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Ouagadougou/Gestion des déchets et entretien des caniveaux : « Si, on prend quelqu’un et on lui fait faire des travaux d’intérêt commun en plein jour, ça va dissuader les autres », conseille le directeur de la salubrité publique

Publié le mardi 5 septembre 2023 à 22h55min

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Ouagadougou/Gestion des déchets et entretien des caniveaux : « Si, on prend quelqu’un et on lui fait faire des travaux d’intérêt commun en plein jour, ça va dissuader les autres », conseille le directeur de la salubrité publique

Tout sur la gestion de la salubrité publique et le curage des caniveaux dans la commune urbaine de Ouagadougou. Le directeur de la salubrité publique et de l’hygiène de la commune de Ouagadougou, Saïdou Nassouri, répond sans langue de bois aux questions de votre journal en ligne Lefaso.net, dans cette interview qu’il lui a accordée.

Lefaso.net : Quelle est la politique de la commune de Ouagadougou en matière de curage des ouvrages de drainage ?

Saïdou Nassouri : C’est vrai qu’avant 2016, c’était notre direction qui avait la prérogative que le conseil municipal lui avait attribuée et se chargeait de lancer les appels d’offres et gérer aussi une grande partie en régie. Mais à partir de 2016, le curage des caniveaux a été délégué aux différents arrondissements, parce que, le conseil municipal a voulu confier à chaque arrondissement la gestion de ses caniveaux. C’est-à-dire que ce sont eux-mêmes qui lancent les appels d’offres et recrutent les entreprises à l’orée de chaque saison des pluies pour faire le curage des caniveaux.

Nous, on continue en régie, mais la politique en notre sein, c’est que nous n’attendons pas seulement la saison pluvieuse pour commencer, on le fait même en saison sèche, mais les grands travaux de curage se font à l’entreprise comme en régie en saison pluvieuse, voilà comment ça se passe. Nous n’avons pas moins de 500 km de caniveaux dans la commune de Ouagadougou. Il faut dire qu’en gros, près de 100 km sont pris en charge par le curage à l’entreprise liée aux arrondissements et le reste est géré quotidiennement par la commune de Ouagadougou en régie.

Vous parlez de curage en régie, de quoi s’agit-il ?

C’est un travail en haute intensité de main-d’œuvre qui se fait avec l’appui des associations partenaires que nous mobilisons pour accompagner notre direction, à honorer la partie du curage qui revient à notre charge. C’est-à-dire que c’est nous-mêmes, avec nos propres engins qui sortons pour encadrer les jeunes des associations partenaires que nous avons fournis en matériel pour curer les caniveaux. Pour ce qui concerne les appels d’offre du curage des caniveaux dans les arrondissements, ils sont désormais gérés par les PDS (présidents de délégations spéciales) d’arrondissements et ce sont eux qui sont chargés de faire ces appels.

Mais comment se fait cette collaboration avec ces associations partenaires que vous évoquiez ?

En réalité ce sont des conventions de collaboration qu’on établit avec les associations qui nous fournissent des jeunes pour nous accompagner en régie avec nos engins pour curer les caniveaux. Dans cette convention que nous avons entre nous, chacun a sa part de responsabilité et joue son rôle. C’est différent des citoyens éco-citoyens qui s’engagent et mènent des initiatives pour curer les caniveaux de leurs quartiers et quand ils viennent souvent demander des moyens à la mairie pour le faire, on les aide mais ce n’est pas contre quelque chose. Ce sont des initiatives des jeunes des quartiers et des arrondissements qui décident de le faire et c’est salutaire, voire très important et il faut davantage encourager ce genre d’idées d’accompagnement qui permettent de booster le curage des caniveaux.

Justement concernant le curage délégué aux entreprises privées, est-ce que vous avez un droit de regard sur ce qui se fait sur le terrain ?

J’ai compris votre question, il y a des manquements, il faut le dire clairement. Parce qu’en matière de curage de caniveau, là où ça pêche, c’est le ramassage, parce que les textes disent qu’il faut ramasser au plus tard 48 heures après, alors que cela n’est pas respecté. Il y a des entreprises qui disent qu’elles sont à la hauteur et c’est une fois qu’elles ont eu le marché, que vous vous rendez compte que les camions qu’elles vous ont présentés ne fonctionnent pas et vous allez les voir en train de ramasser les déchets qu’elles ont curés avec un tricycle. Malheureusement, elles ont déjà eu le marché et c’est aussi le problème. Ouagadougou devient également très vaste et les moyens ne sont pas au même niveau que l’ampleur de la demande et voilà le problème.

