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Gouvernance : « Le sort d’un peuple ne dépendra jamais d’une élection bourgeoise, encore moins d’un coup d’Etat » (Abdoul Kader Ouattara alias Almamy KJ)

Publié le lundi 3 juillet 2023 à 22h20min

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Gouvernance : « Le sort d’un peuple ne dépendra jamais d’une élection bourgeoise, encore moins d’un coup d’Etat » (Abdoul Kader Ouattara alias Almamy KJ)

Aussi convaincu que « la réalité de tous les pouvoirs fascistes, c’est de faire en sorte qu’il n’y ait pas de critiques, mais que tout le monde applaudisse » et que « ce qui se passe sous nos cieux est une révolution sans révolutionnaire… », le reggae-maker et leader d’opinion, Abdoul Kader Ouattara alias Almamy KJ, fait une lecture, dans la même verve et intrépidité qu’on lui connaît, de l’actualité socio-politique du Burkina. C’était à la faveur d’un entretien qu’il a accordé en mi-juin 2023 sur un récent séjour artistique à Abidjan.

Lefaso.net : Vous semblez observer un certain silence depuis un moment, malgré votre actualité qui conduit ces dernières semaines à Abidjan… Que vaut ce silence et dans quel cadre Almamy KJ a-t-il séjourné dans la capitale ivoirienne ?

Almamy KJ : Il faut dire que Almamy KJ était occupé par des travaux de studio, notamment la préparation de sorties à l’extérieur. Pour ce qui est du studio, avec le staff, nous avons élaboré un bon nombre de textes, que nous enregistrons progressivement. Comme vous le savez, pour la professionnalisation d’une carrière, il faut beaucoup de tact, beaucoup de travail. Donc, à un moment donné, nous avons décidé de replier un peu et de travailler de façon sobre et silencieuse.

Tout cela mis ensemble, avec les sorties dans la sous-région, prend beaucoup de temps et explique le silence là où mes mélomanes me réclament. Et comme vous l’avez dit, nous étions à Abidjan pour une série d’invitations. Nous avons commencé par « Adjamtala Reggae », le 21 mai du côté d’Adjamé ; un grand espace reggae. Le 2 juin, nous étions du côté de AZK Live, qui est actuellement le plus grand espace reggae de la Côte d’Ivoire, situé au quartier Blockhauss.

Nous avons été également au festival de reggae de Treichville, les 2, 3 et 4 juin. Entre temps, il y a eu ce passage chez les étudiants du quartier Abobo, avec l’Association générale des élèves et étudiants de la Côte d’Ivoire, où nous avons fait une prestation à la clôture de leur congrès. Il y a eu bien d’autres activités connexes et des visites privées à des acteurs culturels, notamment à des sommités de la reggae-musique, à qui je saisis l’opportunité de cet entretien pour dire encore, merci !

Mais cela ne met pas fin au silence, tant que nous n’avons pas sorti le prochain ; on veut travailler pour quelque chose d’encore plus consistant pour les mélomanes. Nous avons une sortie à Bamako, en août, puis nous repartirons sur Abidjan, avant de mettre le cap sur Paris en septembre pour trois spectacles et nous continuons sur Lyon pour la Fête de l’humanité.

Parlant de silence…, les thèmes que vous évoquez n’y contribuent-ils pas, quand on sait qu’ils ne sont pas faits pour caresser dans le sens des poils ; ce qui n’invite pas dans ces nombreux soirées et spectacles mondains !

Vous dites juste ; parce que les thèmes que nous évoquons sont des sujets qui intéressent le vécu des masses de plusieurs pays, mais qui irritent en même temps les dirigeants, ceux qui ont les pouvoirs dans ces pays. Quand on aborde la mal gouvernance, la corruption…, vous ne vous verrez jamais dans les soirées mondaines, les salons feutrés. Ils ne vont jamais vous appeler. Ils ne vont jamais inviter des artistes qui vont venir dire des choses qui sont aux antipodes de leur volonté (endormir les masses, les voler…). Et ce n’est pas une surprise. Quand vous faites de la reggae-musique et que vous êtes prisés par ces gens-là, vous devez même vous poser des questions : « Est-ce que je suis sur le bon chemin ? ... ».

