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Burkina : « Qu’on ne nous fasse plus croire que ravitailler une zone sous blocus, est une victoire. Il ne faut pas se laisser divertir par la propagande » (panel UAS)

Publié le dimanche 7 janvier 2024 à 22h40min

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Burkina : « Qu’on ne nous fasse plus croire que ravitailler une zone sous blocus, est une victoire. Il ne faut pas se laisser divertir par la propagande » (panel UAS)

Cette année également, les syndicats n’ont pas dérogé à leur engagement de commémorer le soulèvement populaire du 3 janvier 1966. Ce 58è rendez-vous (mercredi 3 janvier 2024) de rétrospection a également été un moment d’analyse de la situation que traverse le Burkina. Et sur ce point, participants et leaders syndicaux ne sont pas allés du dos de la cuillère pour apprécier la gouvernance en cours, par notamment une sorte de devoir de rappel aux dirigeants sur leurs propres engagements.

Parmi les réactions à la suite des exposés des panélistes, celle du secrétaire général de la Confédération générale du travail du Burkina (CGTB), Moussa Diallo. Comme pour dire que la charité bien ordonnée commence par soi, il sert d’abord une interpellation aux militants et responsables syndicaux. « Aujourd’hui, nous sommes fiers, très fiers de dire que nos devanciers ont été de vaillants syndicalistes ; parce qu’ils ont posé des actes de portée historique. Ils ont su, quand il le fallait, taire leurs divergences et aller à l’essentiel, et c’est à cela que je nous invite. Il faut que dans le contexte qui est le nôtre aujourd’hui, on sache aller au-delà des questions qui nous divisent pour aller à l’essentiel », a-t-il posé.

Il motive ensuite : « J’insiste là-dessus, parce qu’aujourd’hui, qu’on le veuille ou pas, notre pays est à la croisée des chemins, et il ne faut pas se laisser divertir par la propagande de ceux qui sont au pouvoir. Le président a dit dans son adresse à la nation, à l’occasion du nouvel an, qu’il y a de nombreux défis à relever. Mais en réalité, ces nombreux défis-là, c’est ce que moi, j’appelle ‘’la croisée des chemins’’ ».
Moussa Diallo relève de grands défis aux plans économique, politique et social. « Sur le plan politique, on a décidé de suspendre les activités des partis politiques et des OSC (Organisations de la société civile). Ainsi, on fait de la politique sans les politiciens. Mais, c’est très grave ! Ce sont ceux qui ne sont pas politiciens qui font la politique et ceux qui ont des projets de société, des programmes politiques, on leur dit qu’ils n’ont pas le droit de parler », recense le leader syndical avant de rappeler au passage que dès l’avènement du premier coup d’Etat, l’UAS (Unité d’action syndicale) a bien indiqué qu’elle veut rester dans son rôle de veille citoyenne et d’interpellation des autorités sur les manquements. « C’est ce que nous avons écrit à Damiba. Nous n’avons pas changé de position jusqu’à l’heure où je vous parle », dispose le secrétaire général de la CGT-B.

Moussa Diallo invite ses confrères à faire en sorte à être dignes des devanciers.

« Sur le plan économique, nous sommes dans un marasme total. C’est à se demander si celui qui est au perchoir de l’économie et des finances de notre pays est un véritable économiste. Les b.a.-ba même de l’économie de marché, c’est quoi ? Dans un contexte où le coût de l’énergie rend peu compétitives nos entreprises, on prend des mesures fiscales pour fragiliser le pouvoir d’achat des travailleurs, des populations. Mais quand on ne peut pas exporter, il faut bien qu’on consomme au niveau local ! Et si les gens n’ont pas de pouvoir d’achat, ce qu’on produit là, on vend à qui ? Est-ce que c’est de cette façon-là qu’on va sortir notre pays de l’ornière ? Je ne crois pas du tout. Mais aujourd’hui, c’est ce à quoi on assiste », blâme Moussa Diallo.

