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Rôle des parcs agroforestiers dans la prise en charge médicale traditionnelle au Burkina Faso

Publié le jeudi 12 janvier 2023 à 16h55min

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Résumé

Les parcs agroforestiers sont des systèmes de production agricole dans lesquels les arbres sont soit sélectionnés et préservés sur les terres agricoles au moment du défrichement de la brousse, soit protégés par la régénération naturelle assistée post-défrichement. Ces systèmes traditionnels développés dans presque toutes les régions ont une importance socioculturelle, environnemental et économique. Mais c’est au plan médical que cette importance semble mieux reconnue. La présente étude vise précisément à montrer cette importance des systèmes traditionnels de gestion des parcs agroforestiers dans la santé.

Introduction

Au Burkina Faso, les paysans mettent en œuvre depuis des générations des systèmes traditionnels de gestion des terres où des arbres sont délibérément associés à des cultures dans un arrangement spatial dispersé. Ces systèmes variables d’une région à l’autre, connus sous le nom d’agroforesterie, participe à la gestion durable des ressources forestières et au bien-être des populations. L’approche agroforestière se présente donc comme une pratique judicieuse de protection des sols contre l’érosion et de maintien de leur fertilité, mais aussi un système avantageux pour les espèces de ligneux procurant nourriture, fourrage, et du bois d’œuvre ou de service. Les jachères courtes entrainent un bas niveau de matière organique et de la fertilité des sols ; la surexploitation entraine un bas niveau d’infiltration et un grand ruissellement d’eau qui sont la cause d’une érosion, de grandes pertes en éléments nutritifs et de la baisse de la nappe phréatique (Kessler et al, 1991 : 3). Ce qui fait que jusqu’à présent, les stratégies menées séparément par le secteur forestier, de 1’agriculture et de 1’élevage dans la lutte contre la désertification et dans la recherche de 1’autosuffisance alimentaire n’ont donné que des résultats mitigés. C’est dans cette dynamique que de plus en plus, des regards se tournent vers l’agroforesterie. Des études tendent à démontrer que ce système, s’il est bien maîtrisé contribue à la protection des ressources naturelles (surtout forestières), à la sauvegarde de l’environnement et au développement durable. Ce genre de développement, celui qui transforme l’être humain dans toute sa dimension, prend racine dans les rapports de l’homme avec son environnement et donc dans l’agroforesterie (Zougouri, 2008 : 156). Qu’est-ce que l’agroforesterie ?
Cette étude s’adresse aux autorités politiques et aux acteurs de la médecine traditionnelle pour une bonne gouvernance des parcs agroforestiers.
Matériels et méthodes
Dans cette étude, nous avons eu recours, aux enquêtes de terrain et à une bibliographie composée d’ouvrages et d’articles scientifiques sur la question. Les données de ces documents nous ont permis de bâtir notre réflexion autour de deux axes principaux : la définition et l’importance de l’agroforesterie.

Résultats

1.Qu’est-ce que l’agroforesterie

L’agroforesterie désigne tous les systèmes d’utilisation du territoire, qui associent des arbres ou d’autres végétaux ligneux pérennes et des productions animales ou/et végétales sur la même unité de surface (Guitton, 1994 :11). Les caractéristiques principales de ces associations sont a volonté délibérée d’établir ou de maintenir l’association : elle périclite si elle n’est pas entretenue et favorisée ;
· la possibilité de combiner arbres et agriculture dans l’espace ou dans le temps (cultures itinérantes, pâturage temporaire) ;
· des interactions écologiques et économiques positives et significatives qui se produisent entre les deux strates arborées et herbacées.
Plus complexes que les monocultures, ces associations ont souvent été ignorées par l’agriculture moderne ;
· des productions variées et, en ce qui concerne les arbres, toutes les formes de bois de feu, de service, d’œuvre ainsi que tous les autres produits tirés des feuilles, des fruits, de la sève, des racines ;
· une place importante au plan socio-culturel, dans beaucoup de sociétés, car les associations (savane arborée, bocage, jardins familiaux, . . .) sont les premières formes de mise en valeur du territoire où se sont développées les civilisations et traditions actuelles.
À partir de 1980 l’agroforesterie a été considérée comme une stratégie appropriée ayant comme objectifs principaux de contribuer :
· à la lutte contre la désertification (protection des sols, production de bois...),
· à 1 ’ a u t o s u f f i s a n c e a l i m e n t a i r e p a r 1’augmentation et la diversification de la production.
· à une production soutenue à long terme par la conservation des ressources naturelles qui
d é t e r m i n e n t l a p r o d u c t i o n a g r i c o l e (essentiellement les ressources en eau et la fertilité du sol).

