Actualités :: Le déclin démocratique au Sahel : Que peut-on retenir ?

Pour Mamadou Diallo, le putschisme n’apporte ni démocratie, ni développement, ni sécurité. Cet ingénieur du génie rural pense plutôt que les coups d’Etat fragilisent les capacités combattives des FDS en bureaucratisant ou en « mettant au garage » une bonne partie de la hiérarchie militaire, en fragilisant leur cohésion à travers leur politisation dans des fractions antagonistes engagées dans la course au pouvoir d’Etat et subséquemment l’usage clanique des moyens de combats, etc. Pour une approche endogène de la démocratie, il préconise de redonner droit aux processus instituant de nos sociétés villageoises contemporaines. Lisez plutôt.

Cette tribune m’a été inspirée par la recension par un journal en ligne des travaux de la société civile ouest africaine (WADEMOS) relatifs au déclin de la démocratie dans notre sous-région sous le constat des 6 coups d’Etat dans 4 de ses pays (Burkina, Guinée, Mali, Niger).

J’ai noté avec intérêt la reconnaissance d’une certaine dynamique positive dans la construction de la CEDEAO et la mise en avant d’une recommandation relative à une approche endogène de la démocratie.

Mon intérêt tient à ce que ces deux dimensions appellent in fine à sortir de deux paradoxes.

On veut bien d’une CEDEAO solide mais on lui refuse les moyens et la volonté de se construire en faisant face aux difficultés et en prenant en charge les insuffisances qui lui sont reprochées à juste titre.

Ainsi dans la dynamique de construction de la CEDEAO, les travaux du WADEMOS soulignent « (une) “insatisfaction” croissante à l’égard de l’état de la gouvernance démocratique depuis la dernière décennie, notamment dans les pays francophones (…). Ils reconnaissent toutefois les “efforts déployés par la CEDEAO pour, d’une part, renforcer la “résilience face aux principales menaces et renversements rencontrés au sein de la région”. D’autre part, les efforts visant à réviser le “Protocole régional sur la démocratie et la bonne gouvernance ; en particulier en imposant des limites de mandats en Afrique de l’Ouest, et en renforçant la sécurité et la stabilité régionales, y compris les changements anticonstitutionnels de gouvernement en Afrique de l’Ouest.” ».

Au regard d’une telle dynamique, la critique de la CEDEAO en ce qui concerne son attitude à l’égard des juntes militaires de notre sous-région et tout particulièrement ses décisions à l’égard des putschistes nigériens relève du premier paradoxe qui consiste à dénoncer la mal gouvernance et l’instabilité, et à applaudir des putschistes - tout aussi mal gouvernants si ce n’est pire- à applaudir l’impuissance politique de la CEDEAO, tout en passant à perte et profit la lutte politique et militaire conséquente contre le Djihadisme.

Honte aussi aux Démocrates américains qui se battent pour faire condamner et jeter en prison Donald Trump pour sa tentative de coup d’Etat aux USA et qui, par l’entremise du gouvernement démocrate, demandent à la CEDEAO de pactiser avec les putschistes nigériens, rien que pour sauver leur base militaire de 1000 soldats installée à Niamey dans le cadre la bataille géopolitique livrée à la Russie de Poutine. Autrement dit, comme toujours, les USA sont prêts au nom de la « realpolitik » à sacrifier la fragile démocratie nigérienne. Ils ont semble-t-il reçu une réponse tout particulièrement souveraine de la CEDEAO rapportée par RFI : « Notre position sur le putsch de juillet au Niger est claire, elle a été définie lors du dernier sommet des chefs d’État de la Cédéao et ce n’est pas Antony Blinken qui va la changer ».

Il semble aussi que le message soit passé, puisque selon toujours RFI, le secrétaire d’État américain a publié un communiqué dans lequel il demande à la junte de Niamey de libérer le président Bazoum et de permettre son retour à la tête du pays.
Pour ma part, la CEDEAO, dans sa dynamique actuelle, malgré les difficultés et obstacles réels, est dans une perspective panafricaine bien plus crédible que nos putschistes qui, au nom du panafricanisme et par démagogie anti-impérialiste, accueillent des mercenaires, agitent des drapeaux russes, se font les laudateurs de Poutine, se fascisent chaque d’avantage et font de la France le bouc-émissaire de leur propre turpitude et incapacité.

Quant au fond, pourquoi d’ailleurs ne claquent-ils pas la porte de la CEDEAO, de l’UEMOA, etc. tant honnies et vomies ?

Comme l’expérience de plus 200 coups d’Etat en Afrique l’a montré, le putschisme n’a apporté, ni démocratie, ni développement, ni sécurité ; il a par contre toujours permis par le ’’recyclage démocratique’’ des Coups d’Etat - Transition avec son Président Fondateur, Nouvelle Constitution de Refondation, Nouvelles Elections à la Gondwanaise : le Mali, on croise les doigts, y est presque ! - un renouvèlement de l’élite gouvernante bien ancrée dans la culture politique dominante en Afrique ; celle de la patrimonialisation de l’Etat et de l’autoritarisme. C’est elle qui, justement, affaiblit la CEDEAO, alimente la mal gouvernance, l’impossibilité démocratique, fabrique les djihadistes, les terroristes et va conduire par notre fatalisme actuel à faire du Sahel un véritable ’’Djihadistan’’.

