Actualités :: Débat sur la "dépolitisation des bonnets rouges" : Le chef traditionnel (...)

Après l’écrit d’un lecteur réclamant la "dépolitisation" des chefs traditionnels, nous avons reçu cette réaction du Poe Naaba Tanga, qui explique en quoi la tradition et la modernité peuvent se marier harmonieusement.

Le quotidien "Le Pays", dans sa livraison du 15 mai 2006, numéro 3619, a publié dans sa rubrique « Opinions plurielles » un article signé d’un quidam qui se fait appeler Sid Zabda et qui s’intitulait « Dépolitiser les bonnets rouges ». C’est en réaction à cet écrit que je vous adresse cette note pour faire valoir de droit réponse. Mais avant tout propos, je tiens à préciser que ma réaction ne saurait constituer une réponse officielle de la chefferie coutumière et traditionnelle du Burkina. Mon propos n’engage que moi, tout comme celui de Sid Zabda n’engage d’ailleurs que lui seul.

Notre ami Sid Zabda commence son article par des termes on ne peut plus clairs : « S’il y a un fait qui paralyse l’implantation de la démocratie au sein des populations en dehors de la pauvreté et de l’analphabétisme, c’est bien l’influence des Nanamsé ... » A l’analyse, on voit bien que Sid Zabda assimile la chefferie à de grands fléaux tels la pauvreté et l’analphabétisme. Il semble ainsi appeler le gouvernement et ses partenaires, la société civile et les populations, à mettre en place un Cadre stratégique national de lutte contre les Nanamsé, à instituer des comités ou des groupements d’éradication de la chefferie traditionnelle. Comme cela se fait habituellement pour tous les fléaux. Je vois déjà des pancartes avec des slogans comme "Boutons les Nanamsé hors du Burkina".

Sid Zabda, vous ne « dénigrez » pas « ces sages aux bonnets rouges » mais en appelez à une haine contre eux. S’il y a un fait que Sid Zabda ignore, du fait peut-être de sa jeunesse (jeune citoyen) c’est que pour terrasser son adversaire, il faut le connaître. Je me propose donc, dans la limite de mes possibilités, d’aider notre ami à apprendre plus de la chefferie coutumière.

Si jadis le chef "était la lumière, le chemin et la vérité, le père des aveugles et des lépreux, des riches et des pauvres, de toutes les couches sociales, il était le gardien de l’unité des populations et des valeurs socioéducatives et culturelles", il détenait aussi le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire. En somme, il avait un rôle eminemment politique. Pourquoi aujourd’hui, et en vertu de quoi, notre ami nous dénie un droit sinon un devoir à nous ancestralement dévolu ? Encore que nous vivons dans un Etat républicain, doté d’une Constitution qui s’applique à tous les citoyens jeunes ou vieux ?

La réponse se trouve dans les propres propos de notre très cher ami Sid Zabda. En effet, il demande aux Nanamsé de trancher entre tradition et modernité : « Aujourd’hui, nous sommes en face d’une race de jeunes Nanamsé qui ne sait plus faire la différence entre tradition et modernité... »

"Nanmsé, à vos marques !"

Monsieur Sid Zabda, permettez-moi de vous rappeler que nous vivons dans un Etat souverain, donc un gouvernement, un territoire unique et indivisible, une population. Opter intégralement pour la tradition, c’est choisir de se mettre en marge de cette société. Votre solution condamnerait la chefferie à errer à la conquête de nouveaux territoires ou à défier les lois de la république. Solution tout à fait suicidaire, à un moment où tout le monde cherche à faire du mariage de la tradition et de la modernité, le moteur d’un développement durable. Il est vrai que tout choix peut être contestable mais doit être respecté. Je respecte donc votre choix mais ne le partage pas.

Jadis, le chef incarnait les aspirations profondes de ses populations. C’est ainsi qu’aujourd’hui le chef est à la fois porteur de valeurs anciennes et de valeurs nouvelles de promotion des droits humains. Il devient donc évident que l’Assemblée, les partis politiques, les associations... sont des tribunes modernes qui s’offrent aux Nanmsé de parler, de demander sinon d’exiger au nom de leurs populations.

Il est vrai que la chefferie est plurielle et diversement appréciée. Mais en dépit des mutations que la chefferie a connues depuis la colonisation en passant par les différents régimes qui se sont succédé, elle conserve une certaine présence et constitue une référence pour les masses. Dès lors, beaucoup de nos concitoyens aspirent et conspirent à la nuire.

Cela m’amène à me demander pourquoi notre ami Sid Zabda s’évertue à présenter la chefferie comme l’ennemi public numéro 1. Sid Zabda a bien une piètre vision de la politique et des politiciens. Je cite : « Le politicien, lui, ne cherche que son bétail électoral par tous les moyens ». Je conçois la politique comme un moyen offert aux citoyens de donner leur avis sur la marche de la cité, et de contrôler ou de sanctionner l’action des gouvernants. Dans cette vision, tout citoyen a le devoir, sinon l’obligation, de faire la politique. Notre ami voudrait-il tromper et dégoûter la jeunesse de son pays ? Et dans quel dessein ?

Très cher ami Sid Zabda, votre écrit a cependant l’avantage d’attirer l’attention de la chefferie, car dans tous les pays et à tous les niveaux, il existe des brebis égarées. Cependant, certaines de vos allégations, que je n’ose pas ici citer, n’engagent que votre conscience. J’ose aussi croire que cet écrit n’est pas le début d’une vaste campagne de dénigrement et d’abattage de la chefferie coutumière et traditionnelle du Burkina. Alors Nanmsé, à vos marques !

Sid Zabda est bien significatif, et j’espère que vous répondez à l’appel de votre nom.

Soyez rassuré, je suis un parfait inconnu sur la scène politique nationale.

Veuillez recevoir, monsieur le Directeur de publication du quotidien "Le Pays", l’expression de mon déférent respect.

Poé Naaba Tanga

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