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Musée du Poni : Un condensé de l’histoire des civilisations du Sud-ouest

Publié le mercredi 29 juin 2022 à 22h50min

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Musée du Poni : Un condensé de l’histoire des civilisations du Sud-ouest

L’une des destinations à ne pas manquer dans la commune de Gaoua, chef-lieu de la région du Sud-ouest, c’est le musée du Poni, ou le musée des civilisations des peuples du Sud-ouest. Ce patrimoine culturel physique est un musée ethnographique qui retrace la vie des peuples du rameau Lobi. Il a ouvert ses portes le 21 décembre 1990.

Logé dans un bâtiment colonial datant de 1920, le musée des civilisations des peuples du Sud-ouest est l’œuvre d’une sœur française, Marie-Madeleine Père. Elle est arrivée au Burkina Faso avant les indépendances, et elle s’est installée par la suite à Gaoua en 1964.

Le musée du Poni est dit ethnographique parce qu’il renferme la culture de sept ethnies qui constituent le rameau Lobi du Sud-ouest (lobi, dagara, birifor, djan, gan, touni, pougouli), nous renseigne le technicien supérieur et conservateur du musée du Poni, Oumar Golané.

Le conservateur du musée du Poni, Oumar Golané

Venus du Ghana, le peuple Lobi a une culture riche et diversifiée. « Le mode de vie de cette communauté est retracé à travers plusieurs objets et photos, qui résument le rôle de l’homme et de la femme dans leur vie en communauté », révèle M. Golané.

L’initiatrice du musée du Poni, la Française Sœur Marie-Madeleine Père

La civilisation Lobi est représentée dans le bâtiment colonial en banco, dans trois pièces, explique le conservateur du musée du Poni, Oumar Golané. « La salle dédiée à la femme rappelle le rôle de la femme dans la société Lobi. On y trouve quelques objets usuels. C’est elle qui a en charge toutes les activités génératrices de revenus (poterie, vannerie, ensemencement) afin de s’occuper de la famille. La deuxième salle est dédiée aux hommes qui sont les chefs de famille et sont chargés des activités physiques, comme l’agriculture, la chasse. Les activités spirituelles (consultations) sont de leur ressort également. Enfin la troisième salle, dénommée "la salle des cultes" est un hommage rendu aux personnalités qui ont marqué la région à travers des photos », détaille le guide.

La salle de culte

Parmi ces dernières ont peut retenir Marie-Madeleine Père, l’initiatrice de ce musée, le célèbre balafoniste Nani Palé et un des célèbres rois du peuple gan, Farma Késsié. Un hommage mérité est également rendu dans cette salle, à ceux qui sont à l’origine de toutes les photos noir-blanc (qui datent de la période 1912-1934) qu’on peut trouver dans ce musée, le colon Henry Labourey (administrateur militaire) et le Suèdo–Allemand Arnaud Heins (géologue). Dans cette enceinte aussi, on trouve l’hôtel de guerre ou l’hôtel de victimes de guerre qui servait d’offrandes pour la protection des combattants avant ou après retour de guerre, l’hôtel de la fécondité... Les représentations de la célébration des funérailles, les instruments de musique (balafon, tambour, flûtes, clochettes).

Le balafon du célèbre balafoniste Nani Palé

A l’extérieur, dans la cour du musée on trouve deux types d’habitats. La première, l’habitat Lobi, appelé ‘’soukala’’, est une forteresse (les trous dans les murs servent à voir au dehors, et des flèches contre l’ennemi peuvent partir de là), parce qu’elle abrite tout ce qui appartient au chef de famille y compris les chambres, le grenier, le poulailler, l’enclos. Seule la chambre du chef de famille se trouve en haut et il veille sur la concession en sentinelle, explique le conservateur du musée de Gaoua.

L’autel de la fécondité

La genèse du projet de création du musée

La deuxième architecture, composée de cases en paille, représente l’habitat gan. Les cases de forme carrée appartiennent aux hommes et celles de forme circulaire aux femmes.

