Actualités :: Conduite de l’Etat : Nous, on vous regarde

Pour l’écrivain et journaliste à la retraite Sayouba Traoré, les anciens ne sont certes pas les plus vertueux, mais ils avaient du respect pour certaines valeurs. Bientôt, prévient-il, ils ne seront plus là pour être l’éternelle excuse des errements des jeunes générations. « Les anciens par ci, les anciens par là, vous allez devoir vous y coller. Et tout seuls. C’est la loi de la vie sur terre », leur dit-il dans ce billet.

Quand je suis rentré au CP1, nous étions 111 dans la classe. Un nombre tel, qu’on a négocié pour mettre certains d’entre nous à l’école missionnaire ou l’école protestante. Quand je regarde autour de moi, il ne reste plus beaucoup de mes promotionnaires. Je suis un des rescapés, en quelque sorte.

Nos anciens nous ont éduqués à la dure. Le travail, pas ou peu de loisirs. Pas un d’entre nous ne sait danser correctement. Aller au bar, on n’y pensait même pas. Même salarié, ça ne faisait pas partie des habitudes. S’asseoir et causer ? Pas moyen ! Les vieux débarquent sur vous avec un bâton.

Devenus travailleurs, il ne venait à l’esprit de personne de faire un détournement. Pas la plus petite magouille. Parce que la honte entachait toute la famille du coupable. Le genre de honte qu’on ne peut pas effacer.

On exposait les voleurs et brigands devant le commissariat de police. Tout le monde venait voir. Emprisonné ou acquitté, celui qui a été ainsi exposé ne pouvait plus revenir parmi les gens. Même pour sa famille, c’est comme s’il est mort. Sa propre maman ne veut plus le revoir. Et ses enfants devaient porter ce poids toute leur vie.

On a fusillé des militaires qui avaient fait un casse à l’économat de l’armée. On ne comprenait pas parce qu’à la radio, ils ont dit "passés par les armes". Puis les grands ont expliqué qu’on les a alignés et des hommes ont tiré sur eux au fusil. Cherchez la somme et vous allez être troublé, tellement elle est ridicule. Mais ce qui comptait, c’était le principe.

Grâce à nos enseignants, on pensait Haute-Volta. On pensait nation. Nous n’avons pas un mérite particulier à cela. Car nous ne sommes pas plus vertueux que les autres humains. Et on était trop jeunes pour comprendre les choses de l’existence. C’est tout simplement parce que les maîtres et les professeurs ont pris le temps de bien nous expliquer les choses et les enjeux. On ne comprenait pas tout. Mais la conscience de nation a été ancrée en nous.

Aujourd’hui, nous ne sommes plus nombreux. Et ça ne va pas durer. Après, vous gérez votre merde. Apatrides woh, patriotes woh, vous allez devoir faire vos preuves. Et nous ne serons plus là pour être l’éternelle excuse de vos errements. Les anciens par ci, les anciens par là, vous allez devoir vous y coller. Et tout seuls. C’est la loi de la vie sur terre. Et la vie, elle ne fait pas de cadeau. Je sais tout woh, je ne sais rien woh, vous allez devoir laisser les discours et passer aux actes. Montrer ce que vous valez vraiment.

Sayouba Traoré

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