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Terrorisme au Burkina : « Se connaître et connaître son adversaire, condition sine qua non pour vaincre », Amidou Yonaba

Publié le lundi 13 février 2023 à 22h40min

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Terrorisme au Burkina : « Se connaître et connaître son adversaire, condition sine qua non pour vaincre », Amidou Yonaba

« La maîtrise de l’information, un élément de base de l’intelligence stratégique pour vaincre l’ennemi ». Cet avis d’Amidou Yonaba, spécialiste en développement institutionnel, a été partagé lors d’une conférence en ligne sur « L’intelligence stratégique dans les situations de crise ». Cette conférence organisée par Kakiri Institute s’est déroulée dans la soirée du vendredi 10 février 2O23.

Pour inverser la tendance en période de crise en général et engranger des victoires en temps de guerre en particulier, se connaître soi-même et connaître ses adversaires est obligatoire. Cette analyse d’Amidou Yonaba, expert des questions de développement institutionnel, s’inspire de l’intelligence stratégique décryptée au cours d’une communication qu’il a présentée par visioconférence.

Dans un contexte où le Burkina Faso est frappé de plein fouet par une crise sécuritaire sans précédent, Amidou Yonaba explique comment le pays pourrait triompher grâce à la théorie de Zun Tsu. Un général chinois du VIe siècle avant Jésus-Christ, devenu célèbre pour son ouvrage de stratégie militaire le plus ancien, connu sous le titre : “L’art de la guerre’’

Ainsi, Amidou Yonaba montre que l’auteur dans son ouvrage, met l’accent sur l’art de la maîtrise de l’information à partir d’une démarche très structurée fondée sur deux éléments. En ce sens, la hiérarchie de l’information constitue le premier élément auquel Zun Tsu fait référence, secondé par la segmentation, dit-il.

« L’analyse, le traitement de l’information dans les situations de crise s’effectue premièrement sur la connaissance de l’identité de l’ennemi. Ce qui nous emmène à nous interroger si nous avons une bonne connaissance de l’ennemi après dix ans de crise au Sahel. Et là, on est en droit de douter du fait qu’au fil de l’évolution de la crise, aussi bien dans la caractérisation et l’appréhension de l’ennemi, les choses ne sont jamais restées stables. Nous constatons que la définition de l’ennemi prend plusieurs facettes. Car à l’échelle d’un même pays, on voit bien que l’ennemi ne s’appréhende pas de la même façon », a indiqué Amidou Yonaba.

Localiser l’ennemi

Une fois l’ennemi identifié, M. Yonaba précise que la chose à faire est de procéder à sa localisation. « Arrive-t-on au plan spatial à positionner l’ennemi ? », s’interroge-t-il. Avant d’affirmer que c’est là que l’on se rend compte jusqu’où la stratégie de l’ennemi a été suffisamment pensée dans le cadre de la crise au Sahel.
Pour lui, dans le contexte de la crise au Sahel, l’ennemi a développé une stratégie de sorte à ne pas être facilement identifiable et localisable. Ce qui conduit à parler de guerre asymétrique. Car, une guerre asymétrique est celle où l’ennemi de par son positionnement spatial et temporel, ne donne pas la possibilité de le cerner comme d’habitude, a-t-il défini.

Des membres de Kakiri Institute

« La théorie de Zun Tsu dit que ce ne sont pas les territoires déjà en crise qui sont seulement les territoires conquis par l’ennemi. Ce qui est intéressant ! Au Burkina, on a l’habitude de dire qu’on a six régions à forts défis sécuritaires. Alors que Zun Tsu explique que cela n’est qu’une partie révélée de la conquête de l’ennemi. C’est donc dire que l’ennemi n’est pas seulement dans la région de la Boucle du Mouhoun, à l’Est, au Sahel, au Centre-nord et au Nord. Mais il est déjà aussi au Sud-ouest et même au Centre », a soutenu M. Yonaba.
De ce fait, il mentionne que la localisation de l’ennemi ne doit surtout pas faire l’objet de banalisation juste parce qu’on ne l’aperçoit pas.

