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Procès des présumés terroristes au Burkina : Que retenir des premières audiences du TGI Ouaga II ?

Publié le jeudi 12 août 2021 à 21h49min

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Procès des présumés terroristes au Burkina : Que retenir des premières audiences du TGI Ouaga II ?

Le Burkina Faso fait face à la menace terroriste depuis 2015. La crise sécuritaire touche aujourd’hui beaucoup de régions du pays. Les garnisons militaires, les postes de police, de gendarmerie, les écoles, les mosquées, les églises sont les cibles de groupes terroristes qui n’hésitent pas à venir au centre du pays, dans la capitale pour s’en prendre à des cafés, bars restaurants, une ambassade et l’état-major des forces armées du pays.

Le Burkina Faso est en guerre, et fait face à une insurrection armée de certains de ses fils. La réponse à cette guérilla qui fait régner la terreur ne peut être unique et seulement militaire. La justice a son mot à dire et sa contribution n’est pas négligeable pour le retour de la paix et de la cohésion sociale. C’est tout le sens des audiences du tribunal de grande instance de Ouaga II qui s’est ouvert le 9 août 2021 à Ouagadougou.

Le Faso se prononce sur des actes de certains de ses fils sur la base du droit, de la morale et de la vertu. Qui sont les terroristes que les communiqués appellent par le vocable "hommes armés non identifiés (HANI)" ? Qui sont les incendiaires d’écoles ? Le procès du TGI de Ouaga II donne à voir une dizaine d’entre eux qui doivent être jugés en cinq jours. Ce procès permettra-t-il à ces jeunes gens qui ont pris les armes de réfléchir à la portée de leurs actes, et de comprendre la valeur morale du respect et de l’équité envers son prochain ?

Mettre un visage sur notre drame

Les partisans de la terreur (une dizaine en procès) peuvent être vus, à Rayongo, du côté de Karpala au tribunal de grande instance de Ouaga II. Ce sont de jeunes gens qui, pour certains, se sont engagés pour « l’amour de Dieu », au nom de leur foi, et ont été formés pour semer la terreur, d’autres ont été attirés par l’argent. Nous avons deux Burkinabè qui sont allés vivre leur « foi » ardente au Mali et se sont engagés comme combattants avec le groupe Ansar Dine et officiaient au sein de la terrible et redoutable police islamique de Tombouctou.

L’un s’est battu contre les forces armées maliennes (FAMa) et la Minusma. Il y a aussi un Malien venu au Burkina pour faire fortune et baptiser à son retour chez lui son fils. Il espérait gagner deux millions au combat. Il a été pris surveillant une cache d’armes et de motos après avoir participé à un combat lors d’une intervention de Barkhane contre l’État islamique au grand Sahara.

Les faits qui sont reprochés aux présumés terroristes sont : association de malfaiteurs en lien avec le terrorisme, attentats, dégradation de biens publics et détention illégale d’armes à feu, attaques terroristes etc. Certains ont été arrêtés par les forces de l’ordre burkinabè, d’autres par les Koglwéogo, enfin certains par Barkhane. Certains faits ont eu lieu au Mali, d’autres au Burkina.

Droit à la justice pour tous

Certains peuvent se demander si les présumés coupables d’actes terroristes ont droit à un procès. S’il n’aurait pas fallu les « neutraliser », les éliminer dès qu’ils ont été arrêtés. C’est là l’erreur à ne pas commettre. Quand on lutte contre un monstre, il faut tout faire pour rester humain, et lui montrer que l’on agit envers lui comme un frère, comme un membre de la société. C’est le philosophe allemand Nietzsche qui nous recommande cela, et il ajoute : « À lutter avec les mêmes armes que ton ennemi, tu deviendras comme lui. » La distribution des bouteilles d’eau minérale aux juges et aux présumés terroristes lors du procès va dans le sens de la fraternité, même si l’assistance ne l’a pas approuvée. Ce procès est un combat contre les terroristes avec d’autres armes, celles de la morale, de la justice.

Lors du procès, cela peut ressembler à un dialogue de sourds quand on reproche, à D.A. et N. A. qui faisaient partie de la bande qui a agressé le directeur de l’école de Bafani et sa collègue, les vols de motos, portables et somme d’argent, les accusés répondent qu’ils n’ont pas volé, mais pris un butin de guerre. Cet échange au cours du procès permet de leur proposer notre point de vue et de leur expliquer pourquoi ils sont condamnés, ils pourront méditer sur la façon de voir de la société burkinabè pendant 20 ans et sur le bien et le mal.

