La digitalisation accélère le visage humain de la microfinance. La Confédération des institutions financières d’Afrique de l’Ouest (CIF) en est convaincue, elle qui souhaite d’ici 2025 dématérialiser l’ensemble des process sur les opérations de ses membres. C’est dans ce cadre que s’inscrit son tout nouveau projet qui va améliorer les conditions de vies des femmes, des petits producteurs et des jeunes en milieu rural.

Dénommé DigiCoop WA (Digitalisation des coopératives financières en Afrique de l’Ouest), le projet s’inscrit, selon la CIF, « dans la continuité des expériences de digitalisation de la collecte de l’épargne, d’octroi de crédit et d’éducation financière » déjà en cours au sein de ses réseaux membres ». Son lancement a eu lieu, ce lundi 26 juin à Ouagadougou.

Une vue des participants au lancement du projet DigiCoop WA

Simplicité, sécurité et gain de temps

« Désormais, vous pourrez dans votre chambre, sur votre lit, dans votre douche, de votre lieu de travail épargner sans vous déplacer dans une agence. Vous pourrez aussi faire des opérations de transfert sans vous déplacer. Vos ressources sont plus sécurisées parce que vos carnets d’épargne ne seront plus utiles, ne vont plus se perdre ou se détériorer puisque vous aurez désormais un support magnétique pour garder votre argent », a exalté le directeur général de la CIF, Mathieu Soglonou.

Le directeur général de la CIF, Mathieu Soglonou a présenté les avantages du nouveau projet

Résultats escomptés

Il a indiqué que le projet DigiCoop WA espère atteindre 300 000 nouvelles souscriptions aux services financiers numériques (SFN) d’ici fin décembre 2024 et permettre à 80% de ses clients, notamment, les femmes, jeunes et petits producteurs en milieu rural, de se servir des services financiers numériques pour leurs besoins de financement d’activités génératrices de revenus.

Outre cela, le projet envisage former au moins 42% des utilisateurs finaux en éducation financière à travers les nouvelles technologies digitales (e-learning). Il ambitionne permettre à un utilisateur sur trois au minimum d’améliorer son bien-être grâce aux revenus générés par l’utilisation des services financiers numériques.

Une présentation du projet DigiCoop WA a été faite aux participants

L’inclusion financière, un engagement de la Coopération suisse

D’un coût global de 3,13 milliards FCFA, le projet DigiCoop WA est financé par la CIF et ses réseaux membres à hauteur de 1,85 milliards de francs CFA, soit 59% du coût du projet, et par la Coopération suisse à travers la Direction du développement et de la coopération (DDC) à hauteur de 1,28 milliards FCFA.

« La digitalisation permet de transcender les distances et dans le contexte que nous connaissons tous, pouvoir s’affranchir de certaines contingences matérielles est fondamental. Cette transformation digitale des différentes coopératives et mutuelles financières permettra d’offrir des produits financiers à un bien plus grand nombre de personnes tout en les protégeant des risques de surendettement et de tarifications par des actions d’éducation financière », a indiqué le représentant de la Coopération suisse, Christian Eggs qui note que l’inclusion financière est au cœur de ses engagements au Burkina Faso et en Afrique de l’Ouest.

A l’en croire, la digitalisation des services financiers est source de nombreux défis notamment en lien avec la fraude. Il a donc invité la CIF à accorder une attention particulière au mécanisme de détection de la fraude dans le but d’assurer une bonne connexion des clients, gage de la durabilité des acquis. « Le risque des fraudes est non seulement financier mais c’est la rupture de la relation de confiance avec les clients qui est le plus dommageable », a-t-il laissé entendre.

Selon Christian Eggs, l’inclusion financière est au cœur des engagements de la Coopération suisse au Burkina Faso et en Afrique de l’Ouest.

