Comme le souligne Bambio (2021), on observe une croissance importante du maraîchage au Burkina Faso (Bambio, 2021). Cependant, le développement de cette activité se heurte à une pénurie croissante de terres cultivables et à une dégradation progressive des surfaces cultivées.

Aujourd’hui, dans un environnement de plus en plus mondialisé et changeant le climat, le défi majeur auquel le Burkina Faso est confronté est d’assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle d’une population en forte croissance (2,8 %) tout en préservant durablement ses ressources naturelles. Un tel défi nécessite une adaptation concrète des modes de production actuels à l’exigence de développement durable (Tapsoba et al., 2020 ; Banque mondiale, 2020).

Cependant, il existe un niveau élevé d’utilisation d’intrants chimiques dans le secteur du maraîchage (Sanou et al., 2020 ; Son et al., 2017). Cette utilisation est souvent incontrôlée, avec des cas récurrents d’utilisation systématique de pesticides chimiques dans les productions maraîchères réservées à la culture du coton, en raison, du faible niveau d’alphabétisation des maraîchers du pays (Congo, 2013 ; Sangaré, 2012 ; Son et al., 2017).

De plus, la production maraîchère selon les pratiques conventionnelles actuelles est fortement dépendante des pesticides chimiques importés tandis que la part des traitements non chimiques à base de produits locaux reste insignifiante en raison du manque d’alternatives agroécologiques immédiatement disponibles pour une lutte efficace contre les ravageurs (FAO, 2013 ; Tarnagda et coll., 2017). Cela pose le problème essentiel de la qualité nutritionnelle des produits maraîchers et de la durabilité du maraîchage, qui est une activité importante dans l’amélioration des rations alimentaires des populations et de leurs conditions socio-économiques (Hansen et al., 2022 ; Kaboré et al., 2017).

Face à cette réalité, il est nécessaire de déterminer les caractéristiques réelles des activités de maraîchage afin d’identifier les principales contraintes à la mise en œuvre d’un maraîchage économiquement viable et durable, tout en diversifiant les filières d’approvisionnement.

La principale préoccupation est de comprendre la structure des différents types d’exploitations afin de garantir l’efficacité des actions de développement dans le secteur. Ainsi, la prise en compte de la diversité des exploitations est pour les organisations et initiatives de développement une étape essentielle à la réussite de leurs interventions auprès des agriculteurs (Stringer et al., 2020). À cet égard, la connaissance des caractéristiques des types d’exploitations et de leurs déterminants fournit des informations importantes dans l’élaboration de modèles de développement agricole adaptés aux différentes réalités identifiées (Sinha et al., 2022).

Cependant, en raison de la particularité de chaque agriculteur dans la combinaison des moyens de production, il existe autant de systèmes de production qu’il y a d’exploitations et la diversité est telle que toutes les exploitations ne peuvent pas être considérées individuellement (Ouédraogo, F & Tapsoba, K P.,2022). Pour traiter efficacement cette diversité, il est donc important d’établir des groupes d’exploitation maraîchères plus ou moins homogènes en fonction de leurs caractéristiques similaires (Alvarez et al., 2014, 2018 ; Kuivanen et coll., 2016 ; Tittonell et coll., 2010).

Des études antérieures sur la caractérisation et la typologie des exploitations maraîchères ont déjà été menées au Burkina Faso (Abdulkadir, 2012 ; Kolie, 2009 ; Ouattara, 2016 ; Sanfo et al., 2017). Kolie (2009) a par exemple identifié cinq groupes de maraîchers en fonction de leurs catégories sociodémographiques et de leurs performances économiques. Cependant, ses résultats à l’échelle nationale n’ont pas permis d’identifier de caractéristiques spécifiques aux différents environnements de production (Kolie, 2009).

En analysant les dynamiques environnementales et économiques du maraîchage, Abdulkadir (2012) a quantifié les nutriments (azote, phosphore et potassium), les flux et les performances économiques du maraîchage urbain et périurbain dans trois villes d’Afrique de l’Ouest (Kano au Nigeria, Bobo Dioulasso au Burkina Faso et Sikasso au Mali) (Abdulkadir, 2012). Cependant, ses recherches se sont concentrées sur la performance économique des exploitations agricoles sans vraiment prendre en compte les spécificités de l’environnement de production (urbain, périurbain et rural).

Ouattara (2016) a mené une typologie exclusivement agroécologique des exploitations maraîchères du Houet, en s’attachant plus particulièrement à l’identification des caractéristiques socio-économiques et agro-écologiques des types d’exploitations maraîchères de la province du Houet (Ouattara, 2016).