Donc, quand vous êtes reggae-maker et que vous dénoncez, ne vous attendez jamais à être dans une salle avec eux. Mais ce qui nous réconforte, c’est de savoir que le chemin que nous avons choisi, la reggae-musique, demande à ce que nous restions aux côtés des masses, que nous dénoncions ce qui doit être dénoncé.

Si non, il faut aller faire autre chose que la reggae-musique. C’est en cela que la reggae-musique trouve tout son sens. Par moments, on a des appels pour dire : « Almamy, il faut revoir ta position, sinon tu ne seras pas invité ». Je dis simplement aux interlocuteurs que moi, ma musique, c’est pour le peuple, pas pour les « forts » du moment, dont nous savons les gymnastiques par lesquelles ils arrivent au pouvoir. Donc, ce n’est pas joué auprès d’eux qui m’intéresse. On me dit : « Vous avez de la famille, des enfants ; à un certain moment, il faut se ramollir ».

Je dis, se ramollir, est-ce accompagner les « forts » du moment (Compaoré, Zida, Kafando, Kaboré, Damiba ou Traoré) ? Moi, je n’accompagne pas un chef d’Etat, je suis désolé. Pour moi, ce sont les intérêts des masses populaires ici et maintenant. Je l’ai dit et je le dis, le sort d’un peuple ne dépendra jamais d’une élection bourgeoise, encore moins d’un coup d’Etat.

Moi, j’accompagnerai toujours les masses, pour le changement populaire. Et le changement populaire, c’est celui révolutionnaire. On ne dira jamais qu’Almamy KJ chante maintenant pour les « forts » du moment. Jamais ! Almamy KJ chantera toujours pour les masses, en dénonçant la vie chère : les produits de première nécessité ne sont pas accessibles aux masses.

C’est cela la vérité. De Compaoré à Traoré aujourd’hui, qu’est-ce qui a fondamentalement changé dans la vie des Burkinabè ? Si je ne suis pas à mesure de dénoncer cela, il y a problème. Si je ne suis pas à mesure de dire qu’aujourd’hui, il y a restriction de libertés individuelles et collectives, qu’aujourd’hui-là, on dit de la boucler et de dire « vive Traoré ! », c’est que je ne suis pas un reggae-maker. Si je ne suis pas à mesure de dire que ce pour quoi ils ont pris le pouvoir, la question sécuritaire, ils sont en train d’échouer, c’est que je ne suis pas un reggae-maker.

A tous ceux qui ont décidé de faire de la musique engagée, reggae, rap…, de ne pas abandonner ce peuple, de dire la vérité quand il le faut. Il ne faut pas avoir peur de le dire. Le panier de la ménagère est devenue un sachet noir, le carburant a grimpé comme jamais, etc. La CCVC (Coalition de lutte contre la vie chère, la corruption, la fraude, l’impunité et pour les libertés) l’a dit, et c’est cela la vérité. Il ne faut pas avoir peur de dénoncer les exécutions sommaires, extra-judiciaires.

Il ne faut pas avoir peur de dire qu’il y a confusion dans la lutte contre le terrorisme par moments. On ne va pas se taire. On ne libère pas un peuple, un peuple se libère. La seule chose qui peut nous tirer réellement d’affaire, c’est l’unité populaire (l’unité qui va permettre à tous les secteurs d’activités du pays de s’épanouir, ce n’est pas de vouloir que la presse dise ce que le chef veut entendre), et non l’union sacrée autour d’un chef d’Etat.

Le jour où je ne serai pas en mesure de dire qu’un dirigeant a échoué (pas critiquer pour critiquer, mais avec des analyses scientifiques), j’arrête de faire de la reggae-musique. Si ceux qui ont volé, je ne suis pas à mesure de dire qu’ils ont volé, moi Almamy KJ, j’arrête de faire de la reggae-musique pour faire de la musique ludique. Mais tant que je serai en train de faire de la reggae-musique, je dirai toujours ce qui est.

A l’époque, dans la chanson « Elections wouya wouya » où je disais que je ne me faisais pas d’illusions sur la portée des élections, que ce sont des moments de prédilection pour des traitres à la nation, pour semer la confusion au sein des populations, il s’est trouvé des gens, au nom de leur panse, pour raconter du n’importe quoi. Ces personnes sont toujours-là, elles ont changé de discours …pour penser berner tout le monde.

… Et le 24 janvier 2022 semble vous avoir donné raison !

