Actualités :: Insécurité au Burkina : « De qui sommes-nous les descendants ? » S’interroge (...)

Dans la tribune ci-après, l’écrivain et spécialiste en affaires Internationales et faiseur de changement Sylvestre Poda invite le président de la transition burkinabè à revisiter l’histoire du pays des hommes intègres et à en tirer les leçons qui conviennent. Pour lui, le capitaine Ibrahim Traore devra laisser à la postérité, un Burkina Faso réconcilié avec lui-même.

Monsieur le Président,

Je suis burkinabè. Et j’adore le Burkina Faso. Aujourd’hui, il me demande beaucoup plus de taxes et d’impôts, mais autrefois, il me fut d’un grand soutien. Mais que lui ai-je donné en retour ? Presque rien ! Ou du moins j’ai comploté passivement contre lui avec 20 millions de concitoyens. Eh oui nous avons tous contribué à ce que le Burkina est aujourd’hui, par nos actes et nos mutismes face à l’injustice. Quand je me retrouve face à mon propre drapeau, je suis mal à l’aise. Ce même malaise que l’on ressent quand on ne peut aider son fils qui ne sait sur qui d’autre compter.

Monsieur le Président,

La terre qui m’a vu naître va mal. De nombreux pseudo-médecins lui ont diagnostiqué une maladie appelée « conflits ethniques », mais nous savons que le mal est tout autre. En vérité, la maladie du Burkina est logée
Dans sa tête : Son élite a perdu les pédales. Et comme le peuple n’a plus de repères, il marche « sans tête ».

Dans son ventre : La politique du tube digestif a affaibli nos neurones et notre empathie. Nous ne savons plus penser collectif et notre capacité à aimer autrui s’est émoussée.

Dans ses bras : On les tend trop souvent pour réclamer. Presque jamais pour donner. Tout nous est dû mais on ne doit rien à personne.

Aujourd’hui l’expression « unis comme les doigts de la main » n’a plus aucun sens dans certains cœurs parce que certains doigts estiment être plus longs que d’autres et par conséquent, plus prétendants aux faveurs et avantages. Et c’est là tout le nœud du problème ! Chacun pointe du doigt les différences de chacun (religion, ethnie, classe sociale), alors qu’il serait plus judicieux de se concentrer sur tout ce qu’on a en commun : le Burkina Faso.

Monsieur le Président,

Le Burkina est sur un chemin obscur, à l’embouchure de la misère. Il a besoin de lumière. Si nous ne trouvons pas la lumière tant recherchée, décidons tous ensemble de devenir cette lumière. Pour cela, chaque Burkinabè doit se poser la question suivante : « De qui suis-je le descendant ? De ceux qui ont collaboré ou de ceux qui ont résisté ? » La réponse à cette question est une ampoule qui éclairera le reste du chemin.

Monsieur le Président, savez-vous de qui vous êtes le descendant ? En ce qui me concerne, je le sais. Je suis Sylvestre PODA, et je suis le descendant des hommes révoltés (signification de dagara), de véritables résistants. Mes ancêtres dagara n’ont jamais courbé l’échine, et n’ont jamais reculé face aux envahisseurs. En passant, ils ont même civilisé pas mal de TRAORE, bien qu’un tel exercice ait parfois été « mission impossible » !

Mais je sais aussi que les Mossis et beaucoup d’autres ethnies, ont livré des batailles énergiques pour repousser l’ennemi hors des frontières. Lorsque Samory Touré, après avoir décimé et conquis des royaumes, se retrouva aux portes des royaumes mossis, ses généraux le conseillèrent de contourner cet empire réputé inattaquable, car il y avait un peu partout des infanteries. En effet, chaque habitant était un guerrier dans l’âme. Aujourd’hui si tous les Burkinabè redeviennent des guerriers dans l’âme, l’envahisseur trébuchera, ses armes se fossiliseront et ses idéologies s’effilocheront.

Monsieur le Président,

Je tiens déjà à vous féliciter des avancées constatées : L’armée ne tâtonne plus. Dorénavant, elle bastonne ! Nous vous invitons à nous faire revivre ce merveilleux pan de notre histoire ou à tout simplement la réécrire à votre sauce en y adjoignant un dénouement heureux. Je sais que vous n’y arriverez pas seul. D’ailleurs, vous n’êtes pas seul. Vous avez toute une jeunesse qui est prête à vous accompagner. Vous êtes notre espoir. En vous, je me reconnais. Vous êtes le dernier rempart entre le vivre-ensemble burkinabè et les modèles libyens, somaliens et soudanais. Vous avez entièrement notre soutien. C’est notre survie à tous qui en dépend.

Mais ne vous méprenez pas. Nous ne sommes pas dupes. Le peuple burkinabè n’est pas un béni oui. Quand il refuse, il dit non ! Et tous les prétendus demi-dieux à qui il a dit non, ont quitté le pays d’une manière fort peu honorable. Gardez cela en mémoire.

Monsieur le Président,

Quand j’étais étudiant et engagé dans les activités du bureau général des étudiants, j’avais toujours envie de dire ce que je pense. Mais parfois, manquant de tact ou éternel incompris comme Nicolas Sarkozy, mes propos étaient toujours interprétés en ma défaveur. Une personne ingénieuse décida de jouer le « mauvais rôle » en disant tout ce que je pense à ma place. Et s’il y avait par la suite des tensions, j’intervenais comme un réunificateur, comme le père qui calme les ardeurs des enfants et réconcilie la famille. Et le tour était joué. Au final, tout ce que je pensais était dit publiquement mais je ne portais pas la responsabilité des mauvaises interprétations.

Il m’a fallu lire « La puissance du mythe » de Joseph Campbell pour comprendre que le mythe, qui est l’élément fondateur du pouvoir des leaders, s’entretient par un certain niveau de réserves. Monsieur le président, vos propos doivent être réunificateurs et non diviseurs. Je fais allusion à votre dernière intervention médiatique à Kaya. Avoir une bonne équipe, c’est aussi avoir des gens qui disent tout haut ce que vous pensez tout bas. Ce n’est pas de l’irresponsabilité ou de la peur. C’est la stratégie de préservation du mythe !

Autre point important, j’aimerais que vous réfléchissiez sincèrement sur la nécessité des élections de Juillet 2024 (Ultimatum de la CEDEAO). Je suis « trop petit en tant que civil » pour vous rappeler que le terrain commande la manœuvre, et non l’inverse. Ne cédez pas aux pressions intéressées, inconsistantes et inopportunes. Les personnes qui me sont chères ne seront pas exfiltrées si le pays vole en éclats. Et je parie que la majorité des Burkinabè aussi.

Prenez une décision qui préservera la nation. Tout ce que je peux affirmer c’est que la tenue des élections doit être successive à la récupération intégrale du territoire. Pas avant. A force de précipitations, de compromissions malsaines et de raccourcis, voilà où nous en sommes. Les politiciens peuvent attendre.

Lorsque certains Burkinabè auront plus que des feuilles sèches et de l’herbe à manger, vous rendrez le tablier. Mais que mes propos ne soient pas une excuse pour vous, vous éterniser au trône ! D’ailleurs j’exècre ce cas de figure.
Foudroyez l’adversaire et réinstaurez des institutions fortes. C’est tout ce qu’on vous demande.

Que Dieu nous pardonne tous et soit assez miséricordieux pour que nous demeurions Burkinabè !

Signé PODA Sylvestre,
Ecrivain, spécialiste en affaires Internationales et faiseur de changement

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