Parmi les espèces ligneuses dominantes, on y retrouve le karité ( Vitellaria paradoxa), le néré (Parkia biglobosa ) et le balanzan (Faidherbia albida ). Les arbres qu’on y retrouve ne sont toutefois pas complètement domestiqués et sont conservés en raison de leurs usages multiples : alimentation des populations et des troupeaux, amélioration de la fertilité et de l’humidité des sols et médecine traditionnelle, notamment. Les parcs agroforestiers constituent une source non négligeable de produits forestiers ligneux et non ligneux, dont les populations tirent une bonne partie de leurs soins médicaux et qui s’avèrent appréciables.

2.L’importance des parcs agroforestiers

Les ressources des parcs agroforestiers revêtent donc une importance sanitaire, sociale et culturelle considérable. Cette utilité s’est manifestée plus dans le domaine sanitaire avec les variétés d’espèces végétales enregistrées dans les parcs agroforestiers. L’aspect le plus remarquable avec ces plantes c’est leur utilisation dans la médecine traditionnelle. Car tout est important. Parmi tous les avantages que les populations peuvent tirer des plantes des parcs agroforestiers, les plus importants et facilement accessibles sur toute l’année, ce sont les bienfaits sanitaires. Autrement dit c’est l’exploitation des plantes à des fin thérapeutiques qui est la plus importante et durable. Les acteurs de cette médecine traditionnelle s’appuient énormément sur ces plantes afin d’exprimer réellement leur savoir et savoir-faire au profit de la population. Chez les Dagara et bien d’autres communautés la plaie (nombril) du nouveau-né est soignée à l’aide du beurre de karité. En plus, le beurre de karité était utilisé comme support pour traiter certains maux comme la teigne, les furoncles et les brûlures. En outre, le beurre était utilisé pour les douleurs rhumatismales et les courbatures ; on massait les parties malades après l’avoir fait légèrement chauffer. Le beurre de karité était donc utilisé pour le traitement de plusieurs maux par les populations.
Les Moose et les Lyelé utilisent certaines parties des plantes issues des parcs agroforestiers pour soigner la diarrhée : les feuilles de et de Guiera senegalensis Diospyros mespiliformis, les fruits sans les graines et la pulpe du fruit d’Acacia nilotica Adansonia digitata. Tamarindus indica. L’écorce de branche de soignent l’ulcère du ventre. La recherche de la santé par l’utilisation des plantes a toujours occupé une place importante dans la vie de l’Homme au Burkina Faso pour des raisons culturelles, économiques et historiques (Hien, 2020 : 206) . Élément culturel important, les plantes ont été utilisées pendant des siècles par les populations pour se soigner.
La médecine traditionnelle et la pharmacopée demeurent la principale source de santé primaire pour 70 % de la population burkinabè Au sens du décret N°2004-. 568/PRES/PM/MCPEA/MECV/MESSRS du 14 décembre 2004, portant conditions d’exercice de la Médecine Traditionnelle au Burkina Faso, la Médecine Traditionnelle est l’ensemble de toutes les connaissances et pratiques, matérielles ou immatérielles, explicables ou non, utilisées pour diagnostiquer, prévenir ou éliminer un déséquilibre physique, mental, psychique et social, en s’appuyant exclusivement sur des connaissances transmises de génération en génération, oralement ou par écrit et sur des expériences vécues. À cet effet, les produits forestiers ligneux et non ligneux issues des parcs agroforestiers sont utilisées pour soigner divers maux (maux de ventre, diarrhée, paludisme etc.).
Les parcs agroforestiers renferment alors une grande variété d’espèces végétales, dont les écorces, les feuilles, les racines, les fleurs sont utilisées à des fin médicinales. Les arbres ont donc des fonctions de production, de service, de patrimoine et les fonctions sociales et symboliques. La maladie étant culturelle, une réponse plurielle est alors apportée à toute maladie. Ainsi, la diversité de plantes et la variabilité des thérapies proposées dans les soins ne signifieraient pas l’inefficacité des plantes utilisées ni celle des recettes élaborées. Elles traduisent plutôt une richesse culturelle puisée dans les parcs agroforestiers burkinabé. Et tous les rituels d’usage associés sont des trésors d’ingéniosité déployés par les populations.
L’engouement des populations pour ces plantes fait craindre une nouvelle forme de pression sur la végétation. Cette situation est renforcée par l’absence d’une politique de régénération des plantes médicinales et de textes réglementant leur collecte et/ou leur commercialisation. Cette volonté politique de promouvoir la médecine traditionnelle ne rime pas avec la protection des espèces végétales entrant dans le cadre de cette médecine. Depuis plusieurs décennies on assiste à une dégradation continue des écosystèmes qui ont pour effets la rareté et la disparition de certaines plantes médicinales à l’état sauvage. Les effets conjugués de facteurs anthropiques (la récolte abusive ajoutée à l’agriculture et aux feux de végétation) dans le contexte actuel de la croissance démographique, constituent une menace qui pèse lourdement sur ces plantes médicinales des parcs agroforestiers.

