le pesticide. Lorsqu’un producteur sait qu’un produit n’est pas bien mais il l’applique sur les cultures maraîchères telles que la tomate ou le chou et il ne respecte pas les délais de récolte puis l’envoie au marché, ce producteur est fautif. Il nous faut contrôler mais les producteurs ont aussi une grande part de responsabilité. Pour les bonnes pratiques d’utilisation des pesticides, il y a un certain nombre. D’abord, la première des choses pour utiliser un pesticide, il faut voir si c’est nécessaire et justifié et qu’il n’y a pas une alternative autre que les pesticides.

Il faut voir aussi si une méthode de lutte mécanique ne permet pas de résoudre le problème. Quand on est contraint d’aller vers les pesticides, il faut s’adresser aux agents de l’agriculture qui sont sur le terrain car ils savent quel produit est adapté en fonction du nuisible. Dans les méthodes d’applications d’un pesticide, il y a un certain nombre de choses qu’il faut respecter comme la dose, la vitesse de marche, le sens du vent et les conditions atmosphériques. Par exemple quand il fait très chaud il est déconseillé d’appliquer les pesticides.

Quand il vient juste de pleuvoir ou quand on voit qu’il y a une pluie qui s’annonce, il est déconseillé d’utiliser les pesticides parce que vous allez appliquer et l’eau va tout emporter. Il y a un certain nombre de mesures qui entrent dans la qualité de l’application des pesticides. En dehors des paramètres qui jouent sur l’application pesticides, il y a les paramètres de protection personnelle avant d’appliquer. Il faut éviter de faire des mélanges là où il y a des gens, c’est-à-dire qu’il faut s’éloigner des habitations et prendre les précautions nécessaires tel que le port des gants, d’un masque et des équipements de protection.

" Nous avons contrôlé environ 7000 tonnes de pesticides en 2023"a indiqué le chef de service des pesticides à la DPVC, Amadou Diallo

Existe-t-il des solutions naturelles et efficaces pour pallier à l’utilisation des pesticides ?

Il y’a des solutions pour certaines situations et il y a des alternatives qui sont développées comme entre autres les pesticides biologiques c’est-à-dire, ce sont des extraits de plantes qui sont développés avec des microbes qui sont utilisés pour lutter contre les nuisibles. Et il y a des méthodes telles que le piégeage donc qui permettent de pallier en partie l’utilisation des pesticides. Mais il faut se dire aussi que y a certains types de nuisibles ou certains types de maladie qui jusque-là ne peuvent pas être éliminés par des alternatives naturelles.

L’idée n’est pas de changer mais il faut changer avec quelque chose qui permet de maintenir le niveau de production. Il faut développer des alternatives qui maintiennent le niveau de production. Nous privilégions ce qu’on appelle la lutte intégrée qui prend en compte la méthode de la lutte chimique, la lutte biologique et autres comme la lutte mécanique. La lutte intégrée est une approche qui fusionne l’ensemble de ces luttes en fonction de la situation et vous oriente vers un choix qui permet de résoudre votre difficulté.

Les autres méthodes de lutte contre les nuisibles permettent-elles de faire une agriculture à grande échelle ?

C’est une question qui est un peu difficile à répondre. Par exemple lorsqu’on utilise les extraits aqueux, les extraits des plantes la difficulté de production fait que très souvent les producteurs ne s’orientent pas vers cela. Lorsque vous lui dites qu’il faut presser les graines de neem, d’abord il faut les rassembler avant de les presser. Il faut aussi utiliser des quantités d’eau importante pour pouvoir pulvériser dans de grandes superficies.

Les alternatives ne sont pas souvent pratiques donc à grande échelle, c’est difficile. Mais, il y a des pesticides biologiques qui ont fait leur preuve et qui peuvent être utilisés en grande échelle tel que certains produits utilisés pour lutter contre les aflatoxines présentes dans le maïs. C’est un champignon qui vient compétir avec le champignon nuisible et qui les éliminent. Mais il faut toujours faire une combinaison et choisir ce qui nous convient le mieux.

Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter ?

D’accord je vous remercie pour l’opportunité que vous nous donnez. La question des pesticides nous concerne tous et c’est un mal qui est devenu nécessaire actuellement parce que au vu de la démographie de notre pays, il est nécessaire d’accroître les productions. Accroître les productions passe par une protection saine des cultures. Lorsqu’on ne protège pas les cultures, d’un moment à l’autre on peut tout perdre en fonction de l’émergence d’un nuisible.

En dehors de cela, lorsque l’on produit pour gérer et conserver un stock, il faut souvent utiliser des pesticides. Nous ne défendons pas les pesticides mais ils sont utilisés pour nous permettent d’atteindre un certain nombre d’objectifs et il faut les utiliser de façon raisonnable et de façon maîtrisée. Nous appelons à la responsabilité des premiers acteurs que sont les producteurs puisque quand on dit que ça été fraudé ou mal utilisé, c’est par le producteur en général. Que chacun à son niveau puisse faire les choses en toute conscience et en toute responsabilité pour que chaque consommateur ait l’esprit tranquille.

Farida Thiombiano
Lefaso.net

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