Les jugements en cours sont la sanction légale des fautes commises contre des individus et la société. Ce n’est pas parce que c’est eux, la loi est faite pour tous, elle est la même pour tous. C’est cet enseignement que la société burkinabè veut leur donner à eux qui ont eu des difficultés à distinguer le bien du mal.

Offrir des avocats aux présumés terroristes

Le terrorisme au Sahel, est une réalité nouvelle, et notre justice n’était pas préparée à cela. Le pôle judiciaire antiterroriste au Burkina a été créé en 2017 après les premiers attentats de Ouagadougou en 2016. Ce sont les premiers jugements en matière de terrorisme qui se font ce mois d’août pendant cinq jours concernant une dizaine de présumés terroristes. Notre justice fait ses premières armes dans un champ inconnu d’elle. L’une des insuffisances de ce procès, est l’absence d’avocats pour certains détenus. Il aurait fallu revoir nos lois pour que l’État offre à tous les prévenus une assistance judiciaire afin qu’ils puissent bénéficier du service d’un avocat.

Dans notre loi actuelle, avec un procès au niveau d’un tribunal de grande instance, l’État ne prend pas en charge les frais d’avocats commis d’office alors que les prévenus en matière de terrorisme encourent les mêmes peines lourdes de vingt ans comme au niveau de la cour d’assises pour les affaires criminelles. C’est une insuffisance qu’il faut corriger au plus vite dans notre arsenal juridique pour que les procès des présumés terroristes ne ressemblent pas à une justice expéditive sans plaidoirie d’avocats.

Il y va de l’image de notre justice et du pays, surtout en ce moment où elle passe sous les fourches caudines de l’Union européenne dans le cadre de l’extradition de François Compaoré. Il est vrai que l’affaire Norbert Zongo relève de la cour d’assise, mais Me Olivier Sur (avocat de François Compaoré) ne s’embarrassera pas de telles subtilités pour déverser des ignominies sur notre justice.

Les mouvements des droits de l’homme, les syndicats et organisations des avocats auraient aussi pu faire quelque chose pour l’assistance judiciaire aux prévenus de terrorisme, quitte à ce que les illuminés et les plus radicaux refusent leur aide. Des incidents comme des pannes de sonorisation, des mouvements d’humeur de l’escorte des gardes de sécurité pénitentiaire, ont perturbé le déroulement du procès qui a commencé en retard parfois et n’a pas pu accueillir tous les prévenus programmés. La journée du jeudi 12 août est restée blanche sans procès à cause du mouvement des GSP.

Parmi les personnes jugées, trois sont condamnées pour une vingtaine d’années de prison. Elles sont coupables, mais sont aussi des victimes du fanatisme et de notre société. Ce sont des êtres faibles qui ont des toiles dans la tête comme la possession de 70 vierges au paradis s’ils meurent pour le jihad. La société burkinabè et l’État sont responsables de n’avoir pas pu leur offrir les armes intellectuelles et psychologiques pour résister à l’extrémisme et à l’embrigadement.

On espère que ceux qui iront en prison auront la chance de comprendre le respect de la vie et des biens des autres, le respect des choix philosophiques et religieux des autres. Voilà un nouveau champ de travail qui s’ouvre pour la justice. Œuvrer pour la cohésion sociale, en travaillant dans les prisons pour la réinsertion des personnes condamnées pour terrorisme. Il faut en faire des personnes nouvelles qui ne tomberont plus dans le terrorisme et l’extrémisme.

Sana Guy
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 12 août 2021 à 20:38, par Sanou En réponse à : Procès des présumés terroristes au Burkina : Que retenir des premières audiences du TGI Ouaga II ?

    Je pense que ces procès vont passer à côté de la plaque ce qui concerne les objectifs qu’ils visent. Normalement ces procès auraient pu être utilisés pour dissuader tous ceux là qui voudraient embrasser le chemin du djihadisme. Il aurait donc fallu que des érudits de l’Islam, des imams, des cheiks soient parmi les juges pour converser avec ces malheureux djihadistes par des discussions en vue de les confondre profondément sur leur croyance profonde.

  • Le 12 août 2021 à 20:59, par KABORE En réponse à : Procès des présumés terroristes au Burkina : Que retenir des premières audiences du TGI Ouaga II ?

