Actualités :: Prévisions saisonnières : les projections d’une météo traditionnelle à (...)

La prochaine campagne agricole connaîtra un début marqué par de nombreux ressemis et des vents violents. Prédiction maléfique ? Non, répondent en chœur les adeptes du Gooré, qui assurent que l’espoir reste permis, du fait de la prévision d’une bonne pluviosité, d’une bonne fin de saison et d’une maturité groupée des récoltes et des arbres fruitiers. Ci-après, K. Dénis Florent Bernard Ouédraogo nous donne un cours précis sur cette météo traditionnelle.

Depuis l’antiquité, l’homme observait la nature et le temps pour mieux les connaître afin de profiter de leurs effets bénéfiques et d’en éviter les aspects néfastes pour son bien-être matériel et spirituel.

Le monde rural en général et particulièrement celui de Saye observe et fait de la prévision saisonnière, en vue d’une alerte précoce sur la base de repères et d’indicateurs de la science traditionnelle.

Ces repères et indicateurs sont observés sur les astres et notamment les plantes, animaux et insectes qui ont des facultés d’adaptation aux conditions climatiques et météorologiques présentes et attendues à certaines échéances.

Le village de Saye est situé dans le département de Bassi, dans la province du Zondoma, région du Nord, en zone climatique sahélienne.

Dans ce village, l’alerte précoce se fait à travers un processus qui aboutit à une fête appelée Béga. Le Béga est célébré les premiers jours du troisième mois de l’année du Yatenga qui porte le nom de village Bougouré. A l’origine, à chaque village important, était attribué un mois de l’année qui porte son nom. Le premier mois est celui du roi.

Le Béga débute par la fermeture de certains lieux et endroits pendant un certain temps (une semaine en général) pour permettre la manifestation des animaux et insectes, l’émergence des signes par eux tracés, l’apparition de certaines plantes et/ou le bourgeonnement et le tallage de certaines autres. Découvrons le Gooré

Les observations des indicateurs commencent la veille pour se poursuivre le jour J avec le Gooré. Le Gooré complète les observations durant un long circuit qui permet de mieux appréhender les phénomènes pour l’interprétation et la prévision. La prévision porte soit sur le comportement de la saison humide (saison pluvieuse ou à séquences sèches) soit sur l’impact de certains phénomènes au cours de la saison.

Les observations et certains rites s’y rapportant relevant du secret, toute circulation dans les zones protégées et toute infraction est censée être punie de la peine capitale par les ancêtres.

Le rendu des observations se fait dès le retour du gooré et est immédiatement interprété par les initiés. Les résultats sont communiqués dans la nuit noire par un messager mystérieux, le long d’un circuit à travers le village et dans un silence de cimetière. Les imprudents sont punis dans les conditions définies plus haut.

Le bruit des pas du messager mystérieux annonce une saison de pluies ponctuée de difficultés (séquences sèches, vents, maladies) et le passage inaperçu sinon le bruit du sifflet de celui-ci à l’entrée et à la sortie du village annoncent une bonne saison pluvieuse.

Le message est suivi de feux d’artifice, d’imploration pour des arbres bienfaisants tels les mimosas pour le village, et de réjouissances populaires qui rappellent le sarclage en saison pluvieuse (le cacore = simulation de cultiver), etc.

Le Gooré est un regroupement de deux catégories de personnes provenant des différents quartiers du village. La première catégorie est composée d’initiés à l’observation des indicateurs de prévision.

La seconde catégorie est celle des jeunes. Pour celle-ci, il s’agit plutôt de l’aguerrir à la culture du courage, du secret et à l’endurance. C’est le parcours du combattant pour tout jeune qui veut s’éprouver, et tout citoyen et apparenté du village qui n’aurait pas accompli ce rituel se sent physiquement et culturellement diminué.

Le verdict du comité des sages

Pour cette année 2006, le Gooré s’est déroulé le 2 mars dernier et a enregistré 109 participants constitués en majorité de jeunes.

La seconde partie du gooré et les aspects culturels et festifs qui tenaient lieu de rendez-vous annuel des jeunes ont déjà fait l’objet de reportages par le ministère chargé de la Culture dont le dernier eut lieu en 2005 sous le haut patronage de l’infatigable ministre Mahamoudou Ouédraogo.

Cette année, nous avons jugé utile de partager avec la communauté scientifique, notamment celle qui s’intéresse à la prévision saisonnière, les conclusions auxquelles est parvenu le comité de sages chargé de l’interprétation des observations du premier groupe.

Le comité de sages a pris connaissances de seulement cinq indicateurs.

La faiblesse du nombre des indicateurs observés est sans doute liée :

aux difficultés à faire respecter la fermeture du circuit d’observation ;
à la jeunesse des observateurs ;
à l’évolution du couvert végétal. Deux des indicateurs sont relatifs aux semis et aux difficultés, un à la pluviosité de la saison, et enfin deux à la prospérité.

L’analyse de ces indicateurs a abouti à la prévision suivante :

La prochaine campagne agricole connaîtra un début marqué par de nombreux ressemis et des vents violents. Toutefois, l’espoir est permis, du fait de la prévision d’une bonne pluviosité, d’une bonne fin de saison et d’une maturité groupée des récoltes et des arbres fruitiers.

En conclusion, l’on peut retenir que le gooré est une illustration d’un besoin du monde rural en prévision saisonnière. Il serait donc souhaitable de pouvoir comparer les résultats atteints par cette méthode avec ceux obtenus par d’autres notamment celle moderne, en vue d’un accompagnement par le renforcement des capacités de ce même monde rural face aux changements climatiques.

K. Denis Florent Bernard Ouédraogo

mail : kdenis-oued @yahoo.fr

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