Actualités :: Burkina Faso : "Une démocratie à la gachette facile"

"Une nouvelle citoyenneté dans un environnement de malhonneté". C’est le titre initial de cet article de Jonas Hien. Il passe en revue la place de l’élu et le rôle du parlementaire dans le processus démocratique. Il y a, dit-il, quelque chose de pourri dans la "maison Burkina Faso".

Au Burkina Faso, chaque Burkinabè, hommes et femmes, jeunes et vieux, est un maire, un député, un préfet, un haut-commissaire, un gouverneur, un ministre, un gendarme, un policier et même que chacun des 12 millions de Burkinabè que nous sommes est le Président du Faso. C’est dire que moi aussi, je suis Président du Faso. Mais si le Président Blaise Compaoré est le seul a s’asseoir aujourd’hui dans le fauteuil présidentiel, c’est parce que tout le monde ne peut pas s’asseoir dans le fauteuil en même temps. Ce n’est pas un très long banc.
De même, si tous les Burkinabè ne peuvent pas exercer toutes les fonctions ci-dessus citées a la fois, c’est pour des questions d’organisation sociale, donc d’ordre et de discipline.

La société le veut ainsi pour plus d’harmonie et de cohésion dans la cohabitation. Il faut éviter le désordre. C’est pourquoi des gens sont choisies pour représenter les autres citoyens a divers niveaux et travailler dans le sens des intérêts de la majorité, c’est-à-dire des mandants. C’est ce qui explique l’existence des maires dans les communes ou élus locaux et des députés appelés aussi parlementaires pour ne prendre que ces exemples.

Le choix de ces personnes ne signifient point qu’elles ont un mérite particulier par rapport aux autres citoyens mais une simple question de discipline sociale.
Pour mieux défendre les intérêts nationaux, une étroite collaboration entre maires et députés est plus qu’une nécessité. C’est en cela que la récente rencontre, a Ouagadougou, entre élus locaux et parlementaires sur le thème "Place et rôle de l’élu dans l’émergence d’une nouvelle citoyenneté" trouve tout son intérêt. Dans d’autres tropiques, ce thème ne susciterait pas de commentaire. Mais ramené dans le contexte du Burkina Faso, il faut en sourire et s’interroger sur la place et le rôle véritables des élus dans l’émergence d’une nouvelle citoyenneté.

La place de l’élu

Je voudrais seulement m’intéresser aux parlementaires. Ce sont eux qui forgent plus l’avenir et le devenir du pays par le vote des lois. Les maires ont trop de problèmes de parcelles. Laissons-les donc tranquilles. Le MATD s’en occupe. La place du député dans la cité est fort simple. Le député doit être en contact permanent avec les populations, recueillir leurs avis et surtout connaître leurs problèmes.

Il doit savoir si l’éducation des enfants du pays répond à l’attente de la société nationale, si les travailleurs sont dans de bonnes conditions de travail pour mieux produire les richesses nationales, si quelque chose de concret est fait pour les jeunes, si les étudiants étudient dans de bonnes conditions, eux (les jeunes) qui sont la relève, si la santé des populations est bonne, si les forces de sécurité ont le moral haut pour assurer la quiétude aux populations. En somme, si la majorité du peuple approuve la politique de gouvernance en place.

La rôle du parlementaire

Appelé à voter les lois et à contrôler l’action du gouvernement, le député doit donc être un Homme bien informé des réalités du pays. C’est la connaissance du terrain qui détermine son choix en faveur ou contre tel ou tel projet de loi. C’est pourquoi, outre sa place au sein des populations, le député a encore une autre place. Celle qui est son siège a l’Assemblée nationale mais cette fois-ci pour jouer son rôle. Ce rôle est tout aussi simple. Il s’agit de prendre sur lui les problèmes des populations et se battre pour leur trouver des solutions idoines. Et quand on est engagé a défendre les intérêts de tout un peuple, on le fait sans complaisance. C’est dire que le contrôle de l’action du gouvernement se fait avec mine serrée pour se faire prendre au sérieux.

Pour une nouvelle citoyenneté

En mettant en avant les intérêts du peuple dans toutes ses actions, le député sera forcément un modèle, digne d’un représentant du peuple, inspirant confiance et imposant un changement positif de comportement au sein des jeunes. C’est ça, forger une nouvelle citoyenneté. Malheureusement, au Burkina Faso, la réalité est tout autre.