Ainsi, le Sahel sous la pression djihadiste, est à présent engagé dans une impasse avec la dynamique installée des Coups d’Etat militaires.

Ces coups d’Etat comme chacun peut honnêtement le constater, fragilisent les capacités combattives des FDS en bureaucratisant ou en « mettant au garage » une bonne partie de la hiérarchie militaire, en fragilisant leur cohésion à travers leur politisation dans des fractions antagonistes engagées dans la course au pouvoir d’Etat et subséquemment l’usage clanique des moyens de combats, en fragilisant la discipline et la solidarité entre corps, en sapant le sens de l’engagement patriotique du soldat du rang qui est l’âme même de l’armée.

En d’autres termes, ces coups d’Etat militaires sont la quintessence même de la déliquescence de l’Etat et les signes avant-coureurs de son effondrement.

C’est tout cela qui donne une certaine tonalité positive à cette recommandation des travaux du WADEMOS à savoir : « La nécessité de se libérer de l’influence coloniale persistante et d’adopter une approche plus endogène de la démocratie en Afrique de l’Ouest tout en promouvant l’éducation civique à la démocratie ». Elle articule le deuxième paradoxe dont nous devons sortir.

Nous voulons bien d’une approche endogène de la démocratie à conditions d’en expulser les vrais dépositaires de l’endogénéité qui constituent la donne immensément majoritaire de notre vie culturelle, sociale, économique et institutionnelle à savoir nos sociétés villageoises contemporaines. Or, celles-ci disposent de processus instituant autonomes et endogènes qui ont articulé leur contemporanéité malgré la longue adversité que leur ont porté la colonisation et l’Etat-Nation post-colonial.

L’élite intellectuelle africaine est allée à l’école de la République et de la Démocratie occidentales nées de l’expérience humaine de l’antiquité gréco-romaine infusée par ses héritiers, notamment des intellectuels et hommes politiques comme, Jean Bodin, Hobbes, Locke, Montesquieu, Rousseau, George Washington, James Madison, John Adams, Alexander Hamilton, Tocqueville. Elle oublie bien souvent que ces catégories du Politique sont loin d’être universelles comme on le prétend souvent. Il ne sert à rien de répéter que nos Etats ne pratiquent pas la vraie démocratie et qu’il est possible de réinventer pour notre propre compte la démocratie occidentale ; ou encore de répéter cette vieille antienne « que la démocratie est le moins pire des régimes politiques ».

Regardez l’actualité de la vraie démocratie en occident : Les partis et coalitions majoritaires, font tantôt à gauche, tantôt à droite, tantôt au centre, tantôt au centre-droit, tantôt au centre-gauche, tantôt dans le populisme, sans que la spirale néolibérale ne cesse de mette en échec la démocratie, la séparation des pouvoirs, l’égalité et la paix.

C’est cela qui conduit à ce que Pierre Rosanvallon qualifie comme ‘‘des rendements politiques décroissants’’ de l’élection avec l’émergence et le renforcement continu de l’abstention massive des électeurs.

Pour une approche endogène de la démocratie, il nous faut redonner droit aux processus instituant de nos sociétés villageoises contemporaines autrement que par des exhortations au changement à l’endroit de l’élite dominante ; car, malheureusement, l’élite africaine dominante n’abandonnera pas sa culture politique par des exhortations et des recommandations incantatoires !

Autrement dit, il nous faut changer de paradigme en matière d’organisation du vivre-ensemble et de gouvernance. Alors, en ce qui concerne le Sahel confronté aux insurrections djihadistes, quelle stratégie politique viable et crédible pour faire de nos sociétés villageoises contemporaines au travers de leur processus instituant, le moteur de sortie de la crise sécuritaire, de Refondation du vivre-ensemble et de l’Etat en en donnant l’élan au Burkina Faso ?

C’est une telle perspective qui ouvrira la voie au dépassement des faiblesses de la CEDEAO et ouvrira la voie à un panafricanisme viable dans une grande « nation nègre », fière, souveraine et puissante.

Aussi, en ce qui concerne la situation tragique que vit notre pays, j’avais pour ma part lancer un appel pour une mobilisation populaire pacifique pour gagner la paix et engager une refondation du vivre-ensemble et de l’Etat à travers une tribune https://www.wakatsera.com/burkina-pour-la-fin-de-la-guerre-et-le-retour-a-une-paix-durable/.

Nous pouvons réussir cette mobilisation populaire er massive en signant la Pétition y relative : https://chng.it/HSJPt58jrS

Comme le disait si bien Joseph KI-ZERBO : Nan an lara an sara !

Bon courage à nous !

DIALLO Mamadou
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