Actualités :: Humeur : Ce haut-parleur de la mosquée de Bendogo

Nuisances sonores, interruption brutale du sommeil au matin, somnolence d’élèves en classe, échec scolaire. Voici présenté dans le présent écrit, le lot quotidien des habitants des environs de la mosquée du quartier Bendogo du fait de puissants haut-parleurs, qui relayent très tôt le matin les cris du muezzin.

Dans sa lettre ouverte que nous vous proposons in extenso, madame Rosalie Lankoandé, résidant audit quartier, interpelle les autorités compétentes pour que soit respecté ce qu’elle a appelé "le droit de chacun à la quiétude", "sans cela, prévient-elle, ces abus produiront des animosités qui ne trouveront d’autre exutoire que celui de la violence. Une affaire qui vient rappeler une autre qui a eu lieu en France et dans laquelle un industriel a esté en justice contre un éleveur, pour nuisances sonores causées par les clochettes suspendues aux cous des brebis.

Je viens par cet écrit attirer votre attention sur une situation qui, si elle n’est pas solutionnée, risque de perturber gravement la cohésion sociale. Je suis une enseignante vivant au secteur 28 de la ville de Ouagadougou, plus précisément dans le quartier nommé Bendogo.

Il n’y a pas longtemps de cela, un commerçant aurait remis du matériel de sonorisation composé de haut-parleurs, d’un amplificateur et d’un microphone à la mosquée du quartier. Ce matériel très puissant a été remis par le donateur en guise de remerciement à Dieu pour les bienfaits dont il a bénéficié dans ses affaires.

Des musulmans préfèrent souffrir le martyre que de dire leur désapprobation

Jusque-là, rien d’anormal à ce qu’une personne appartenant à une communauté déterminée apporte une aide quelconque au développement des œuvres de celle-ci ; là où il y a problème, c’est que ce matériel a échu dans les mains d’individus qui en font un usage révoltant.

Chaque matin, ces individus se mettent à vociférer dans les haut-parleurs placés sur le minaret de la mosquée ; quiconque peut, s’il le désire, procéder à la vérification de mes propos. On entend les sons de cette mosquée jusqu’à Saaba, localité située à la périphérie est de la ville et pourtant distante du quartier Bendogo ; c’est vous dire à quel point les habitants des environs subissent au quotidien ces nuisances sonores.

Le comble, c’est qu’à 4 heures du matin, le muezzin se met à crier dans les haut-parleurs pour ensuite être relayé par l’imam lui-même jusqu’au lever du jour. N’importe quel habitant des alentours de cette mosquée vous le confirmera, musulmans y compris ; ces derniers préférant d’ailleurs souffrir le martyre que de dire leur désapprobation aux responsables de la mosquée et passer ainsi pour de mauvais fidèles.

Toute personne honnête ne dort véritablement bien dans nos contrées tropicales et très chaudes que vers le matin. Ignorer qu’il y a au sein des populations des travailleurs qui ont besoin de se remettre de leur fatigue quotidienne afin d’être d’aplomb pour honorer leurs obligations professionnelles, c’est faire preuve de mauvaise foi ou tout simplement d’égoïsme ; de plus, tout le monde n’est pas concerné par ces activités religieuses très matinales.

Beaucoup reconnaîtront avec moi que la plupart des individus auteurs de ces tapages matinaux sont âgés ou au chômage ; ils retournent donc simplement se coucher chez eux au lever du jour et restent allongés à l’ombre des arbres toute la journée. C’est pourquoi, ils ne ressentent pas les conséquences des nuisances sonores qu’ils causent aux autres.

Les puissants décibels ont fait échouer ma fille au BEPC

Certaines personnes du quartier, moi y compris, avaient pris contact avec la mairie afin qu’elle fasse respecter notre droit à la quiétude ; les services contactés auprès de cette institution nous ont dirigés vers la Police municipale située au rond-point de la Patte d’Oie.

Là, les policiers après avoir pris note sont venus à plusieurs reprises inviter les responsables de la mosquée à baisser le volume du son ; ceux-ci obtempèrent chaque fois et disent avoir compris, mais dès le lendemain, ils remettent le volume à fond. Las de sensibiliser des individus qui n’ont pas de parole, les policiers ont aussi abandonné !