Est-ce qu’on peut avoir une idée sur le nombre de caniveaux dans la ville de Ouagadougou et le tonnage de déchets curés ?

On donne toujours des chiffres approximatifs, parce que, nous avons une direction et c’est elle qui a toutes les statistiques sur le réseau routier. C’est pourquoi je disais tantôt que nous avons près de 500 km de caniveaux dans la ville de Ouagadougou. Cela est lié à ces statistiques-là, mais ça va crescendo, et c’est cela que j’étais en train de lier pour dire que les moyens qu’on octroie pour la gestion des caniveaux doivent accompagner les investissements qui se font. C’est une question d’échelle, mais cela n’est pas toujours compris. Actuellement, les arrondissements qui ont pu finir, sont à 40 km de caniveaux curés. Au niveau de la régie, nous sommes à 102 km de caniveaux curés et l’opération va se poursuivre jusqu’en fin octobre et nous feront le bilan. Chaque année, la campagne de curage dure plusieurs mois (mai-octobre). Nous sommes dans l’élan, il y a des arrondissements qui ont déjà fini et qui ont même réceptionné. Mais c’est complexe d’avoir le nombre de tonnages de ces déchets curés. Ce sont des grands volumes de déchets qui sortent, dont les statistiques ne sont pas faites, parce que le curage est fait un peu partout dans les 12 arrondissements et ce n’est pas moins de 5 000 à 10 000 m3 de déchets qui sortent par mois des ouvrages de drainage.

Vous parliez plus haut des gens qui jettent leurs ordures dans les caniveaux. Mais pourquoi le font-ils ?

Je pense que c’est une question de mentalité et d’incivisme. En réalité, ils ne veulent pas garder leurs ordures dans une poubelle et payer un prestataire pour le faire. C’est un faux calcul qu’ils font. Ils veulent éviter de payer, parce qu’ils se disent que payer quelqu’un pour ramasser ces déchets, c’est pour ceux qui sont nantis. Alors que si quelqu’un tombe malade dans une cour, on ne sait pas jusqu’à combien on va dépenser pour récupérer la santé de cette personne-là. Qui peut même coûter souvent sa vie et la vie n’a pas de prix. Si payer 1 500, voire 2 000 francs CFA par mois pour ramasser leurs propres déchets, des gens refusent, alors qu’ils peuvent aller s’asseoir, boire deux ou trois bières, c’est une question d’incivisme. Je dirai seulement que les gens pensent qu’un ouvrage public, chacun peut en faire ce qu’il veut. Alors que, si dans ta cour, quelqu’un ne peut pas venir faire ce qu’il veut, il faut se dire qu’au niveau des ouvrages publics, c’est la même chose et là c’est encore plus rigoureux. Parce que c’est un bien public et tout le monde doit contribuer à son entretien.

Il suffit de trouver un quartier où il y a eu un baptême ou un mariage, vous trouverez un parterre de sachets déposés, parce qu’ils ne prennent pas les questions de salubrité comme une priorité, donc on balance tout partout. Il suffit que tout le monde se mette à nettoyer et à ne pas salir, et la ville deviendra propre. Les statistiques le disent, ceux qui respectent les règles de gestion des déchets sont à peine 30% dans la ville de Ouagadougou. A titre d’exemple, quand vous prenez au niveau des commerces, c’est rare de voir des commerçants qui sont abonnés à des prestataires privés pour le ramassage de leurs ordures et c’est la même chose au niveau des tailleurs. Avoir un cadre de vie sain, c’est se respecter soi-même et sauvegarder sa santé. En plus de cela, il faut souligner que les eaux sales et les déchets jetés dans les caniveaux deviennent des lieux privilégiés pour les larves de moustiques qui se développent et qui se reversent dans les habitations. Ce qui se traduit soit par le paludisme, la dengue et autres maladies qui peuvent coûter la vie humaine, parce qu’il y a, non seulement la pollution des sols, la pollution des eaux mais aussi la pollution de l’air qui affecte leur santé.

On a aussi remarqué qu’en plus du curage des caniveaux, il y a aussi le ramassage des déchets ménagers qui est géré par des sociétés privées, mais qui les laissent souvent traîner partout en ville. Comment cela est-il géré à votre niveau ?