Ça ne va nulle part ! Et après, on me dit : « Mais, on ne te comprend pas : tu n’es pas pour les élections, tu n’es pas non plus pour les coups d’Etat ». Le coup d’Etat, est-ce le peuple qui le fait ? Des gens ont fait le coup d’Etat, au nom de leurs intérêts. Ils ont fait le coup d’Etat au nom des intérêts d’un clan, d’une famille politique, et après, on dit aux masses-là : « venez nous soutenir ». Comme si nous étions au courant des tenants et aboutissants d’un coup d’Etat. Voilà pourquoi, je dis de ne pas confondre un coup d’Etat et une révolution.

L’insurrection a été stoppée dans son élan. Sinon, elle devait aboutir à une révolution. Voilà pourquoi, on dit que l’insurrection a été stoppée également en 2014 par un autre coup d’Etat militaro-civil que nous avons suivi. Donc, aujourd’hui, on ne peut pas nous berner. La même classe, avec les mêmes hommes, on reprend les mêmes et on compte faire autre chose avec, on compte faire du nouveau. Ce n’est pas possible.

Avec les mêmes reformes de la Banque mondiale, du FMI et avec les mêmes qui crient que nous sommes abandonnés par la communauté internationale. Les mêmes qui ont crié à l’autonomisation du pays disent aujourd’hui que nous ne sommes pas assistés. On crie qu’on ne veut pas de X, de Y et en même temps, on dit que la communauté internationale ne nous vient pas au secours.

C’est de la comédie. Tant que ce sont toujours les mêmes propos qu’on va entendre, ce sont les mêmes actions qui vont se mener et en fin de compte, on ne bougera pas, on tourne en rond. On a l’impression que les gens se voient, ils prennent le pouvoir et ils se disent : « on va essayer ». Ils tâtonnent, tâtonnent…, ça ne bouge jamais et après, ils disent : « aidez-nous ». Comme si on avait pris le pouvoir ensemble. Le pouvoir d’Etat s’assume.

Comme ils l’ont dit eux-mêmes, « on n’a attaché personne pour diriger le pays ». Et on n’attachera personne pour diriger le pays. Si vous n’êtes pas en mesure d’assumer les besoins des masses, vous passez à autre chose. Qu’on arrête de manipuler les Burkinabè. C’est triste. Aujourd’hui, nous sommes à plus de deux millions de déplacés internes. Qu’est-ce qu’on fait ? On fait la guerre ou bien on vend la bière à 2 000F, en espérant que c’est cet argent-là qui va faire la guerre ?

Je suis désolé ; la guerre, il faut la faire. Ce n’est pas la propagande qui fait la guerre, qui gagne la guerre. Si c’était le cas, les Américains avaient gagné en Afghanistan, les Français et les Américains avaient gagné au Viêt-Nam. Si les intérêts des masses sont respectés, on ne va même pas leur dire de suivre les tenants du pouvoir, elles vont se lever d’elles-mêmes, parce que leurs aspirations sont au beau fixe.

Mais non, ce n’est pas le cas. Voilà pourquoi, j’insiste pour dire qu’il faut l’unité populaire, qui tiendra compte des aspirations les plus profondes des masses. J’encourage nos braves FDS, nos braves VDP…, mais il faut arrêter de dire aux gens que la guerre n’a pas encore commencé ou que la guerre vient de commencer, que nous sommes à l’introduction, etc.

On ne peut pas tergiverser et puis vouloir engranger des résultats. Ce n’est pas vrai. On a comme l’impression que ça ne va pas, mais il faut dire que ça va. On tue à l’Est, on tue à l’Ouest, on tue au Nord…, mais il faut dire que ça va. On ne doit pas parler parce que ce sont des militaires. C’est faux ! Les libertés dans ce pays-là ont été acquises au bout de l’effort, grâce à la sueur et le sang. Donc, ce n’est pas un groupe d’individus qui peuvent remettre cela en cause, même avec leurs armes. Ah non, et non ! Voilà pourquoi dans mes chansons, je reviens toujours là-dessus. Et j’insiste : je ne confonds pas liberté et libertinage. Sans liberté, on n’aura rien.

On imagine que l’album à venir ne sera pas différent des précédents, dans ses thématiques et le ton de dénonciation !