Une carcasse d’une voiture, modèle ‘’Jeep’’ attire l’attention des visiteurs au milieu de la cour. « Selon les guides de la région, c’est un véhicule qui a servi lors de la guerre d’Algérie. Le conducteur est un ancien militaire natif de la région, et c’est après que son patron ait été tué, qu’il a conduit ce véhicule de l’Algérie au Burkina en traversant le Sahel. Ce véhicule a aussi servi au chef de canton de l’époque pour le prélèvement des impôts dans les villages. Ce sont les guides de la région qui l’ont envoyé dans la cour du musée », raconte le conservateur Golané.

Un habitat lobi ‘’Soukala’’.

Après avoir vécu dans certaines localités du Burkina Faso, l’initiatrice de ce musée, Sœur Marie-Madeleine Père, se rend compte de la diversité et de la richesse de la civilisation du pays Lobi. Pour aiguiser sa curiosité, elle décide de s’installer dans la région en 1964. Elle organise des journées culturelles et arrive à collecter quelques objets culturels. Après exposition, les autorités de la révolution apprécient l’initiative et lui suggèrent la création d’un musée en 1984 pour sauvegarder et pérenniser la culture Lobi. Le bâtiment qui l’abrite actuellement avait servi d’école, de logement puis délaissé avant de servir à sa fonction actuelle.

Un habitat Gan.

La fréquentation du temple culturel Lobi à pris un coup

Ils sont nombreux ces personnes qui viennent de loin pour en savoir davantage sur le musée des civilisations des peuples du Sud-ouest. Mais cette fréquentation a pris un coup depuis un certain temps, déplore le conservateur Golané. « Avant 2013-2014, la fréquentation du musée était très importante, surtout avant la crise du Mali avec les attaques terroristes. La majeure partie des visiteurs sont des Occidentaux », regrette-t-il.

La poterie de la femme Lobi.

Les touristes occidentaux ont un circuit, ils passent par le Mali, le Burkina Faso, le Ghana, le Togo. Mais la tendance est différente actuellement, avec la promotion du tourisme interne impulsée par le ministère de la Culture, des arts et du tourisme, a laissé entendre le conservateur. « De plus en plus, des Burkinabè viennent visiter le site, tels que les scolaires, les étudiants, des particuliers. Et cela doit être encouragé, parce que chacun doit connaître sa culture, pour savoir d’où il vient, comment ses ancêtres vivaient afin d’avoir de bons repères », plaide le conservateur. Et d’ironiser qu’« on peut tout perdre, sauf sa culture ».

Pendant notre passage, nous sommes tombés sur des élèves du primaire venus visiter le musée. « Je suis venu visiter le musée parce que ma tante me l’a suggéré. Je vais dire à mes amis qui ne sont pas venus de venir faire comme moi, parce que moi j’ai vu des anciens objets qu’ils n’ont jamais vus », nous raconte Abdoul Rachid Zongo, élève en classe de CM1.

Des visiteurs devant un habitat Lobi.

L’essentiel de la culture du Sud-ouest représenté dans ce musée souffre de plusieurs maux, nous confie Oumar Golané. « La structure ne dispose pas d’un budget de fonctionnement, à part quelques subventions de la tutelle qui ne permettent pas de mener certaines activités. Aussi, l’entretien des différents habitats dans la cour peine à être fait chaque année et les spécialistes de cette technique de construction se font de plus en plus rares », soutient le conservateur Golané. Le musée est bâti sur plus d’un hectare, il y a de l’espace à exploiter avec des infrastructures comme une auberge qui peuvent générer des revenus au musée. De son avis, un aménagement dans la cour sera le bienvenu, suggère-t-il

En termes de perspectives, une campagne de collecte d’objets s’avère nécessaire auprès des populations, car Oumar Golané est convaincu qu’au sein des populations, on pourrait retrouver d’autres objets anciens de la culture Lobi afin de les sauvegarder pour les générations futures.

Boubacar TARNAGDA
Correspondant/ Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 5 juillet 2022 à 20:23, par Teoviel En réponse à : Musée du Poni : Un condensé de l’histoire des civilisations du Sud-ouest

    Merci beaucoup pour cet article. J’ignorais l’existence de ce musee. J’espere le visiter un jour. Les habitats existent encore dans nos villages.
    Aussi, Il faudrait penser a decoloniser nos musees et a nous les re-approprier. Le temps ou les europeens avaient une place centrale dans tout ce que nous faisons devrait etre revolu.

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