Actualités :: Burkina : Et le travail populaire ?

Dans le contexte actuel marqué par une certaine raréfaction des ressources financière, le travail doit être le credo de tout Burkinabè disposant au minimum de la santé. C’est le crédo de Ahibouga Armand Yaoui, écrivain, professeur de mathématiques et étudiant en master en analyse et politique de développement à l’Université Norbert Zongo. Même s’il faille balayer la voie publique ou ramasser des cailloux pour les utiliser éventuellement dans les chantiers publics futurs, il faut travailler tant que cela peut palier à une dépense publique, conseille-t-il dans les lignes qui suivent.

Dans une économie, il existe principalement deux facteurs de production, le capital et le travail. Ces deux facteurs sont indispensables, mais en même temps se substituent jusqu’à un certain seuil. Si le système de production est très sophistiqué, le capital ou l’acquisition de machines et de la technologie est plus demandé. Par contre dans un système semi-moderne, la nécessité du capital peut être souvent substituée par le travail humain. C’est ainsi que, par exemple, sous la révolution burkinabè de 1983 la force humaine avait été mise en emphase dans la construction du chemin de fer et de plusieurs infrastructures publiques.

A - Crise sécuritaire et accumulation du capital

La crise sécuritaire aurait fini par réduire la confiance de plusieurs investisseurs et partenaires du Burkina Faso. Ainsi, les entrées nettes d’investissements directs étrangers du pays sont passées de 3% du PIB en 2016 à 0,6% du PIB en 2022 (BM, 2023). Mieux, cette crise a conduit à l’avènement du MPRS2 en 2022 avec désormais une vision révolutionnaire ambitionnant, avec le peuple, de faire les choses autrement : cela ne plait pas à tous les partenaires et le pays ne plus compter sur eux tous.

La suspension du pays dans plusieurs organisations et accords commerciaux comme l’AGOA par les USA en janvier 2023, ou de l’Aide publique française en sont des exemples. Même l’allocation en ressources propres en faveur de l’investissement public a été trivialement affectée. Elle est passée par exemple de 981,5 milliards en 2022 à 801,5 milliards en 2023 (DGB, 2023). Face à l’insuffisance du capital pour soutenir l’économie, l’État lance l’actionnariat populaire mais la faiblesse des revenus pourrait être l’une des véritables limites à cette initiative. En effet, plus de 40% des burkinabè vivent avec moins de 195 000 F CFA l’an (INSD, 2019).

On imagine difficilement alors comment un citoyen qui peine même à se nourrir pourrait constituer une épargne afin de payer une action. Pour tenir à l’immédiat, l’Etat lance depuis 2023 une série de taxes. Cela a permis certes de collecter des recettes pour poursuivre les efforts, mais la marge de manœuvre de l’impôt reste limitée au sens de Laffer (1974) qui enseigne que « trop l’impôt tue l’impôt ». Finalement, le pays pourrait se retrouver donc financièrement « dos au mur » en témoigne l’augmentation récente du déficit budgétaire qui passe de 570 milliards en 2023 à 675,5 milliards en 2024 (DGB, 2023), soit une hausse de plus de 19 %.

B- Le facteur travail dans le contexte de révolution

Dans ce contexte décisif pour l’Etat burkinabè, où l’accumulation du capital est contrainte par des aléas internes et externes, pour maintenir la production le pays se doit d’accroitre compensativement le facteur travail. L’ardeur au travail est nécessaire afin compenser le manque de capital pour à défaut, produire de quoi ne serait-ce que se nourrir pour assurer la résilience. S’il est vrai que la contribution financière n’est pas à la portée de tous, celle en force de travail l’est évidemment. Dans le contexte actuel, le travail, tant qu’il est utile, doit être le credo de tout burkinabè disposant au minimum de la santé.

Même s’il faille balayer la voie publique ou ramasser des cailloux pour les utiliser éventuellement dans les chantiers publics futurs, il faut travailler tant que cela peut palier à une dépense publique. C’est la conséquence du refus de la bassesse, c’est le prix de la nouvelle donne. Par exemple, pour un chantier public de 18 mois nécessitant 100 manœuvres payés à 3000F par jour, la main-d’œuvre pourrait coûter 130000000F et un groupe de jeunes peut aider l’État à palier cette dépense.

Délaissé par certains partenaires du fait du malheur qui le frappe et du fait de sa décision de s’assumer, la première caractéristique de ce nouveau Burkina Faso devrait être l’effervescence du peuple au travail. Gouama dans son champ ou Paul dans son service, tous devraient être révolutionnés, chacun désireux de donner le meilleur de lui-même. Le paysan ne doit pas être fier de la révolution si c’est l’Etat s’occupe de ses enfants affamés pendant qu’une portion inexploitée de terre est en vacances devant la cour. Le bureaucrate ne devrait pas être fier de la révolution pendant que son bureau est source de lenteur ou d’inefficacité du fait de son aversion au travail. Cependant, le travail est toujours associé à la peine, et personne n’est incité au travail que par contrainte.

Le rapport 2022 de l’ASCE-LC indique de plus des 87% des fonctionnaires viennent au service en retard ; pis, en 2023 3894 agents fictifs touchent irrégulièrement des salaires, avec une incidence financière de plus de 10 milliards par an. L’Etat se doit donc de trouver des stratégies plus efficaces de contrôle et la répression, notamment en ce qui concerne ces fonctionnaires malicieux. Aux masses populaires, l’Etat doit trouver rapidement un moyen de les inciter à plus d’ardeur au travail afin de l’aider à palier certaines dépenses ; d’autant plus que le travail collectif peut renforcer la conscience nationale.

C- Irizan, irizan, pagtazé : nous soutenons la révolution

Suite à l’avènement du MPSR2, plusieurs groupes et organisations de la société civile notamment constitués de jeunes ne cessent de manifester leur soutien. Ils espèrent voir la transition aboutir et y veillent en se mobilisant à la moindre alerte d’urgence. Dans un contexte où la transition est en proie à toutes les hostilités par ceux n’ont pas le goût du sacrifice ou du changement, cette veille citoyenne peut un excellent moyen d’auto-sécurisation du régime.

Cependant force est de constater que ces formes de soutien semblent avoir pris l’ascendance sur la véritable potentialité que représente une jeunesse : la force de travail. Des jeunes ne doivent pas s’organiser pour dénoncer l’impérialisme et après payer les vivres importés, parce qu’ils n’ont pas utilisé leur force pour cultiver le champ familial ; de fois incapables même de s’organiser et produire une tonne de maïs pour aider l’Etat à prendre en charge les PDI ou aider l’État à boucher des simples trous sur la voie rouge. La jeunesse en dehors de la lutte verbale doit savoir mettre sa force de travail au service de la révolution qu’elle soutien.

Ahibouga Armand YAOUI
Ecrivain,
Professeur de mathématiques
Etudiant en master en analyse et politique de développement à l’UNZ armandahibouga96@gmail.com
Credit-photos : https://www.jeuneafrique.com/

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