Ce sont 100 discours composés de déclarations, interviews, lettres, articles, motions et résolutions de la Confédération générale du travail du Burkina (CGT-B), que Hamidou Belem a analysés dans le cadre de sa thèse. Il a organisé son travail en trois parties à savoir le « Cadre théorique et conceptuel de l’analyse sémio-pragmatique du discours » qui est consacré aux aspects théoriques et méthodologiques, « Analyse de l’argumentation, des interactions verbales et des modalités évaluatives » et « Constantes et impacts des discours de la CGT-B ».

De ses analyses, il ressort que les discours de la CGT-B tendent plus à persuader qu’à convaincre les cibles. L’organisation attribue certaines valeurs comme la solidarité, l’union, le courage, l’intégrité, etc. aux actants adjuvants. Pendant ce temps, elle présente les actants opposants qui se caractérisent par des contre-valeurs comme la cupidité, la répression, le mensonge, le non-respect de la législation, etc. L’analyse de M. Belem révèle aussi que les discours de la CGT-B s’évertuent à justifier la noblesse de la lutte, à présenter la CGT-B comme l’acteur pouvant conduire cette lutte et à modaliser (par un faire-faire ou faire-savoir) les militants et sympathisants à s’engager activement dans la lutte.

« Dans un premier temps, les discours de la CGT-B présentent toutes les situations ayant un rapport avec les conditions des travailleurs et des citoyens. Ensuite, elle prend position sur ces mêmes conditions. Celles qui ne lui conviennent pas sont prises pour des préoccupations ou des revendications. Au même moment, elle en identifie les acteurs responsables, ce qui correspond à l’identification des actants adjuvants d’une part et des adversaires d’autre part. Les adjuvants sont encouragés et félicités pendant que les adversaires sont dépréciés et dénigrés. Et pour terminer, elle définit sa stratégie de combat en invitant ses militants et sympathisants à des actions concrètes pour l’aboutissement des revendications », explique l’impétrant.

Hamidou Belem a été élevé au grade de docteur avec la mention très honorable

Suggestions de stratégies de mobilisation des militants

Hamidou Belem estime que son travail d’analyse des discours de la CGT-B peut servir de guide pour adopter des stratégies de mobilisation des militants d’une part et des stratégies de combat contre les actants opposants d’autre part. Il suggère ainsi que les syndicats des travailleurs, dans leur communication, privilégient par ordre d’efficacité les procédés argumentatifs faisant recours à l’ethos, au pathos, à l’implicite et au logos à l’effet de persuader et de convaincre les militants, les sympathisants, les masses. Ils pourraient motiver les militants à s’engager dans la lutte et à y persévérer pour la satisfaction de leurs revendications par l’emploi des Face Flattering Acts (Propos qui valorisent l’interlocuteur) à l’endroit des militants.

Pour ce qui est de la stratégie pour combattre les adversaires, l’impétrant suggère que les syndicats pourraient faire recours aux Face Threatening Acts (actes de langage qui affectent négativement l’interlocuteur. Ex : propos discourtois, injures, menaces, etc.) et aux axiologiques négatifs à l’endroit des actants opposants. Cette stratégie contribue à les fragiliser, ce qui donnerait plus de chance à l’aboutissement des revendications syndicales. Il estime que ces FTA sont des armes et les syndicats peuvent s’en servir dans la lutte contre la classe bourgeoise.

Il conseille cependant, que ces armes soient utilisées avec une certaine éthique au risque de produire des effets pervers au détriment des syndicats. « La conscience des répercussions négatives des effets des discours sur la lutte syndicale et sur les actants opposants devrait inviter les syndicats au respect de l’éthique de la lutte. Cette approche éviterait que les actants opposants utilisent les mêmes armes. Dans le cas contraire, ils seront dans une position où ils combattront ou se défendront avec les mêmes outils, ce qui exacerberait les positions des acteurs et contribuerait à instaurer des relations plus conflictuelles », conseille l’impétrant.

Parents, amis et connaissances ont assisté à la soutenance de Hamidou Belem

Il suggère donc que le ton du discours des deux actants soit policé en vue de préserver la dignité et l’honneur de chacun. « Cette posture contribuera à instaurer la cordialité entre les protagonistes et un climat propice pour les échanges entre partenaires sociaux. Dans cette logique, l’on pourrait avoir des relations professionnelles empreintes de courtoisie et de civilités, gage d’un dialogue social fructueux. Chaque acteur devrait faire preuve de bonne foi et privilégier l’intérêt général. À court ou long terme, le climat social pourrait s’apaiser durablement, ce qui va implémenter une culture de dialogue social et contribuer à une cohésion nationale », conclut-il.

Après la présentation du travail, les remarques, suggestions et questions du jury, la thèse de Hamidou Belem a été jugée recevable. Le président du jury, Pr Justin Ouoro Toro a salué un travail de belle facture aussi bien du point de vue rédactionnel, que du contenu. C’est ainsi qu’à l’unanimité, le jury a élevé Hamidou Belem au grade de docteur avec mention très honorable.

Justine Bonkoungou
Lefaso.net