Infiltrer le système de l’ennemi

Après donc avoir identifié et localisé l’ennemi, Zun Tsu recommande une étude minutieuse sur son organisation, poursuit le conférencier. « D’abord, vous ne pouvez pas avoir une bonne connaissance de l’ennemi quand vous n’avez pas les bonnes informations sur lui.

Ensuite, vous ne pouvez pas non plus avoir une bonne connaissance de son organisation quand votre système sécuritaire n’arrive pas à infiltrer celui de l’ennemi. Enfin lorsque l’on croise la théorie de Zun Tsu à celle de l’écrivain prussien Carl Von Clausewitz, auteur de la stratégie militaire intitulé “De la guerre’’, on peut dire que le profil de nos terroristes est une configuration à trois images. Il y a le terroriste connu de tous qui tue. Mais il y a aussi le terroriste qui sert celui qui tue et le terroriste qui se trouve en dehors du territoire », a fait savoir Amidou Yonaba.

En conclusion, M. Yonaba souligne qu’il n’y aucune crise sécuritaire dont l’ennemi n’est que celui qui est au front. Car l’ennemi a toujours une ramification lointaine. En cela, il rappelle que la reconnaissance de l’ennemi et la maîtrise de son organisation ne doit pas seulement être laissées à la charge des forces de défense et de sécurité. Mais doit s’étendre également à l’ensemble des personnes qui ont la charge d’accompagner le système sécuritaire, à savoir les civils.

La réputation et l’audience de l’ennemi

« Qu’on le veuille ou pas, il faut se rendre à l’évidence que ceux qui ont créé la crise ont bien su lui faire porter un manteau et cela n’est pas anodin. Quand on prend les trois pays les plus touchés que sont le Burkina, le Mali et le Niger, ils ont su l’habiller avec la religion de l’Islam pour avoir de l’audience et de la crédibilité. Certes, à priori l’on peut dire que ce qu’ils font n’a aucun lien avec l’Islam. Car l’Islam ne tue pas. Mais c’est juste qu’en attendant, ce n’est pas tout le monde dans les terroirs qui cernent que ces fous n’ont pas pour mission de porter un message divin », signale l’expert en développement institutionnel.

Du point de vue d’Amidou Yonaba, si les gens estiment que la crise que traverse le Burkina Faso n’a rien de religieux, ceux qui l’on initiée disent par contre qu’elle a un fond religieux. Dans ce cas précis, que faut-il alors faire ?, se demande-t-il. À ce sujet, le conférencier revient sur la théorie de Carl Von Clausewitz qui dit que ceux qui ont eu la victoire lors des grandes guerres avec un fond idéologique sont les personnes qui ont eu un dispositif de communication à la hauteur pour lever les amalgames et éradiquer cette idéologie.

C’est le cas par exemple du nazisme. L’Europe n’a pas seulement vaincu par les armes. Mais il a aussi vaincu par l’idéologie, a-t-il rappelé. « Alors si l’on avance bien sur front militaire au Sahel, pouvons-nous dire qu’on avance bien sur la guerre idéologique ? », questionne-t-il.

« Dans le mouvement des millions des déplacés internes, nous ne savons toujours pas quel est le niveau d’infiltration de l’ennemi », Amidou Yonaba, expert en développement institutionnel et ancien conseiller technique du Centre parlementaire canadien

Présentation de Kakiri Institute

Cette conférence en ligne a lieu dans le cadre des activités d’un groupe de réflexion, Kakiri Institute, qui a pour slogan “Performing Africa’’. Kakiri Institute est un organisme indépendant non gouvernemental à but non lucratif. Il a été créé par un groupe de personnes expérimentées dans le domaine du développement institutionnel et l’appui aux institutions publiques et privées avec pour but de renforcer leurs performances. Ce, dans la délivrance des biens publics aux populations. Cette structure de réflexion stratégique dont les membres sont de nationalités diverses a pour vision de construire une Afrique forte de ses institutions et des actions publiques performantes au profit des populations.