On m’a conseillé de parler en paraboles dans mes écrits. Le seigneur lui-même parlerait en paraboles. Ce régime aime tout sauf la vérité, semble-t-il. Je comprends les uns et les autres et j’en suis conscient. Je sais aussi que nous sommes dans une démocratie à la gâchette facile et dans un pays aux accidents provoqués. Mais il n’y a pas de paraboles qui tiennent quand on veut forger une nouvelle citoyenneté dans un environnement de malhonnêteté généralisée et de mensonge érigé en système de vie. Pas de paraboles quand les richesses nationales sont volées ou pillées, quand les populations sont dans une paupérisation jamais égalée, quand il existe des sous citoyens et de super grands qui bafouent la morale des autres.

Tout cela avec une certaine complicité de ceux qui sont sensés défendre les intérêts des citoyens ; c’est-à-dire, ces députés préoccupés par la comptabilité des perdiems. En effet, lors de la deuxième conférence des Comités de Défenses de la Révolution (CDR) à Dédougou, sous le thème "De l’économie nationale indépendante", le Président Thomas Sankara l’illustrait en ces termes : « (...) Même à l’époque où des Hommes étaient payés pour parler, discuter dans une Assemblée nationale, on n’avait pas posé les problèmes du peuple autant que maintenant. Là-bas, les Questeurs et autres racketteurs s’occupaient beaucoup plus de la comptabilité des perdiems que des décisions en faveur du peuple... »

Aujourd’hui encore, on ne peut mieux dire et la récente augmentation "légale" des indemnités de sessions des Honorables Députés ajouté à leur comportement depuis des années montrent qu’ils sont loin, très loin d’inspirer une quelconque nouvelle citoyenneté. En claire, vous n’êtes pas des exemples. Vous ne contrôlez rien du gouvernement.

C’est le gouvernement qui vous contrôle. Vous savez très bien que ce pays va à vau l’eau. Les paysans souffrent, les travailleurs sont dans des conditions difficiles, les jeunes sans emploi sont devenus des "enfants de (et dans) la rue", les forces de sécurité ne sont plus prêts à donner leur vie car, disent-elles, elles n’y gagnent rien. L’amour de la patrie, cette fierté révolutionnaire du Burkinabè a foutu son camp. Mais on vous sent beaucoup plus du côté du gouvernement que des populations. Etre représentant, c’est faire corps avec le peuple.

"Un suspect à surveiller de près"

La gouvernance actuelle au Burkina Faso n’est pas bonne. Et il n’y aura pas de nouvelle citoyenneté tant que nous allons continuer avec cet environnement de mensonge à tous les niveaux. Une personne qui se veut honnête aujourd’hui au Burkina Faso se présente comme un « sérieux suspects ». Si tu ne veux pas faire comme les autres, c’est que tu veux dénoncer les autres.

Alors tu es un suspect à surveiller de près. Un jeune ressortissant de Dissin se serait fait tirer les oreilles par les "bonnes consciences" logées à Ouagadougou pour avoir décrit dans la presse la situation de famine qui prévalait dans cette région. Ses oreilles ont été tirées pour que ça s’ouvre largement et qu’il comprenne bruyamment que dans cette cité, on est en train de forger une "nouvelle citoyenneté".

Et ça se fait avec la langue en l’envers. Dr Ghâanè Hien, Ecoloque, a dans le même registre, traduit dans le journal "Le Pays" la réalité pluviométrique cette année dans la région du Sud-Ouest même si malheureusement il n’a pas pris en compte les provinces du Poni et du Noumbiel par manque de données en sa possession. Mais il se trompait d’époque ou la vérité était "révolutionnaire".

Alors, il s’est vu rappeler à l’ordre par un autre frère, Sami André Pooda, Conseiller FJA, toujours à travers le journal "Le Pays". Et pourtant, la vérité était celle décrite par le précédent. Voilà dans quel contexte les élus locaux et nationaux sont soucieux d’avoir au Burkina Faso des citoyens honnêtes, véridiques et patriotes à l’avenir. Et comme l’avenir dépend du présent, il y a de quoi s’en inquiéter.

Jonas Hien

Le Pays

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