On revient sur la gestion de la cité. Ici, comme ailleurs. Vous savez, partout dans le monde entier …, sans liberté, il n’y a pas de vie. Quand nous sommes au Burkina Faso, on entend dire qu’il y a eu ceci ou cela en Côte d’Ivoire, au Mali, aux Etats-Unis, en France, en Ukraine…, c’est parce que l’information passe ! C’est la liberté. Mais vous dites chez vous, il n’y a pas l’information ; dites ce que nous, nous voulons. A la limite, c’est infantiliser les gens. J’ai été appelé par des gens pour me dire de chanter pour telle ou personne.

Je dis en vertu de quoi ? Je ne sais pas quelle est leur ligne, ce qu’ils prévoient faire pour nous. Si je savais comment ils sont venus, les tenants et aboutissants, ce qu’ils ont comme projets pour nous, je peux chanter pour les encourager. Je ne sais rien de tout cela, on me dit de chanter pour ces gens-là. Moi, je ne suis pas un comédien. Je chanterai sur la liberté, contre l’impérialisme…, parce que ceux qui sont au pouvoir se disent anti-impérialistes, mais jusqu’à présent, ils prennent des mesures anti-sociales, ils courent derrière et appliquent les mesures de la Banque mondiale et du FMI.

Donc, il ne faut pas que les gens pensent pouvoir nous endormir. Ce qui se passe sous nos cieux, c’est une révolution sans révolutionnaire. Ou du moins, une révolution anti-prolétaire ; des gens qui disent qu’ils sont pour le peuple, mais rien n’est accessible à ce peuple-là. Vraiment, je ne sais pas c’est quelle révolution. Et moi, en tant qu’artiste-reggae, je dis non à cela et je persiste. Il faut dénoncer ce qui ne va pas, c’est cela le rôle de l’artiste, de façon générale, et de façon particulière, l’artiste-reggae maker et l’artiste-rappeur.

En quoi cette nouvelle dynamique de votre carrière à travers l’ouverture dans la sous-région peut-elle être bénéfique pour vous et pour la reggae-musique burkinabè ?

A Abidjan, il y a eu de très belles expériences. D’abord, l’approche des reggae-makers, très free, des musiciens qui sont très professionnels. On était aux côtés de doyens comme Jim Kamson, Ismaël Isaac, Ras Goody Brown, Neth Soul, etc. Ces passages à « reggae united » de Yopougon, l’accueil des populations, chez les étudiants à Abobo, qui m’ont spontanément appelé, avec grande surprise pour moi, « l’artiste du peuple ».

Ils me disent : « Almamy, on te suit, on suit tes activités, on écoute tes sons via YouTube et nous en sommes fiers ; tu défends les masses ». Quand vous êtes face à de telles expériences, vous êtes obligés de maintenir le cap, de ne pas décevoir. Je prends cela comme une interpellation à encore et à toujours travailler de façon scientifique.

Le séjour a mis en perspective des collaborations avec des artistes de reggae et des zouglou-makers (parce que le Zouglou est une musique qui, à l’origine, fait de la dénonciation). Nous avons également des travaux de studio, qui se feront alternativement à Ouagadougou et à Abidjan. A Abidjan comme à Ouagadougou, il y a de bons musiciens, ce serait intéressant qu’ils soient en contact ; parce que l’art, c’est la communion également. C’est l’un des grands projets que nous comptons mettre en œuvre, car l’artiste, c’est toute une entité ; en général, on voit le chanteur. Alors qu’en vérité, ceux qui sont en arrière-plan (les musiciens, les batteurs, les bassistes, les guitaristes, les pianistes, les saxophonistes…), ce sont eux qui font le chanteur.

Si on conjugue les efforts, musiciens d’ici et d’ailleurs, on aura des choses très intéressantes. Chacun des deux pays regorgent d’une soixantaine d’ethnies, et chacune a une façon particulière de jouer un instrument. Si on arrive à combiner toutes ces richesses, ce sont, au finish, nos populations, nos peuples qui gagnent.
Le même principe de partage d’expériences a été mis en place avec le festival de reggae du Mali et le festival de reggae du Sénégal. Quand on a discuté, on s’est dit, si on ne va pas ensemble, ça sera difficile. Donc l’expérience d’Abidjan a été très belle.

Dans un contexte global où les gens préfèrent être caressés dans le sens du poil…, flattés que critiqués, la musique reggae n’est-elle pas un genre en étouffement ?

