Burkina/ Journée des coutumes et des traditions : « Il faut profiter de cette date pour faire des rituels de pacification et de purification », propose Me Titinga Pacéré
Le conseil des ministres du 6 mars 2024, a décidé de consacrer le 15 mai, la journée des coutumes et des traditions. Selon le ministre en charge des cultes Émile Zerbo, ce décret a pour objectif de réaffirmer la laïcité de l’Etat et de permettre à la religion traditionnelle de retrouver sa place dans la société burkinabè. Que pense l’homme de culture, Me Titinga Pacéré, de cette décision du gouvernement ? nous sommes allés lui poser la question.
Lefaso.net : Le conseil des ministres du mercredi 6 mars 2024 a décidé que désormais les 15 mai seront la journée des coutumes et traditions. Quelle appréciation faites-vous de cette décision du gouvernement ?
Me Titinga Pacéré : C’est moi qui ai demandé cette journée. Cette terre appartient d’abord aux Africains, aux autochtones de ce pays. Dès 1906, les colons ont posé les jours de fête tels que Noël, Pâques, Ramadan et autres. Depuis 128 ans, il n’y a rien eu pour l’Afrique traditionnelle. C’est pour cela que j’ai fait un dossier. Voici le dossier que je vous présente. J’ai fait une requête que j’ai adressée au chef de l’État le capitaine Ibrahim Traoré, c’est du 23 juin 2023. J’ai adressé ma lettre sous couvert de monsieur le ministre en charge de la culture. C’est suite à cela que la décision du 15 mai a été prise.
Pourquoi est-ce que c’est spécifiquement la date du 15 mai qui a été retenue ?
Ma demande est un dossier qui fait 128 pages. J’ai dit dans ma requête que nous avons des religions qui ont plusieurs jours fériés chômés payés. Les dimanches sont des jours fériés créés par les religions révélées pour accompagner ces jours, on a ajouté le samedi.
Cela veut dire qu’on a 108 jours fériés chômés payés en dehors de ce qui est déjà reconnu. Moi j’ai dit que l’Afrique est définie par rapport au travail. Le repos n’est pas une valeur en Afrique. C’est le travail qui anoblit l’homme et c’est le travail qui développe la société. Ce qui m’a animé, ce n’est pas d’avoir un jour de repos ou deux jours de repos, c’est le principe.
Comme maintenant dans notre société moderne le repos peut être une valeur, j’ai demandé un minimum. J’ai dit au mois de mai-juin, les pluies commencent. Je demande un jour pour cette période. Pour qu’on puisse faire des adresses à Dieu et aux ancêtres pour avoir de bonnes pluies et de bonnes récoltes. Une fois que nous avons récolté dans la coutume, dans la pratique des traditions africaines au Burkina Faso, en général à partir du mois d’octobre jusqu’en janvier, il y a ce qu’on appelle la fête coutumière de grâce à rendre à Dieu et aux ancêtres.
C’est ce qu’on appelle dans le milieu ici Basga et au nord Filga. Donc, j’ai demandé les dates du 20 juin pour l’adresse à Dieu et aux ancêtres pour la pluie et 20 janvier pour adresser nos remerciements aux ancêtres et à Dieu. On a choisi le 15 mai et une seule date. Mais pour moi, c’est très élogieux. Cela fait 128 ans qu’on attend quelque chose pour l’Afrique des traditions et le Burkina Faso profond. Qu’on me donne un jour c’est largement suffisant. Je n’aime pas qu’il ait trop de jours fériés d’ailleurs.
Qu’est-ce qui est prévu pour le 15 mai à venir ?
Ce qui était primordial pour moi, c’est qu’il y ait un jour pour les traditions et les coutumes. Quant au contenu, pour moi c’était à réfléchir après. Parce que dès que la date a été fixée par le gouvernement, plusieurs personnes m’ont saisi. Elles demandent que le travail scientifique et juridique de ma requête 128 pages soit repris. Elles demandent à ce que je fasse cela de manière simple et ce que je veux qu’on mette dedans. Et en fonction de cela, on pourra faire la fête. Pour moi, l’essentiel, c’est une journée consacrée à la culture, à nos coutumes et à nos traditions.
Pensez-vous que cette journée pourra aider à résoudre le problème actuel du pays ?
À mon sens, il faut profiter de cette date pour faire des rituels de pacification et de purification. Il faut que nous fassions notre mea culpa. Il faut que nous reconnaissions que nous nous sommes souvent trompés et que des innocents ont été tués. Et à partir de là, nous évoquons Dieu et les ancêtres pour qu’ils purifient la terre pour nous. Mais surtout nous nous engagions à la paix.
Que chacun prenne son voisin comme lui-même. Chacun doit considérer l’autre comme son frère. Quand je dis l’autre, c’est celui qui n’a pas la même religion que moi. L’autre c’est celui qui ne vit pas dans la même région que moi. Je dois le considérer comme mon frère. Je dois lutter pour sa vie et on doit lutter ensemble. Je souhaiterai que ce 15 mai soit une grande journée d’introspection, de réflexion de nous-mêmes sur nous-mêmes.
Propos recueillis par Rama Diallo
Lefaso.net