Actualités :: Validité du mandat des démembrements de la CENI : plaidoyer pour une solution (...)

Le débat national ouvert suite à la validation annoncée des démembrements de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a commandé au député Cyril Goungounga de sortir de sa réserve qui avait pris les allures d’une retraite.

En attendant l’aval de l’Assemblée nationale le 28 février, l’honorable élu prêche pour la gestion des communes rurales par les résidents effectifs (les paysans, éleveurs, jeunes, anciens et dolotières). En d’autres termes, il faut rendre à César ce qui est à César.

Les projets de loi adoptés par le gouvernement le mercredi 16 février 2006 et programmés pour être discutés à l’Assemblée nationale le lundi 28 février 2006 constituent un fait majeur et un tournant décisif dans l’avenir de la démocratie au pays des hommes intègres. En effet, des gens pensent que si ces projets_ de loi connaissent des amendements sérieux et profonds, alors notre processus démocratique s’en sortira, grandi et renforcé et nous pourrons dire à la manière de l’Eglise eucuménique "Ô Felix culpa !" c’est-à-dire "Ô heureuse faute qui nous vaut un tel rédempteur" en ce qui concerne l’inapplication de l’Article 34 du code électoral, de par la faute de toute la classe politique et de la société civile. Par contre, ces mêmes gens pensent que si ces projets de loi sont adoptés en l’état, ce sera un plan de notre architecture démocratique qui tombera, ce qui hypothéquera forcément la cohérence du système républicain.

De quoi s’agit-il ?

II peut être superflu de rappeler que par une décision du 02 février 2006 et suite à la requête d’un candidat, le Conseil constitutionnel a déclaré nul et de nul effet un arrêté en date du 13 décembre 2005 portant reprise des activités des démembrements de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) comme étant contraire aux dispositions du code électoral.

Avant de rendre sa décision, le Conseil constitutionnel a justifié de long¬ en large la recevabilité de la requête. En effet, en application de l’Article 34 du Code électoral, le mandat des démembrements de la CENI mis en place en avril 2005 prend fin le 25 novembre 2006, date de la proclamation des résultats définitifs de l’élection présidentielle.

Suite à cette décision du Conseil constitutionnel, le Gouvernement a pris trois mesures à l’occasion de sa dernière réunion hebdomadaire : 1) le report de la date des élections municipales du 12 mars au 23 avril 2006 ; 2) l’adoption d’un projet de loi portant prorogation du mandat des conseils municipaux des communes urbaines jusqu’au 31 mars 2006 ; 3) l’adoption d’un projet de loi portant prorogation du mandat des démembrements de la CENI, qui a expiré le 25 novembre 2005.

Analogie populaire

Pour contribuer à la compréhension du dernier projet de loi cité, un pédagogue a pris un exemple simple et accessible à tous : Monsieur Joachim Traoré est titulaire d’un baccalauréat obtenu en juillet 2005. Il lui est délivré une attestation provisoire avec la mention "valable jusqu’au 31 décembre 2005".

Sur la base de cette attestation provisoire, le 24 janvier 2006 il passe un concours à une seule place où il est admis. Un candidat malheureux à ce concours, Monsieur Madi Tarpaga, détenteur du vrai diplôme du Baccalauréat, obtenu en juillet 2003, porte plainte et le juge déclare nuls et de nul effet les résultats du concours, et cela à la date du 16 février 2006. Alors, le président de l’Université délivre diligemment à Monsieur Joachim Traoré à ce moment, c’est-à-dire le 16 février 2006, le vrai diplôme du Baccalauréat en invitant les organisateurs du concours à considérer que ce diplôme a été délivré le 28 décembre 2005 aux fins de maintenir les résultats du concours, comme pour dire zut et m... au juge.

Les animaux malades de la peste

Tout le monde sait que sur terre, aujourd’hui et demain, la justice et le droit sont essentiellement tributaires des rapports de force. La Fontaine l’a bien illustré sans la fameuse fable « Les animaux malades de la peste ». Beaucoup de gens savent que cette décision du Conseil constitutionnel est de nature à discriminer, d’un côté, ceux qui y ont un intérêt et qui ont donc le droit avec eux, et, de l’autre côté, ceux qui n’y ont pas intérêt et qui ont la force et le pouvoir avec eux.

Notre plaidoyer consiste à trouver une position médiane, centrale, d’équilibre - non équilibriste - ou encore un compromis républicain soucieux du respect souple des lois et de la justice et soucieux de sauvegarder les acquis sur le terrain.

C’est pourquoi, il sied de féliciter le Gouvernement et de lui rendre hommage pour la réflexion menée pour concilier les positions et les intérêts politiques antinomiques exhumés par le Conseil constitutionnel. Il faut rendre hommage au gouvernement également pour avoir pris les faits au sérieux, pour avoir pris son temps pour réfléchir avant de décider.

Cependant, bon nombre d’honnêtes citoyens se posent des questions dont les principales sont les suivantes : i) - Est-il bienséant que le Gouvernement fixe la date des élections avant de saisir l’Assemblée nationale ? ii) - Est-il possible que l’Assemblée nationale n’adopte pas les projets de loi ? Et dans ce cas, que va-t-il se passer ? iii) - Le Conseil constitutionnel a déclaré caducs, à la suite de la loi portant code électoral, et cela pour compter du 25 novembre 2005, les démembrements de la CENI. Est-il raisonnable de proroger une structure qui n’est plus en activité ? iv) - Si le projet de loi est adopté, est-ce que la décision du Conseil constitutionnel ne sera pas caduque ipso facto ? Est-ce que cela n’établirait pas une suprématie de fait des pouvoirs exécutif et législatif sur le pouvoir judiciaire ? v) - L’article 159 de la "Constitution dispose : "Une disposition déclarée inconstitutionnelle ne peut être promulguée ni mise en application. Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours.

Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles". Les délibérations du Conseil des ministres ne violent-elles pas ces dispositions constitutionnelles ? vi) Quelles sont les chances d’aboutissement de recours en annulation des élections, qui ne manqueront pas avec la multitude des candidats malheureux ?

vii) En matière de rétroactivité, cette loi, bien que non pénale, ne peut-elle pas être assimilée à une loi pénale (Article 5 de la Constitution) dans la mesure où elle pénalise assurément des hommes politiques et des responsables de la société civile ?

Dans tous les cas, l’Exécutif a vu juste en faisant appel au Parlement pour l’aider à défaire ce nœud gordien qui hante son sommeil depuis le 02 février 2006.

La carotte et le bâton

Après les premières années, où elle a été perçue comme une « caisse_ de résonance », l’Assemblée des députés du peuple, muée en Assemblée nationale, a compris rapidement qu’il fallait mettre de l’ordre dans la République en contrôlant effectivement l’action du Gouvernement conformément à l’article 84 de la Constitution.

Aujourd’hui, près de quinze ans après, de l’avis de tous, les trains sont sur les rails, et le Gouvernement, à travers le nouveau et jeune ministre de l’Administration territoriale, homme du sérail, politicien frondeur assagi par le cocktail de responsabilités, ancien député, sait très bien qu’il peut compter, non seulement sur les diatribes et les exigences des députés de l’opposition, mais aussi sur la vigilance et la rigueur des députés de la majorité qui ont l’art de manier la carotte et le bâton en pareille circonstance.

Un avis pour rien ?

Pour que l’histoire ne soit pas dans ce cas une éternelle répétition, ceux qui ont la mémoire peuvent se rappeler que sous la IIIe République à la fin des années 70, la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême, équivalent au Conseil constitutionnel d’aujourd’hui, avait émis un avis sur la question de la majorité absolue. Un ténor du parti majoritaire de l’époque n’a pas donné dans la dentelle en le qualifiant « d’un avis pour rien ».

On connaît la suite... Contrairement aux termes d’une publicité gastronomique qui prône que « Si l’alcool gêne le travail, il faut supprimer le travail », d’aucuns espèrent que le 28 février prochain, le Parlement pourrait suggérer au gouvernement d’éviter le forcing en organisant ces élections dans la cacophonie, dans le pilotage à vue, dans le désordre juridico-politico-administratif, en somme, d’appliquer la décision du Conseil constitutionnel en instituant pour compter de 2007 un souplement des élections législatives aux municipales, qui sont, du reste, de la même nature.

Au dire des auteurs, les avantages d’une telle opération sont énormes, à commencer par ceux économiques évidents, et la rationalisation de la gestion des élections. Avec cette opération, le Burkina connaîtra seulement deux éditions de scrutin pour chaque période quinquennale :
l’élection présidentielle tous les cinq ans ; 2005, 2 015, 2020, etc...

- les élections législatives et les élections municipales ensemble tous les cinq ans : 2007, 2012, 2017, 2022, etc. Elle pourra permettre aux partis politiques de bien s’organiser et aux militants de bien choisir leur parti, parce que tous ces nomadismes et ces tohu-bohu ne confèrent aucun honneur ni aucun crédit au premier scrutin de la communalisation intégrale, qui mérite de la part des Burkinabè beaucoup plus de respect et de considération. Elle pourra enfin permettre de relire certaines dispositions du Code électoral comme celles de l’Article 241 ainsi libellées.

"Sous réserve des dispositions des articles 242 à 244 de la présente loi, sont éligibles, au conseil municipal les personnes ayant qualité pour être électeurs à la condition qu’elles résident effectivement dans la commune ou qu’elles y aient des intérêts économiques et sociaux certains".

Rendre à César ce qui est à César Il serait bon que l’on s’en tienne à la résidence effective !

En effet, la concession des « intérêts économiques et sociaux » permet de traîner vers des villages, même les plus pauvres et les plus éloignés, dans le meilleur des cas totalement inconnus du village, qui ignorent tout du village, ou qui sont des ressortissants nantis qui reviennent en grosses bagnoles au village, tout juste pour solliciter les voix des pauvres paysans en vue de siéger au Conseil municipal ou régional.

Ceux qui ont suivi le processus de décentralisations depuis sa genèse avec les Programmes d’ajustement structurel (PAS) des années 90 sont stupéfiés de voir que ce qui est conçu pour permettre aux paysans de gérer leur localité est accaparé coram populo (au grand jour) par les cadres, les intellectuels, les opérateurs économiques, et que sais-je encore.

Imaginez un haut fonctionnaire de son état, candidat dans le village de sa belle-mère, qui totalise à peine un demi millier d’habitants. C’est un manque de confiance en soit, et c’est tout simplement ridicule. Il faut rendre à César ce qui appartient à César. Il faut rendre les communes rurales aux résidents effectifs, aux paysans, aux éleveurs, aux jeunes, aux anciens, aux dolotières.

La majorité silencieuse a confiance à son Président, le Président du Faso, qui a le dernier mot, c’est-à-dire qui est chargé de promulguer la loi (Article 48 de la Constitution) et qui vient de prêter serment devant le Conseil constitutionnel le 20 décembre 2005 en jurant de préserver, de respecter, de faire respecter et de défendre la Constitution et les lois (Article 44 de la Constitution).

par Cyril Goungounga Député à l’Assemblée nationale Ancien ministre

L’Observateur

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