Actualités :: Aide publique aud développement : A quand le TGV Ouaga-Bagré ? (...)

Après dix années passées au Burkina, un couple de coopérants canadiens en fin de séjour dans notre pays nous livre, dans les deux écrits suivants, ses sentiments au moment de quitter la "Patrie des hommes intègres". Des textes qui ne manquent pas d’humour ni de piquant.

Vendredi, 22 juillet 2005

Chers collaborateurs,

"De tous les souvenirs que nous emporterons du Burkina, un demeurera à jamais intarissable : celui des millions de Burkinabé démunis dont le combat quotidien pour la survie commence au lever du soleil. Cette forêt humaine est le socle justificatif de ce qu’il est commun d’appeler l’aide publique au développement.

Il y a 20 ans, une formation pré départ dispensée par le « CECI », ONG canadienne, nous prévenait du choc à venir dans notre pays d’affectation. On nous mis en garde de ne pas se surprendre de l’écart entre riches et pauvres. Nous n’avons pas été déçus.

Naïfs, nous assimilions ce conseil à la hiérarchie sociale liée au sous-développement économique. Compétents, bosseurs et entrepreneurs, en minorité, ils devaient occuper des positions dominantes. Quant aux autres, analphabètes, sans formation et démunis, ils subissaient leur sort de déshérités.

La réalité nous rappela à l’ordre. Les bénéficiaires de la coopération ne sont pas ceux que l’on prétend aider, mais bien la faune qui gravite autour des sommes colossales englouties dans cette lutte paradoxale contre la non-richesse.

La plus grande surprise qui nous attendait était l’apathie des intervenants autochtones et étrangers à voir changer les conditions des masses laborieuses, pour plagier un auguste Burkinabé.

Il existe une collusion tacite entre donateurs et récipiendaires, où les intérêts individuels dominent les bénéfices collectifs. On concocte inlassablement les mêmes recettes aux mêmes maux. La coopération internationale a développé une dialectique par laquelle s’exprime de moins en moins d’idées avec de plus en plus de précision.

Un stade climatisé à Ouaga 2000

Les bailleurs font de remarquables efforts pour identifier les besoins. Comment ne pas être admiratif devant la décision d’un bailleur asiatique de construire un stade climatisé à Ouaga 2000. Consultations et études pointues le conduisent même à assurer le financement d’un Centre de Repos et de Remise en Forme à Bagré (*).

Structure d’accueil essentielle pour admirer la bucolique savane de l’est du Burkina. Il faudra compter sur la prochaine révision de programme pour la construction d’un TGV entre les deux sites. Il permettra à ce tourisme champêtre d’assister à un match de tennis au stade sans devoir se taper un épuisant trajet routier.

Qui rend possible ces organisations de la générosité ? Comment les agences multilatérales, les coopérations bilatérales réussissent-elles à canaliser toutes ces ressources financières ?

Comment trouver une terre d’accueil propice à cette assistance technique, à cette volonté d’aider, d’appuyer, de laisser des traces ? Où trouver un interlocuteur-bénéficiaire, un intermédiaire fiable, un trait d’union respectueux pour un transfert nord-sud équitable ?

Vous connaissez Museveni, Bongo, Biya, Eyadema... et j’en passe

Qu’ont ces personnages en commun ? Les plus malins me diront que ce sont tous des chefs d’Etat. Bonne réponse, mais ils sont également tous citoyens de pays où : • La Constitution doit être révisée au même rythme que les mises à jour de Windows ; • la démocratie est à parti unique ; • il opère un changement drastique sous l’impulsion des projets sur la bonne gouvernance ; • ils ont fait de leur présidence un véritable sacerdoce, acharnement et continuité.

Ils ont bien assimilé le dogme libéral sur la circulation des capitaux, de banques locales vers les paradis fiscaux. Ils disent incarner la nation ; le slogan de la LONAB est révélateur : "Les lots aux heureux gagnants, les bénéfices à la nation entière".

Je me permets de m’exprimer avec autant de légèreté sur un sujet aussi catastrophique. Nous ne voudrions surtout pas vous laisser sur une note pessimiste.

Le Burkina a peut-être une chance inouïe. Devenir le premier pays africain à connaître un chef d’Etat féminin. Le Capitaine du Faso n’a-t-il pas uniquement un ayant-droit de sexe féminin ?

Elle alla rejoindre son vieux bouc expérimenté

Je ne voudrais pas prendre congé sans vous faire quelques confidences : Ce qui me chagrine : • Les dignitaires sous la bâche et les populations rurales sous le soleil de plomb. • Voir naître de nouvelles laiteries sous l’injection de fonds frais pendant qu’on liquide celles qui ont épuisé leurs fonds de départ. • Le risque du « jamais deux sans trois » au moment où s’achèvent les travaux du deuxième siège du FESPACO. • Dans un contexte aussi dramatique, médias, intervenants, partenaires ne cessent de vanter les mérites des politiques de l’Etat. On se congratule, on se félicite, on se réjouit, on donne des médailles, on lève son verre, on coupe un ruban, on plante un arbre...

Enfin, permettez-moi une dernière contribution au PAF. En panne d’idées pour narrer sur le GED, notre chargé de projet à Montréal lançait un appel au secours pour remplir la dernière rubrique de son rapport final. Je lui laisse le soin de juger si cette histoire vécue est stratégique pour enrichir les leçons apprises : la fille d’une amie adopta un petit bébé burkinabè, cédé à une institution par sa mère biologique à l’âge de 12 jours.

Ce petit être était le produit d’une première grossesse. Cette jeune dame avait été traditionnellement donnée en mariage à un vieux du village. Avant de procéder à son devoir ancestral, elle eut le mauvais réflexe de consommer son amour avec le jeune homme de son choix. Pour sauver l’honneur, elle devait abandonner son enfant et son compagnon d’égarement. Elle s’exécuta et alla rejoindre son vieux bouc expérimenté.

Cette histoire, on ne peut plus « GED », connut une fin heureuse. Une généreuse blanche, incapable d’enfanter, pourra dorénavant développer son amour maternel. Vous me voyez à quelques jours du départ avec un seul regret. J’ai le sentiment d’avoir reçu beaucoup plus que je n’ai pu donner. Vous m’excuserez auprès des autorités « compétentes » de n’avoir pu ni transférer un savoir-faire ni verser les ressources financières, aussi rapidement que l’on l’aurait souhaité.

Lise et moi vous remercions tous pour cette soirée, pour votre collaboration, pour votre compréhension. Nous vous en sommes reconnaissants.

Bonne soirée

Lise et moi

(*) L’Observateur, 13 juillet 2005

Observateur Paalga

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