Des expériences réussies au Bénin et au Togo

Notons que le lancement de DigiCoop-WA est une suite des projets pilotes mis en œuvre au Bénin et au Togo. Selon le directeur général de la Fédération des caisses d’épargne et de crédit agricole mutuel (FECECAM), Yadonta Clément, la faîtière a mis en place un produit dénommé « Epargne planifié digitalisé » qui est une sorte de tontine digitale. « Avec la digitalisation, nous sommes obligés de nous adapter et de faire mieux que ce que nos parents faisaient avec la tontine traditionnelle. C’est ce qui nous a amené à utiliser les terminaux de paiement électronique qui permettent aux collecteurs de passer sur place pour prendre les mises des clients. On a également évolué vers l’enregistrement des demandes de prêts », a expliqué M. Clément Yadonta.

Le directeur général de la Fédération des caisses d’épargne et de crédit agricole mutuel, Yadonta Clément était présent au lancement du projet

Une 14e assemblée générale ordinaire…

Notons que le lancement du projet DigiCoop WA s’est tenu en marge de la 14e assemblée générale ordinaire de la CIF, qui se tient dans un contexte marqué par plusieurs crises (sanitaires, géopolitiques, sécuritaires, économiques et financières), qui ont menacé la stabilité financière des différents pays de la zone UEMOA.

Malgré tout, la CIF a engrangé des acquis. « En 2022, sur l’ensemble des indicateurs prévus par la loi, la CIF est au vert de manière générale. A quelques exceptions près, notamment en termes de mobilisation de l’épargne, de constitution du capital pour les coopérateurs, les réseaux membres de la CIF sont au vert », a laissé entendre le directeur général de la CIF, Mathieu Soglonou.

Le représentant du ministre des finances (5e à partir de la gauche) a posé avec les responsables de la CIF

… pleine de défis

Selon le président du conseil d’administration de la CIF, Alain Ousmane Zidouemba, la CIF a connu en 2022 une restructuration et a mis en place un comité stratégique composé de personnalités pluridisciplinaires pour renforcer la gouvernance de son réseau.

En dépit de ces acquis, le président du conseil d’administration de la CIF a indiqué que des défis majeurs restent à relever. A l’en croire, il s’agit de « la transformation digitale et la cybersécurité au sein du réseau CIF, du développement et l’instrumentation des produits, de la capitalisation et le financement des différents paliers du réseau CIF, de la mobilisation des ressources auprès des partenaires techniques et financiers pour la mise en œuvre des projets innovants et structurants du plan d’affaires 2021-2025 de l’organisation ».

Par la voix du directeur général du Fonds national de la finance inclusive, Wango Fidèle Yaméogo, le ministre en charge des finances, Dr Aboubakar Nacanabo, a salué les résultats et le dynamisme de la CIF. Il a aussi rassuré de l’engagement du gouvernement burkinabè à soutenir toutes les actions favorisant l’inclusion financière en faveur des populations défavorisées

Le président du conseil d’administration de la CIF Alain Ousmane Zidouemba a rappelé aux participants les défis de la CIF

La CIF en bref

Mise en place le 1er juin 2007, à Ouagadougou, la Confédération des institutions financières d’Afrique de l’Ouest (CIF) est une société coopérative regroupant six faîtières agréées de coopératives et mutuelles d’épargne et de crédit dans cinq pays de l’UEMOA que sont le Bénin, le Burkina Faso, le Mali, le Sénégal et le Togo. Six valeurs guident ses actions. Ce sont la solidarité, l’équité, le respect, la transparence, l’intégrité et l’engagement.

La CIF en 2022, c’est aussi 165 caisses de base, 806 points de vente, 5 019 698 membres/clients, un encours de crédit aux membres à la base de 435,856 milliards de FCFA, soit une croissance de 14,54 % par rapport à l’année 2021 ; une épargne mobilisée à hauteur de 502,317 milliards de FCFA, et un résultat net de 14, 557 milliards de FCFA.

La CIF est membre fondatrice de Proxfin, un réseau international de réflexion et d’échange qui réunit 25 institutions de finance de proximité.

Fredo Bassolé
Lefaso.net