Il faut dire que parmi ces acteurs, le pourcentage des informels est plus élevé. C’est-à-dire, ceux qui ne sont pas reconnus par la commune. Avec le temps, beaucoup de gens se sont intéressés à l’activité, mais restent toujours dans l’informel. C’est cette partie-là que l’on n’arrive pas à maîtriser. Ce sont eux qui ne partent pas forcément au niveau des centres de collecte-là et qui jettent les ordures ramassés dans les espaces vides. C’est ce qui augmente les dépotoirs que nous voyons partout en ville. C’est ceux qui sont réfractaires aux règles de gestion des déchets que la mairie a établies. Ils refusent de s’abonner à des prestataires privés et jettent leurs ordures dans les espaces vides. Pourtant depuis 2005, on avait 35 centres de collecte et qui sont passés à peu près 60 centres de collecte et de tri.

Quelle est la destination des déchets curés et comment vous rassurez-vous qu’ils ne constituent pas un autre problème environnemental ?

Il faut d’abord faire la distinction entre le curage des caniveaux et la gestion des déchets de façon générale que nous collectons. Parce que les déchets que nous collectons s’évalue à 700 000 tonnes par an que nous récupérons. Ce que nous récupérons part au centre de traitement et de valorisation des déchets. En la matière, on ne se vante pas, mais si vous regardez dans la sous-région, nous avons été des pionniers de ceux qui ont créé un centre pour gérer de façon réglementaire les déchets collectés. C’est une expertise de la commune de Ouagadougou à l’instar des autres communes sœurs de la sous-région.

On a mis en place un centre d’enfouissement depuis les années 2000, et aujourd’hui c’est devenu un Centre de traitement et de valorisation des déchets (CVTD) qui répond aux normes internationales. On ne fait pas seulement qu’enfouir, on valorise aussi. Il y a une unité de valorisation des déchets fermentescibles et une unité de valorisation des déchets plastiques. Les déchets fermentés, on les transforme en compost bio qui contribue à faire une meilleure production. En dehors de cela, il y a les déchets plastiques que l’unité de valorisation du plastique prend et les récupère au niveau du CTVD qui les transforme en granulés. C’est pour vous dire que dans le centre de traitement et de valorisation des déchets, un déchet ne rentre pas là-bas sans être bien géré. C’est sans crainte, une fois que les déchets rentrent au CTVD, c’est très bien géré.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez sur le terrain ?

Les difficultés sont énormes à commencer par l’incivisme de la population que j’évoquais plus haut. Son refus d’adhérer aux règles de gestion des déchets et il y a aussi la non-application des arrêtés, des lois, et des textes qui fait que les gens continuent de faire ce qu’ils veulent. En tout cas, une grande partie de la population refuse toujours d’adhérer à la gestion des déchets et il faut sévir contre ceux qui exagèrent. Car les gens savent ce qu’ils font. Si on te dit que c’est interdit et que tu le fais, il faut qu’on te sanctionne pour que les autres en tirent des leçons. Je pense que pour réussir, il faut en venir à cela.

Quelles peuvent être alors les solutions pour y remédier ?

Je pense qu’arrivé à un moment, il va falloir passer à la répression pour que les gens puissent respecter la loi sinon, on ne s’en sortira pas. Si, on prend quelqu’un, on peut lui faire faire des travaux d’intérêt commun et cela servira de leçons pour les autres. Par exemple, si on vous fait balayer toute la terre en plein jour aux yeux de tout le monde, vous n’allez plus poser cet acte et cela va dissuader les autres à le faire. Que chaque ménage s’abonne à des prestataires privés qui sont partout dans la ville de Ouagadougou, et c’est à partir de cela qu’on peut dire qu’on est un bon citoyen qui veut sa ville propre. Rien que cet acte et les travaux communautaires peuvent changer le visage de notre commune. À ceux qui ne respectent pas les règles d’hygiène et de salubrité, il faut que les gens sachent que désormais, c’est amendable. Si on vous prend en train de jeter les ordures dans les caniveaux, ça fait 50 000 francs d’amende.

Votre mot de fin…

Dans le contexte actuel où tout est difficile, chacun doit être patriote dans tout ce qu’il a à faire. Que ce soit en matière de travail, que ce soit en matière de garder son cadre de vie propre, il faut penser au patriotisme, à l’intégrité, et mettre du sien pour accompagner l’Etat pour que nous puissions atteindre nos objectifs. Je dirai que l’heure est à ce que tout le monde devienne un plus sérieux dans ce qu’il fait.

Propos recueillis par Yvette Zongo
Lefaso.net

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