Actualités :: Chefferie traditionnelle : "Dépolitiser les bonnets rouges"

Parler de la chefferie traditionnelle n’est pas chose aisée. Mais ce lecteur a osé franchir le pas parce que ne pouvant plus supporter la politisation excessive des chefs moosé en particulier. Voici son point de vue sur la question.

S’il y a un fait qui paralyse l’implantation de la démocratie au sein des populations en dehors de la pauvreté et de l’analphabétisme, c’est bien l’influence des Nanamsé, c’est-à-dire des chefs coutumiers sur l’électorat burkinabè.

Il ne s’agit pas pour moi ici, jeune citoyen et observateur de la scène politique nationale de dénigrer ces sages aux bonnets rouges, mais d’attirer leur attention sur certaines de leurs attitudes politiques et sociales peu honorables.

Je m’excuse auprès de ces derniers et des anciens car dit - on « yâag nin peelame, la a ka ne yiig ye » : l’enfant a des yeux blancs mais il ne voit pas assez loin.

Jadis, le Naaba (chef) incarnait le « Bon Dieu » sur la terre. Il était la lumière, le chemin et la vérité. Père des aveugles et des lépreux, des riches et des pauvres, de toutes les couches sociales, il était le gardien de l’unité des populations et des valeurs socioéducatives et culturelles. Et pour tout cela, ses sujets lui devaient beaucoup de respect et de considération. Personne n’osait l’appeler par son prénom.

Aujourd’hui, nous sommes en face d’une race de jeunes Nanamsé qui ne sait plus faire la différence entre tradition et modernité, dignité et richesse. Des chefs coutumiers qui ignorent les valeurs moosé et leur rôle dans la société démocratique.

Conséquence, la chefferie traditionnelle n’offre aux citoyens que des spectacles de désolation et de honte, favorisés par une politique mercantile généralisée. Nombreux sont des Nanamsé qui se hissent au podium de la corruption. Des meetings politiques sont organisés dans des palais suivis de démonstrations de pas de danse et quelle danse encore ! Au cours de certains meetings, des Nanmsé ont ôté leurs bonnets en remplacement de képis de partis politiques. Quel sacrilège ! Quelle humiliation !

Alors, le Naaba de toute la communauté est devenu celui des militants de son parti. Les non-alliés sont implicitement marginalisés et ne peuvent bénéficier de son assistance. Comme par exemple lorsqu’en 2005 des travailleurs sont allés voir un des hauts dignitaires de la chefferie moaga à Ouagadougou pour parrainer un événement sportif et culturel en province, celui-ci n’a pas hésité à demander leur bord politique avant d’accorder son avis.

Des rencontres politiques de chefs coutumiers sont organisées à l’approche des élections, rencontres au cours desquelles des moyens de déplacement et autres présents sont distribués avec des menaces de retraits de bonnets aux chefs rebelles. Toutes les cérémonies sont décorées de bonnets rouges et certains Nanamsé ne se gênent pas publiquement d’avaler des morceaux de viande et d’ingurgiter des bouteilles de bière. Pire, des chefs se sont faits frapper le bonnet au vent, pour des banalités politiques.

"Le bonnet est sacré !"

Ce sont là quelques comportements qui font honte à la chefferie moaga, aux Moosé et à leurs ancêtres.

Je sais que le LarIé - Naaba Abga (paix à son âme), s’il vivait, ne dirait pas le contraire.

Honorables Nanamsé, où avez-vous mis le « burkindi », c’est-à-dire le sens de l’intégrité, de l’honneur, de la dignité et de la justice de vos parents et de vos aïeux que tous les griots ne cessent de chanter et qui faisait la fierté du peuple moaga ?

« Burkin ka wend a saamha , a wend a yaaha : l’homme intègre ressemble à son père où son grand-père », dit-on dans la sagesse moaga. Que chaque Naaba se pose la question de savoir à qui il ressemble en matière d’intégrité ?

Ce qui est évident, certains se rendront compte qu’ils doivent aller à l’école du NAAM (chefferie moaga) à Gambaga pour se recycler avant de revenir car à ce rythme, la chefferie coutumière risque de devenir l’ennemi numéro un de la démocratie et un facteur de division sociale.

Je m’excuse de nouveau auprès des anciens et de tous ceux qui se sentent concernés car la vérité rougit les yeux. Mais en digne moaga, je ne peux pas rester indifférent face à cette déviation calamiteuse.

Juger, c’est en même temps trouver des solutions justes et conformes à une situation. A mon humble avis, le Naam n’est pas le pouvoir d’un individu qui se permet de faire ce qu’il veut. Le Naam est un corps de règles, de convenances ou de valeurs morales éducatives, sociales et organisationnelles.

C’est dire donc que le Naaba doit avoir en lui des valeurs de références positives dans la société. Son bonnet est sacré et représente toute la communauté avec ses valeurs. Le vrai chef moaga ne doit pas vendre son peuple pour des intérêts matériels, financiers, politiques et personnels. C’est pourquoi, il serait souhaitable que les Nanamsé en général, les Dimdamba et les Kombèmba en particulier se démarquent de la prostitution politique s’ils veulent réellement sauver l’image du Naam et protéger nos valeurs traditionnelles : plus de grand bonnet rouge à la tête d’un parti politique, ni des communes ni à l’Assemblée nationale. Au nom de la liberté et de la démocratie, chaque chef peut avoir son appartenance et ses opinions politiques sans pour autant s’afficher en véritable moteur de train d’un parti.

Le politicien lui, ne cherche que son bétail électoral par tous les moyens. Mais c’est à

chacun d’éviter d’être le vendeur potentiel ou le complice. .

La dignité dans la pauvreté est aussi une richesse même si cette option n’est plus à la mode au pays des hommes intègres en proie au capitalisme sauvage.

Tout ce qui vient d’être évoqué n’est peut-être que des propos d’un enfant imprudent et insolent. Mais c’est la seule façon pour moi de toucher la conscience de chacun pour la sauvegarde de nos valeurs traditionnelles et de participer à l’édification de la démocratie au Burkina Faso.

Avec votre indulgence, veuillez recevoir honorables Nanamsé, l’expression de ma très haute considération.

Sid Zabda

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