Ma fille vient d’échouer à l’examen du BEPC du fait qu’elle étudiait et se couchait tard pour être aussitôt réveillée par les puissants décibels des haut-parleurs de la mosquée. N’ayant pas pu tenir le coup et bien qu’elle soit une bonne élève, elle a craqué dans le troisième trimestre de l’année ; sa scolarité s’est soldée par un échec.

Ses frères cadets ne sont pas épargnés, car leurs enseignants se plaignent aussi que les enfants dorment en classe ; convoqués chez le directeur, ils disent tous être réveillés très tôt chaque matin par les bruits de la mosquée et n’arrivent plus à se rendormir.

C’est pourquoi, je lance un appel aux autorités nationales afin qu’elles œuvrent à ce que les droits de chaque citoyen soient respectés ; nul ne peut au nom de sa foi imposer des nuisances interminables à une population hétérogène sans que cela dégénère, à défaut de consensus, en affrontements violents.

Tout le monde sait que la particularité des mosquées est qu’elles sont généralement contiguës aux habitations, d’où la nécessité pour les pouvoirs publics de faire cesser tous les abus, sources de nuisances sonores. Pour cela, il faudra que les sonorisations soient exclusivement internes et non externes pour l’ensemble des lieux de culte sans distinction de religion.

Les habitants des environs de cette mosquée, (ceux de confession musulmane compris) disent que l’attitude des responsables de la mosquée de Bendogo ne donne pas une bonne image de l’islam qui est une religion de tolérance, de paix et de bonne cohabitation avec tout le monde.

Moi j’ajoute qu’en matière de religion, personne n’a converti personne de force ; la personne qui opte pour vivre sa foi dans une religion déterminée l’a fait de son libre choix. Il est donc inutile de crier des heures durant dans des haut-parleurs dirigés sur une société multiconfessionnelle, car chacun doit tout faire pour vivre sa foi sans attenter aux droits élémentaires des autres.

C’est semer dans notre société paisible les graines d’une discorde

Les différentes autorités concernées devraient prendre en compte ce problème qui n’est pas un cas isolé dans notre pays sans attendre que l’irréparable ne se produise avant de chercher à légiférer dans ce sens. On sait qu’il est courant dans notre pays de toujours réagir après coup comme c’était le cas récemment avec l’éboulement survenu à la mine d’or de Poura, mais pour un problème aussi grave qui, chaque jour, prend de l’ampleur, il urge de trouver une solution.

Sans cela, au finish les effets ainsi cumulés de ces abus produiront des animosités qui ne trouveront d’autre exutoire que celui de la violence. C’est pourquoi, je réitère ma proposition aux autorités ; celle d’oeuvrer à ce que dans tous les lieux de cultes (musulmans, chrétiens, protestants etc.) le dispositif de sonorisation se place uniquement à l’intérieur pour permettre uniquement aux personnes présentes sur place d’entendre les prêches.

Il n’est pas obligatoire pour tous ceux qui ne sont pas dans des édifices religieux d’entendre à leur corps défendant ce qui y est dit sinon nos rues aussi seraient des lieux de culte. Le Burkina Faso est un pays où cohabitent en bonne entente plusieurs communautés ethniques et religieuses toutes différentes les unes des autres.

Dans notre pays, au sein d’une même famille, on trouve des personnes de religions différentes qui vivent en parfaite harmonie dans le respect mutuel. Tout le monde est conscient que cette cohabitation harmonieuse est un trésor à préserver, c’est pourquoi l’héritage de la parenté à plaisanterie est précieusement et unanimement préservé et pérennisé.

De nos jours, certaines personnes ont fait de la religion un fonds de commerce et n’hésitent pas à bafouer les règles minimales de vie en société pour arriver à leurs fins. Ce n’est pas en criant à un niveau de décibels insupportable dans des haut-parleurs qu’on attire de nouveaux fidèles ou qu’on étale sa foi. Faire du prosélytisme de cette sorte, c’est semer dans notre société paisible, les graines d’une discorde et d’une fracture sociale inévitable.

Lankoandé Rosalie,
Enseignante résidant au secteur 28
Ouagadougou, quartier Bendogo

Observateur Paalga

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