Dr HIEN Sourbar Justin Wenceslas
HISTORIEN
Chargé de Recherche à l’INSS/CNRST

Eléments de bibliographie
- GUITTON (J.-L.), 1994 », « L’agroforesterie ? , in Revue forestière française, XLVI – N° sp., pp.11- 16.
- HIEN (S. J. W.), 2020, « Savoir et savoir-faire féminin avec le patrimoine forestier au Burkina Faso : le cas du néré et du karité » in Actes du colloque international de Lomé des 6 et 7 décembre 2019 « Art, patrimoine et tourisme dans l’espace UEMOA : enjeux, défis et perspectives », Presses de l’IRES–RDEC Lomé-TOGO, ISSN-2303-9167, pp.195-221.
- KESSLER (J.-J.) et al, 1991, L’agroforesterie au Burkina Faso bilan et analyse de la situation actuelle, Ouagadougou, Burkina Faso, 144 p.
- Ministère d’Environnement et Tourisme, 1987, Manuel d’agroforesterie, MET, Direction de la Production, Ouagadougou, 29 p.
- NICOLAS (J.P.), 2009, Plantes médicinales pour le soin de la famille au Burkina Faso, 260 p.
· S A N O U ( D . B . ) , 2 0 1 4 , P o l i t i q u e s environnementales : traditions et coutumes en
Afrique noire, Paris, l’Harmattan, 242 p.
· ZERBO (P.) et al, 2011 « Plantes médicinales et pratiques médicales au Burkina Faso : cas des Sanan » In , n°307 ( 1 ),Bois et forêts des tropiques pp.41-53.
· ZOUGOURI (S.) 2008, Derrière la vitrine du développement. Aménagement forestier et pouvoir local au Burkina Faso, Uppsala, Uppsala Universitet, coll., « Uppsala studies in cultural
anthropology ; 44 », ill., 274 pages

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