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Régulation des réseaux sociaux par le CSC : « Une sage décision », pour certains webactivistes, « saugrenue et inopportune » pour d’autres

Publié le mardi 17 octobre 2023 à 21h55min

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Régulation des réseaux sociaux par le CSC : « Une sage décision », pour certains webactivistes, « saugrenue et inopportune » pour d’autres

Le conseil des ministres du mercredi 4 octobre 2023 a adopté un avant-projet de loi organique portant création, attributions, composition, organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la communication (CSC). A la sortie de cette réunion hebdomadaire du gouvernement, le porte-parole Jean Emmanuel Ouédraogo, a expliqué que cet avant-projet de loi a pour vocation de donner à l’institution toutes les prérogatives pour bien jouer son rôle de régulateur tout en prenant en compte les évolutions technologiques, principalement, les réseaux sociaux. « Par exemple les profils ou pages Facebook d’au moins 5 000 abonnés se verront appliquer les règles qui concernent la régulation des médias au Burkina Faso. Lefaso.net a tendu son micro à trois Burkinabè détenteur de pages de plus de 5 000 abonnés. Ils livrent leurs avis.

Souleymane Ouédraogo "Basic Soul", producteur audiovisuel et artiste musicien, plus de 56 000 abonnés

« Je trouve cette décision saugrenue et inopportune. Certes, il est nécessaire d’assainir les réseaux sociaux pour les débarrasser des publications offensantes, injurieuses, diffamatoires, haineuses. Il est également bienséant de lutter contre la désinformation, les fake news, l’apologie du terrorisme. Par contre, ce souci de salubrité publique ne doit pas être prétexte pour des projets qui visent le contrôle total de la liberté d’expression. D’abord 5 000 abonnés est un niveau assez bas qui va occasionner le déploiement de moyens de surveillance considérables et mobiliser du personnel administratif qui serait plus utile sur le terrain pour la reconquête du territoire.

Souleymane Ouédraogo "Basic Soul", producteur audiovisuel et artiste musicien

Ensuite il faudrait clarifier la question : la mesure concerne tous les internautes burkinabè, résidents ou non, au Burkina ? Tous les internautes, toutes nationalités confondues, résidents ou de passage au Burkina ? De surcroît, je doute que des plateformes comme Facebook, Tik-Tok ou X collaborent efficacement avec les autorités burkinabè afin de suspendre, désactiver ou restreindre des comptes. Je pense donc que ceci est une mesure visant à intimider les acteurs de l’espace virtuel pour qu’ils s’alignent sur le discours officiel. Cette intimidation risque paradoxalement de compliquer davantage la situation avec une prolifération de profils ou de pages clandestins ou administrés depuis l’étranger. »

Freddy Lino communicateur, digital manager, plus de 48 000 abonnés sur Facebook

« La décision du Conseil supérieur de la communication de réguler les personnes qui ont plus de 5 000 abonnés sur Facebook est une bonne décision selon moi parce qu’aujourd’hui, le Burkina traverse une période un peu compliquée. Sur les réseaux sociaux, on trouve des personnes qui, dès qu’elles ont un peu de connexion, racontent leur vie ou font des commentaires haineux. Si vous observez bien, vous verrez malheureusement certaines pages certifiées qui sont obligées de fermer à causes des commentaires haineux. Je pense qu’avec cette décision, chacun va pouvoir bien se tenir pour ne pas avoir affaire à la justice du pays. Il ne faudrait pas que les réseaux sociaux soient un marché. J’aimerais demander au CSC de se pencher sur l’utilisation des réseaux sociaux.

Freddy Lino, communicateur, digital manager

Nous remarquons que le réseau social Facebook n’est pas bien règlementé au Burkina Faso alors que dans des pays comme le Rwanda ou le Kenya par exemple, pour avoir accès à Facebook, il faut donner des informations personnelles et les gens savent comment l’utiliser. Ici, les gens peuvent se lever avec un faux profil, créer une page et commencer à injurier ceux qu’ils n’apprécient pas. Je pense que tout cela doit être remis sur la table de discussions afin de permettre aux gens d’utiliser les réseaux sociaux comme il se doit. Aujourd’hui, sur Twitter (maintenant X) n’importe qui ne peut pas être sur ce réseau. Si tu n’as pas un certain niveau d’instruction, c’est difficile d’y être. Il faudra que Facebook au Burkina arrive à ce niveau.

C’est une sage décision qui va permettre à la population de bien se tenir pour que les personnes qui font les posts pour le développement du pays soient à l’aise et ne soient pas blessées par des inconnus qui font de mauvaises publications qui blessent. Je pense que cette régulation existe dans d’autres pays. Je le dis parce que nous qui avons fait des formations dans d’autres pays, à partir de 1 000 personnes qui te suivent tu peux déjà être considéré comme un organe de presse, c’est pourquoi dans les critères de création d’un compte Facebook, vous ne pouvez pas dépasser les 5 000 amis parce que lorsque vous dépassez les 5 000 amis vous êtes considérés comme une presse. Félicitation au Conseil supérieur de la communication. Chacun saura se tenir dorénavant. »

Marius Diessongo, journaliste culturel, plus de 50 000 abonnés

« A mon humble avis, la décision du CSC de réguler les personnes qui ont plus de 5 000 abonnés est une bonne décision. Il faut dire que les réseaux sociaux ne constituent pas une zone de non droit à partir du moment ou ils sont le lieu où les gens s’informent. De plus en plus, les médias classiques, la télévision, la radio, la presse écrite et en ligne ont des pages sur les réseaux sociaux, ils travaillent avec le digital. Donc cela montre à quel point les réseaux sociaux sont importants dans la quête de l’information. Partant de ce fait, ils ne doivent pas constituer une zone de non droit.

Marius Diessongo, journaliste culturel

Comme tout outil qui diffuse de l’information, les réseaux sociaux doivent être régulés pour éviter la circulation des fake news c’est-à-dire des fausses informations qui peuvent mettre à mal la cohésion sociale, pour éviter les diffamations, etc. Cette décision qui va amener les diffuseurs d’informations sur les réseaux à être traités de la même manière que les médias est une bonne chose donc j’approuve cette idée de régulation des réseaux sociaux. Pour la bonne marche de cette décision il faudra que cela se passe de manière impartiale sans parti pris pour que tout le monde soit logé à la même enseigne.

Par exemple, que tu sois un activiste proche du gouvernement ou un activiste proche de l’opposition, on doit tous être logés à la même enseigne et traités comme il se doit donc partant de ce fait si le traitement s’avère équitable à tous les niveaux, je pense que l’idée de régulation est bonne parce qu’elle va amener les utilisateurs à être plus prudents. Sinon, de plus en plus, on voit que les gens passent par les réseaux sociaux pour passer des messages de haine, de violence parfois même de meurtre. Donc réguler les réseaux sociaux est véritablement nécessaire. Maintenant, il faut de l’impartialité dans le traitement des dossiers qui pourraient en découler. »

Propos recueillis par Salimatou Tianabou (Stagiaire)
Lefaso.net

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