Actualités :: SICOT 2024 : « Pourquoi mobiliser des fonds pour promouvoir un secteur et (...)

A quoi sert le Salon international du coton et du textile (SICOT), initié par le ministère burkinabè en charge du commerce, si l’Etat tourne sciemment le dos à certaines opportunités offertes par des pays étrangers, notamment le Japon, pour développer le secteur du coton et du textile au Burkina ? Pourquoi mobiliser des fonds pour promouvoir un secteur et rester muet quand des investisseurs frappent à la porte ? Ce sont les questions que se pose François Oubida, ancien ambassadeur du Burkina Faso au Japon. Dans cette tribune, il égrène les occasions manquées par le Burkina pour booster ce secteur.

Le compte rendu du conseil des ministres tenu le 24 mai 2023, indique en son point II.5. (Communications orales) que « Le ministre du Développement industriel, du commerce, de l’artisanat et des petites et moyennes entreprises a fait au Conseil une communication relative à l’organisation de la 3ème édition du Salon international du coton et du textile (SICOT), prévu pour se tenir les 26 et 27 janvier 2024 à Koudougou, dans la région du Centre-Ouest ».

La 3ème édition du Salon international du coton et du textile se tiendra sous le thème : « La transformation locale du coton : quels modèles d’industrialisation pour l’Afrique dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) ? ».

Cette édition du SICOT servira de plateforme d’échanges et de réflexions et réunira les professionnels de la chaîne de valeur du coton autour des préoccupations et des opportunités de développement de la filière coton et du textile. Le SICOT est une tribune de promotion et de valorisation du coton africain et burkinabè et du savoir-faire des créateurs du continent.

En regardant un peu l’historique de cette importante manifestation, j’ai pu noter aussi que « le Salon international du coton et du textile (SICOT) est une initiative du gouvernement burkinabè qui vise à faire la promotion du secteur du coton et tirer le secteur vers le haut. La première édition de cet évènement s’est tenue les 27 et 29 septembre 2018 à Koudougou sous la présidence de Roch Marc Christian Kaboré ».
A l’évidence, tel qu’ainsi présenté, il se dégage l’impression que le SICOT traduit une volonté de nos autorités de promouvoir le secteur coton, surtout à travers toute sa chaine de transformation dans l’optique de faire bénéficier aux laborieux producteurs, d’une valeur ajoutée sur le fruit de leurs efforts.

Pourtant, que d’occasions perdues. En jetant un coup d’œil rétrospectif, il me semble que cette activité a été lancée sans aucune considération des initiatives passées. Par ailleurs, à terme, l’on est en droit de se demander pourquoi l’initiative viendrait du gouvernement si en réalité les perspectives ne vont pas au-delà de l’évènementiel.

Pour illustrer mon scepticisme, je me contente de rappeler les quelques faits qui suivent :

1. En 2008, suite au premier sommet Turquie-Afrique, le gouvernement turc a pris la décision de renforcer sa coopération avec l’Afrique dans plusieurs secteurs parmi lesquels le commerce et les investissements. En réaction, notre pays a saisi rapidement la perche, convaincu que dans ces genres de situation, la promptitude est généralement mieux récompensée. Dans ce sens, l’établissement d’une commission mixte de coopération a été proposée à la partie turque, aboutissant à la tenue effective de la première session en 2009. Cette approche a amené les milieux turcs à s’intéresser au coton burkinabè, notamment la perspective de reprise de Faso Fani et autres activités de la chaine.

Malgré l’envoi de plusieurs missions turques au Burkina Faso, force a été de constater qu’elles n’ont abouti à aucun résultat visible.

Paradoxalement, en 2017, un ancien conseiller à la présidence du Faso a organisé une mission d’étude en Ethiopie afin de s’imprégner de l’expérience de ce pays en matière de transformation du coton. Le drame en est que l’expérience éthiopienne a été bâtie par les hommes d’affaires turcs qui s’y sont repliés après l’échec des négociations avec le Burkina Faso.

2. A l’occasion de la TICAD VI qui devait se tenir pour la première fois en Afrique les 27 et 28 août 2016, le Gouvernement japonais a fortement encouragé le secteur privé de son pays à prendre des initiatives pour accroître ses investissements en Afrique. L’objectif était de saisir l’occasion de la tenue de ce sommet sur le sol africain, pour faire la différence, par la signature de plusieurs accords d’investissement.

A ce titre, notre gouvernement a été approché par la société MARUBENI pour la conclusion d’un accord par lequel le Japon doterait le Burkina Faso, clé en main, d’une usine de transformation du coton avec des perspectives d’appui pour l’exportation du produit fini. Le Ministère en charge du commerce a reçu le projet d’accord mais l’a tout simplement rangé dans les tiroirs, incriminant la forme aussi bien que le fond. Il n’a en aucun moment non plus, songé à tenir l’Ambassade du Burkina Faso au Japon informée de la démarche.

Informée durant le sommet de la TICAD VI à Nairobi par la partie japonaise qui a souhaité savoir pourquoi le Burkina Faso n’avait pas montré d’intérêt, l’ambassade a, à l’issue du sommet, relancé le dossier et, après bien de tergiversations de la part des autorités en charge du commerce, l’accord a été conclu et signé en 2018. Le montant de l’investissement que le Japon se proposait d’injecter était évalué à environ 700 millions de dollars américains, soit environ 400 milliards de nos francs.

Comme le dit si bien un proverbe populaire sous nos cieux, « chassez le naturel et il revient au galop ». Après la signature, le ministère du commerce a purement et simplement rangé l’accord sous le prétexte que selon des normes dont il est signataire à l’international, le gouvernement burkinabè ne peut pas s’impliquer dans un projet d’investissement à caractère industriel, compétence exclusivement dévolue au secteur privé.

3. Après le sommet de Nairobi, le Gouvernement japonais, représenté par le ministre de l’agriculture, a par ailleurs informé notre Ambassade à Tokyo, au cours d’une audience expresse, que le Burkina Faso a été choisi pour bénéficier de l’appui japonais en matière de promotion de la chaine des valeurs pour ses produits locaux. Enthousiaste, l’ambassade a tenu le ministre burkinabè en charge de l’agriculture informé, avec des propositions concrètes en vue d’activer la décision. Aucune réaction n’a été enregistrée.

En conclusion, à quoi sert ce Salon international du coton et du textile (SICOT), initié par le ministère en charge du commerce en 2018, année de signature de l’accord avec le Japon et après tant d’opportunités auxquelles il a sciemment tourné le dos ? L’international peut-il encore avoir confiance en notre pays ? Les juristes ne se plaisent-ils pas très souvent à nous rappeler que ‘’nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude’’ ?

Mon propos serait peu constructif si je n’attirais l’attention de l’administration sur la nécessité de mettre au centre de chacune de ses initiatives, l’intérêt national. Le SICOT, tout comme les multiples évènements qui mobilisent les ressources humaines et financières de l’Etat, devrait être la résultante d’une stratégie de promotion du secteur concerné, avec des objectifs clairs et une approche rationnelle. Pourquoi mobiliser des fonds pour promouvoir un secteur et rester muet quand des investisseurs frappent à la porte ? Il est aussi de notoriété publique que notre administration donne peu d’importance au travail des ambassadeurs burkinabè, contrairement à celui de leurs homologues étrangers accrédités dans notre pays. Cet état de d’esprit doit positivement évoluer pour le bénéfice de notre pays.

François OUBIDA
Ancien Ambassadeur du Burkina Faso au Japon

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