    Les condamnés ont entre 20 et 30 ans. On les condamne à 10-20 ans de prison. Ils sortiront donc encore très jeune, et très inspirés pour faire des dégâts au Burkina. Ces gens là ne vont jamais changer d’avis. On aurait dû les condamner à la perpétuité avec 40 ans de travaux forcés. Si vous pensez que j’exagère rappelez-vous de Capuccino.

  • Le 13 août 2021 à 00:10, par Bob En réponse à : Procès des présumés terroristes au Burkina : Que retenir des premières audiences du TGI Ouaga II ?

    Ces procès ont le mérite de donner un visage à cette calamité qui endeuille nos campagnes mais il ne s’agit que d’un visage du drame que nous vivons pour conjurer le sort il faut que nous jugions ces autres terroristes en col blanc qui détournent les deniers publics corrompent et se font corrompre et font l’apologie de l’argent facilement gagné et gaspillé en dépenses ostentatoires. La mauvaise gouvernance a semé la misère dans nos villes et campagnes et pousse la jeunesse au désespoir. On ne s’attaque pour le moment qu’aux conséquences les causes sont connues de tous mais nous jouons aux autruches. RÉVEILLONS NOUS

  • Le 13 août 2021 à 10:56, par ali baba En réponse à : Procès des présumés terroristes au Burkina : Que retenir des premières audiences du TGI Ouaga II ?

    D’accord avec Internaute Kabore, on voit en europe ce qui se passe dans les attentats, les poseurs de bombes sont en general des bandits fiches a la police mais libres de leurs mouvements, et ensuite le drame arrive par leurs actes ! Pour moi, ces grands voyoux crilinels, il faut les neutraliser, pas forcement les gigouiller mais les garder a vie au gnouf !!

    Il faut que la justice s’adapte a cette nouvelle realite !! n’en deplaise aux occidentaux si nous ne suivons pas leur logique .

  • Le 13 août 2021 à 11:11, par TANGA En réponse à : Procès des présumés terroristes au Burkina : Que retenir des premières audiences du TGI Ouaga II ?

    Quand la bêtise nous prend.
    Il fallait leur donner 50 ans de prison chacun vue que la peine de mort n’existe plus chez nous.
    Vous savez, ceux des leurs qui suivent ces jugement auront à l’esprit qu’il vont ressortir jeunes et ou les leurs vont aller les libérer. Ils n’auront donc pas peur d’aller dans le terrorisme.
    Mettez vous à la place des parents des victimes, que vont ils êtres ou dire ?Dans 20 ans, ces bandit de moins de 20 ans auront environ 40 ans et iront dans les même lieux que les enfants des victimes. Imaginez ce qui pourra ce passer.
    Ce qui a été fait au tribunal veut dire aux parents des victimes ceci : Écoutez, ils ont tué vos proches qui devaient s’occuper de vous ; mais nous leur donnons seulement 20 ans de prison. Après ils deviendrons de bonnes personnes et vous vous baladerez ensemble. Vous leur direz que votre papa a donné sa vie pour que le pays puisse continué d’être et qu’il vous a donc quitté jeune et vous ne l’avez pas connu, vous avez galéré pour arriver là où vous êtes. Et lui vous dira qu’il a failli à sa mission de destruction du pays mais qu’il a pu tué quelques personnes et que maintenant qu’il est mûr, il pourra réussir sa destruction. C’est ça !
    Autre chose, la justice Burkinabè est en train de transformer des jeunes en futurs tueurs puisque vous refusez de vous charger des terroristes, les victimes du terrorisme s’en chargera dès que ces bandits sortirons de prison.
    Regardez du côté de l’Afganistan, les traducteurs des armées américaines quittent le pays avec leurs familles car les talibans les considèrent comme alliés des américains que eux prennent pour des terroristes.
    Ici ce sont les vrais terroristes que l’on veut garder en vie et dehors plus tard.
    WAIT AND SEE !

  • Le 13 août 2021 à 11:27, par lewang En réponse à : Procès des présumés terroristes au Burkina : Que retenir des premières audiences du TGI Ouaga II ?

    Le coté pédagogique de ces procès est passé à coté puisque ces prévenus n’ont rien compris de ce qu’on leur reproche : au contraire ils ont la possibilité d’étaler leur ignorance qui risque même de convaincre certains esprits faibles de rejoindre les rangs de ces gens ; il aurait fallu trouver un moyen de les confondre dans leur croyance et les amener à se repentir durant la détention préventive par la déradicalisation . Autrement on aurait du ne pas leur permettre cette occasion de s’enfoncer dans l’obscurantisme.

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