Actualités :: L’Afrique a-t-elle le monopole de la solidarité ?

L’évolution historique des pays développés fournit une preuve éclatante que, lorsque le pouvoir politique ne fait rien pour les citoyens, ceux-ci sont plus enclins à s’entraider entre eux au quotidien. C’est la raison pour laquelle la solidarité est souvent présentée comme une vertu africaine, tandis que l’individualisme est décrit comme un vice occidental. Gardons-nous donc de toute méprise !

Si les pays occidentaux passent aujourd’hui pour être des terres d’élection d’un individualisme forcené, c’est avant tout parce qu’ils ont compris, à un moment donné de leur histoire, la nécessité d’organiser la solidarité à l’échelle nationale pour libérer les individus des soucis matériels de leurs parents et de leurs connaissances afin qu’ils travaillent à leur propre développement et à celui de leur pays.

Ce qu’on appelle l’Etat-providence, c’est la tendance qu’ont les citoyens des pays riches à se tourner vers l’Etat organisateur de la solidarité pour réclamer des aides dès qu’ils rencontrent une difficulté. Mais on commet une lourde erreur à croire que la distension des relations inter-individuelles en Occident est synonyme d’absence de solidarité. Toute personne qui travaille dans ces pays contribue, par ses cotisations sociales, à la prise en charge des exclus et des fragiles de la société (chômeurs, malades, invalides, personnes âgées etc.). Et chaque salarié est soumis de gré ou de force à ce mode de fonctionnement parce que nul ne peut être sûr et certain d’être à l’abri de l’exclusion ou d’une période de fragilité.

Mais en plus de la solidarité organisée à l’échelle nationale, la promptitude des Occidentaux à venir en aide à d’autres peuples dès qu’une catastrophe survient est révélatrice d’une culture de la solidarité qui n’a rien à envier à l’entraide mutuelle telle qu’elle se pratique dans nos pays africains. Les guerres, les famines, les inondations et les tremblements de terre offrent régulièrement l’occasion de prendre la mesure de la solidarité dont ils sont capables. Et le plus impressionnant est que, la plupart du temps, les gens ne se mobilisent pas dans l’espoir secret d’être un jour récompensés par Dieu ; car ils ne croient ni en Dieu ni en diable. S’ils se mobilisent, c’est gratuitement, par simple humanisme.

En Afrique, par contre, l’entraide mutuelle supplée aux carences des Etats en matière de protection sociale, tout comme les Occidentaux d’avant la création de la sécurité sociale* se montraient plus solidaires les uns des autres pour faire face aux problèmes quotidiens. Et plus on continuera d’ignorer cette réalité en Afrique, plus la culture de la parenté-providence ou de l’amitié-providence s’enracinera, empêchant du même coup la libération indispensable des énergies individuelles en vue du développement.

Comment des citoyens pourraient-ils, en effet, investir et maîtriser leur compte financier s’ils doivent sans cesse répondre à des sollicitations diverses ? Il est d’ailleurs significatif de constater que ceux qui s’en sortent en Afrique sont généralement critiqués pour leur supposée pingrerie.

Ce qu’on appelle communément "la solidarité africaine" est, au mieux, une entraide mutuelle qui s’exerce essentiellement dans le cadre de liens parentaux ou amicaux. Au pire, c’est une connivence mortifère ayant pour mot d’ordre latent : "Serrons-nous les coudes entre parents et amis pour prospérer au détriment des autres !".

C’est la raison pour laquelle les pouvoirs publics dans nombre de pays africains sont incapables de résoudre les problèmes d’intérêt général. Aussitôt parvenus aux responsabilités, ils font l’objet de sollicitations diverses de la part de parents proches ou éloignés, vrais ou supposés. Et lorsqu’on ne peut rafistoler quelque lien de parenté pour acquérir ou sauvegarder quelque intérêt, on recourt aux réseaux d’amitié de type mafieux, ces tueurs assermentés qui plantent chaque jour leurs poignards dans le dos de la démocratie et de l’Etat de droit.

Certes, les réseaux démocraticides existent partout, même dans les pays développés. Mais nos pays devraient être d’autant plus vertueux que les conséquences de tels agissements sont fatales pour les franges les plus pauvres de nos populations.

En somme, l’Afrique n’a pas plus le monopole de la solidarité que l’Europe n’a celui de l’individualisme. Brandir la solidarité comme une vertu typiquement africaine dont devraient s’inspirer les autres continents, c’est d’une part perdre de vue les causes de l’individualisme présumé des Occidentaux, d’autre part chanter les louanges de la léthargie de nos Etats en matière de protection sociale.

Car le jour où les Etats africains organiseront la solidarité à l’échelle nationale, leurs citoyens cesseront de se tourner vers leurs parents ou leurs amis en cas de difficulté. Et l’on aura alors l’impression que la solidarité n’existe plus.

Par Denis Dambré

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