Il ne faut pas se leurrer : étouffer le reggae, c’est bel et bien leur souhait. Il faut même le dire, tout un travail est fait pour l’étouffer et accepter que la reggae-musique est en voie d’étouffement et sera même étouffée, si les acteurs ne se bougent pas. On ne va pas se leurrer, c’est cela la réalité. La réalité de tous les pouvoirs, c’est de faire en sorte qu’il n’y ait pas de critiques, mais que tout le monde applaudisse.

Voilà pourquoi, il serait intéressant pour l’ensemble des reggae-makers, de chercher à élever le niveau de la reggae-musique, en respectant d’abord le principe qui est de rester aux côtés des masses populaires. Si vous n’élevez pas le niveau de conscience, vous pouvez être facilement pris dans un piège de manipulation ; sans même savoir, vous allez applaudir pour un pouvoir X ou Y et après, vous rendre compte que vous avez été embarqués. Si vous faites cette erreur, les mélomanes ne connaîtront pas cela, vous aurez déçu plus d’un et vous aurez embarqué beaucoup dans l’erreur.

C’est le travail de tout pouvoir, d’amener à liquider toutes les voies discordantes, qui ne vont pas dans le même sens que lui. Pour moi, il serait donc important que tous les reggae-makers, je vais même au-delà pour ajouter les rappeurs, restent focus, ne se laissent pas intimider, n’aient pas peur.
Il y a plusieurs types de musique, la musique ludique, la musique didactique, etc. Si vous avez opté pour le reggae, qui est une musique didactique, il ne faut donc pas vous en éloigner, c’est même une obligation.

Sinon, après, vous devenez un intellectuel de service, un intellectuel-serviette, qui, pour des miettes, vend son âme au diable. L’art est une œuvre intellectuelle, et ses principes doivent être respectés par tout artiste. Sans quoi, il devient un intellectuel vendu. Il ne faut donc pas que les artistes se rangent du côté des intellectuels vendus. L’artiste ne doit pas changer comme un caméléon, il ne doit pas être aveugle, il doit être aux côtés du peuple. Là où les autres vont se taire, il doit dire mot. Il doit être une torche pour le peuple.

En mars 2022, la diva de la musique ivoirienne et africaine, Aïcha Koné, a effectué un déplacement à Ouagadougou pour spécialement marquer vos dix ans de carrière. Quels sont vos liens actuels et qu’est-ce que cet acte de la détentrice de « deux disques d’or et plus de 45 prix et trophées nationaux et internationaux » apporte à votre carrière ?

De très bonnes relations. On discute fréquemment. Même à Abidjan, j’étais du côté de Marcory, chez la maman Aïcha Koné, la diva de la musique africaine. On se donne des nouvelles de spectacles dans le monde entier. Auprès d’elle, ce sont beaucoup de conseils, beaucoup d’expériences... Elle est plus qu’un apport, d’un point de vue musical, très énorme, pour ma modeste carrière.

Votre message à tous ceux qui vous suivent, en particulier vos mélomanes ?

A tous ceux qui me suivent, à tous ceux qui m’accompagnent, de près ou de loin, ici et ailleurs, je leur dis merci. Je leur dis d’encore et de toujours comprendre les positions de l’artiste, qui sont des positions que certains vont juger par moments délicates. Mais, reggae-maker que je suis, je ne peux que rester dans ce carcan-là, qui est de défendre l’intérêt général, ici et ailleurs.

Je leur dis merci de me porter et de toujours continuer à me porter haut ; parce que si aujourd’hui, on est sollicité dans les capitales africaines et en Europe, c’est grâce à eux. Et qu’Almamy KJ qu’ils ont connu dénonciateur, défenseur de la veuve et de l’orphelin, ne peut pas quitter ce cadre-là. Si je le faisais, ce ne serait que de la pire trahison. Non seulement j’aurais trahi le reggae et tout son sens, mais également tous ceux qui m’ont porté, et continuent de me porter, ici et ailleurs.

Je dis courage aux vaillants peuples d’ici et d’ailleurs. Nous sommes dans un monde rempli d’imposture, d’imposteurs, de manipulateurs, mais que chacun reste focus et ne se laisse pas emporter par le tourbillon du diktat. Que chacun reste débout malgré les difficultés. Que chacun tienne bon et tienne son bâton de pèlerin pour la liberté et la justice, parce que ceux qui se battent sincèrement finissent toujours par gagner. Dans la lutte sincère, on finit toujours par avoir gain de cause.

Entretien réalisé par Oumar L. Ouédraogo
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