Les principaux objectifs de Kakiri Institute sont notamment à cet effet de concevoir les outils de pilotage de la performance des institutions, de concevoir et mettre en œuvre les programmes de renforcement de la performance de celles-ci. Mais aussi de valoriser les savoirs endogènes et entraîner un développement durable des États, promouvoir la culture de la performance et de l’innovation au sein des institutions publiques et privées en charge de l’action publique.

À cela, s’ajoutent la promotion de la transparence, de l’imputabilité, du professionnalisme et l’efficience dans la mise en œuvre des politiques publiques.

Hamed NANEMA
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 13 février 2023 à 22:12, par Sarko En réponse à : Terrorisme au Burkina : « Se connaître et connaître son adversaire, condition sine qua non pour vaincre », Amidou Yonaba

    Merci pour ton travail de recherche avec des interrogations tout de même.
    Il ne suffit pas de boire le contenu d’ un document et de venir nous reciter son contenu pour dire qu’on a des solutions à proposer. Laisses ton general chinois reposer en paix. Si sa stratégie etait bonne les japonais n’ allaient pas s’ emparer de la chine. Si tu ne sais pas ces chinois haïssent les japonais pas comme deux.
    Merci pour ton exposé mais c’ est pas arrivé.

  • Le 14 février 2023 à 07:50, par Salam En réponse à : Terrorisme au Burkina : « Se connaître et connaître son adversaire, condition sine qua non pour vaincre », Amidou Yonaba

    L’ennemi n’est ni connu, ni localisé, et n’a pas dévoilé ses prétentions...depuis tout ce temps !
    Nous avons à faire à un fantomas à moins qu’on nous cache quelque-chose !

  • Le 14 février 2023 à 09:26, par Ollo En réponse à : Terrorisme au Burkina : « Se connaître et connaître son adversaire, condition sine qua non pour vaincre », Amidou Yonaba

    J’ai le sentiment que l’ennemi a bien ficelé sa stratégie avant de commencer cette guerre. Il a d’abord étudié la mentalité de notre société et exploite judicieusement ses faiblesses. Je présume qu’il a en son sein d’éminents psychologues, sociologues et philosophes. Les gens méprisent les sciences sociales et oublient que le colon a d’abord étudié nos sociétés avant de commencer sa conquête. Ce n’est pas un fait anodin que l’ennemi ait exploité la religion et l’ethnie. Cela nous interpelle à nous interroger sur notre vulnérabilité culturelle. Il est probable que la guerre ait commencé en ville avant d’aller en brousse et que ceux qui tirent les ficelles soient toujours en ville. Nous persistons à dire que le niveau intellectuel des terroristes qu’on capture ne leur permet pas de prendre tout une nation en otage. Les embuscades ne sont pas seulement sur le terrain, elles sont légion dans les villes, sur les réseaux sociaux, dans les presses et lieux de cultes, beaucoup passant le temps à distraire et à surfer sur les émotions. Sinon pourquoi les gens aiment-ils à publier ce qu’ils peuvent porter directement et discrètement aux gouvernants ? Le font-ils à quelle fin ? Aussi, quelle leçon de civisme donnent-ils à la jeune génération lorsqu’ils se donnent la liberté de contester à tout vent l’autorité et de lui tenir des propos qu’ils n’oseraient pas tenir devant leur chef de village ou leur roi ? Enfin, il faut se demander pourquoi il y a un tel acharnement sur la complicité de la France seule alors que des suspicions de soutiens et de financements pèsent sur d’autres pays sans qu’on n’ose en parler ? Si nous refusons de nous poser courageusement les bonnes questions, on n’aura pas les bonnes réponses et le mal va perdurer par faute de bon médicament. Bravo à Monsieur Yonaba pour cet écrit.

  • Le 14 février 2023 à 10:09, par kwiliga En réponse à : Terrorisme au Burkina : « Se connaître et connaître son adversaire, condition sine qua non pour vaincre », Amidou Yonaba

    Et dans le prochain épisode : "comment reprendre le Sourou en s’inspirant de la guerre des Gaules"...

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