Dans ce contexte, nous avons analysé la diversité des cultures maraîchères dans l’Ouest du Burkina Faso, en établissant le lien entre l’environnement de production, la taille des exploitations, la performance financière et les enjeux environnementaux. À cette fin, nous avons d’abord défini l’ancrage théorique de l’étude pour ensuite décrire la méthodologie adoptée pour parvenir aux résultats obtenus
Approche théorique

Afin de bien analyser la diversité des cultures maraîchères, cette recherche s’appuie sur le cadre théorique proposé par Sossou et al. (2013). Selon ces auteurs, pour de réaliser une typologie qui vise à comprendre le fonctionnement global des systèmes de production, il est nécessaire de disposer d’un modèle descriptif du fonctionnement de l’exploitation. Pour ces auteurs, ce modèle oriente l’approche méthodologique à adopter pour observer et rendre compte de la diversité des exploitations existantes.

Résultats

Portrait des Maraîchers

Le maraîchage au Burkina Faso, selon nos résultats d’analyse, évoque un tableau dynamique de genres. Bien que les hommes dominent actuellement la scène, l’émergence croissante des femmes dans ce secteur démontre une évolution des normes socioculturelles. Malgré les obstacles, les femmes louent des parcelles, participent à la récolte et se lancent dans la commercialisation, contribuant ainsi à l’économie locale. La jeunesse des maraîchers, souvent considérée comme un défi, s’avère être une force pour l’adoption d’innovations, en particulier celles liées à la durabilité.

Éducation et Jeunesse : Leviers pour le Changement

La corrélation entre la jeunesse des maraîchers et leur faible niveau d’éducation souligne la nécessité de canaux d’apprentissage adaptés. Les jeunes agriculteurs, fortement familiarisés avec les nouvelles technologies, représentent une opportunité pour introduire des pratiques agricoles durables. L’expérience réussie du label BioSPG, avec ses implications positives sur l’emploi des jeunes et la transition agroécologique, offre une voie tangible pour l’avenir.

Structures d’Exploitation et Dilemmes Environnementaux

L’utilisation de terres familiales héritées caractérise la structure foncière des exploitations maraîchères. Cependant, l’impact de l’urbanisation, limitant la disponibilité des terres, crée des défis pour l’expansion des champs. La prévalence des méthodes de production conventionnelles, avec une utilisation fréquente de pesticides chimiques, souligne les obstacles à l’adoption de l’agroécologie. Les agriculteurs, confrontés à une demande peu différenciée entre produits conventionnels et biologiques, hésitent à adopter des pratiques plus durables.

Performance Économique et Diversité des Revenus

L’analyse approfondie de la performance économique révèle des nuances significatives entre les zones urbaines, périurbaines et rurales. Les maraîchers urbains, grâce à la vente directe et à des coûts de transport réduits, affichent une rentabilité supérieure. Cependant, des prix volatils et une concurrence inégale créent des défis, particulièrement dans les zones périurbaines et rurales. La diversification des revenus, souvent via des activités complémentaires telles que l’élevage, devient essentielle pour atténuer les risques financiers.

Typologie des Exploitations et Voies pour l’Amélioration

La segmentation des exploitations en quatre catégories distinctes offre une vision stratégique. Les petites exploitations à faible rentabilité pourraient bénéficier de formations spécifiques sur les techniques de stockage et de transformation. Les grandes exploitations, en revanche, pourraient explorer les pratiques agroécologiques pour renforcer leur rentabilité. Cette typologie offre des indications claires pour les décideurs, les organismes de développement et les maraîchers eux-mêmes pour améliorer la performance globale de la filière.

Vers une Agriculture Durable

Promouvoir la durabilité du secteur maraîcher au Burkina Faso nécessite des stratégies novatrices. Les politiques publiques basées sur les nouvelles technologies de communication peuvent être un moteur pour enseigner des pratiques agricoles durables dès le jeune âge. Encourager la formation aux techniques de stockage et de transformation pourrait être une étape cruciale pour améliorer les performances financières des exploitations les moins rentables (Ouédraogo, F & Tapsoba, K P.,2022),. La collaboration entre les maraîchers pour influencer les prix et l’éducation des consommateurs sur les avantages des produits agroécologiques sont des leviers puissants pour une transformation positive.

Conclusion

En somme, cette exploration approfondie des pratiques maraîchères au Burkina Faso offre une perspective holistique. Elle va au-delà des chiffres, explorant les dynamiques sociales, économiques et environnementales qui animent ce secteur vital. L’avenir du maraîchage burkinabé réside dans l’innovation, l’éducation et la collaboration, éclairant ainsi le chemin vers une agriculture durable et prospère.

Félix Ouédraogo, Chargé de recherche, Institut des Sciences des Sociétés (INSS), Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (CNRST)
Parfait K. Tapsoba, Docteur de la School of Economics, Socio-Anthropology and Communication for Rural Development (EESAC), Faculty of Agronomic Sciences (FSA), University of Abomey-Calavi

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