Il observe également qu’au plan social, les Burkinabè sont aujourd’hui divisés en "apatrides" et en "patriotes". « C’est la belle trouvaille de ce régime comme cela. Les "patriotes" peuvent faire tout ce qu’ils veulent, ils n’ont même pas besoin de respecter les textes. Mais les "apatrides", n’ont pas le droit de donner leur point de vue sur la gouvernance, de sortir manifester pour interpeller les autorités. On a déjà dit, la justice qui devait être le dernier rempart, dans ce pays et dans tous les pays au monde qui se respectent, …on a vu comment une banale affaire d’une citoyenne a été érigée en affaire d’Etat ; des militaires sont allés enlever une citoyenne des mains de la justice, la soutirer des rigueurs de la loi, et il n’y a rien eu. Aujourd’hui, qu’est-ce qu’on fait ; on remet en cause même l’indépendance de la justice. Donc, bienvenue à la république des juges aux ordres ou aux juges acquis, que nous avons déjà combattue depuis longtemps, et on pensait que c’était une page tournée. Ah, la dialectique de l’histoire ! Nous revoilà sur les pieds, avec d’autres défis sur ce plan aussi », déplore le premier responsable de la CGT-B.

Il invite alors, explications à l’appui, ses camarades à éviter ce qu’il qualifie de pièges d’une communication biaisée. « Aujourd’hui, on veut nous amener à mener le débat de ‘’il y a tel nombre d’attaques, c’est faux, c’est vrai’’. ‘’Il y a tel nombre de morts, c’est faux, c’est vrai’’. Si on tombe dans ce piège, quand vous allez vouloir donner les vrais chiffres, c’est comme si vous étiez contre votre pays. Notre débat n’est pas là-bas. Quand il prenait le pouvoir, chacun se souvient, le capitaine a dit : ‘’il n’y avait que de petits problèmes logistiques et de respect de la personne humaine ; en trois mois, on verra des résultats’’. Le Premier ministre a, avant même qu’il ne prenne fonction, dit que la priorité des priorités, c’était la restauration de notre pays dans ses limites territoriales », a fait ressortir Moussa Diallo avant de prendre à témoin : « aujourd’hui-là, tous les citoyens doivent comprendre : on ne veut pas mener de débat sur le nombre d’attaques, le nombre de morts, le nombre d’écoles fermées. Ce que nous attendons d’eux, c’est que je puisse prendre la route de Ouaga à Dori sans être inquiété. C’est cela que nous attendons d’eux ; c’est cette promesse qu’ils ont eu à faire et c’est celle-là qu’ils doivent tenir. Nous voudrons qu’on puisse prendre la route jusqu’à Nouna sans être inquiétés, aller à Tougan sans être inquiétés ».

Ici, au premier plan, des responsables d’organisations syndicales, dont Moussa Diallo (2è à partir de la gauche), suivant attentivement les communications.

Dans cette sorte de recadrage donc des débats, le successeur de l’actuel ministre d’Etat, ministre de la fonction publique, du travail et de la protection sociale, Bassolma Bazié, à la tête de la CGT-B, soulève et démonte : « Qu’on ne nous fasse plus croire que ravitailler une zone sous blocus, est une victoire. Non, la victoire que nous attendons, c’est qu’il n’y ait même plus de zone sous blocus. Il nous faut mener le débat sur les vraies questions, il ne faut pas se laisser divertir par la propagande. Personne n’est contre le fait qu’on puisse libérer le pays. Mais ce sont ceux qui nous font croire que l’essentiel n’est pas de libérer le pays, mais plutôt de pouvoir ravitailler les zones sous blocus, qu’il y a une montée en puissance de l’armée, c’est bien, mais tout ça là, la finalité, c’est de libérer le pays de l’hydre terroriste ».

Le secrétaire général de la CGT-B appelle donc les secrétaires généraux des organisations syndicales à recadrer le débat et à interpeller l’autorité sur l’essentiel « au lieu de se laisser malmener par des débats qui ne mènent nulle part ».

Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net

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