Actualités :: Municipales : "Le fichier électoral n’est pas fiable" selon le (...)

Il y a des couacs dans le fichier électoral. C’est du moins la
conviction du Parti africain de l’indépendance (PAI) dirigé par
Soumane Touré. Dans cette lettre ouverte adressée au
président du Faso, il égrène ses arguments et attend vivement
une "réaction adéquate" du premier magistrat du pays.

"Le
décret d’application que vous avez pris ne nous semble pas
satisfaire l’esprit de la loi, en ce sens que la communication, la
publication et l’affichage des listes électorales ne répondent pas
à la démarche que prescrit la loi pour l’établissement des listes
électorales", déplore-t-il.

Excellence
Monsieur le Président du Faso

La CENI, au cours d’une rencontre le 21-12-2005, a informé les
partis politiques de l’existence du décret
n°2005-445/PRES/PM/MATD du 25 août 2005 portant conditions
de communication, de publication et d’affichage des listes
électorales.
La prise de ce décret répond, dans le principe, à une
revendication réitérée verbalement ou par écrit du PAI et de
l’ensemble de la classe politique qui ont toujours dénoncé le
non affichage des listes électorales. La dernière revendication
écrite du PAI se situe juste avant les élections législatives de
2002, par une lettre ouverte adressée au président de la CENI le
24 avril 2002.

En outre, la défunte cour suprême, et à sa suite le conseil
institutionnel, après examen du contentieux au cours des
consultations électorales, ont l’une après l’autre constaté,
déploré et dénoncé le non affichage des listes électorales et ont
régulièrement fait des recommandations pour y remédier. Il est
de ce fait heureux qu’après neuf consultations électorales sans
affichage des listes électorales depuis 1991, qu’enfin soit pris
un décret commandant de le faire.

A l’occasion de la
présidentielle du 13 novembre 2005, la CENI et ses
démembrements n’ont pas exécuté de façon satisfaisante, et
n’avaient même pas donné l’information aux partis politiques de
l’adoption du décret. La CENI ayant donné l’information à
l’occasion de la tenue des élections locales prévues pour le 12
mars 2006, l’on est en droit de voir clair et de se faire une
opinion exacte sur les listes électorales contestées depuis le
début de la 4e République.

Le moment nous semble bien indiqué car les élections locales
du 12 mars 2006 sont une première dans notre histoire
politique et ont pour circonscriptions électorales tous les
villages et secteurs administrativement constitués du pays.

Une
élection générale par excellence à l’occasion de laquelle, en
principe, toute la population en âge de voter sera conviée pour
l’instauration de la démocratie à la base. Il s’agit donc d’une
consultation historique et fondamentale pour l’ancrage de notre
processus démocratique, une refondation démocratique du
Burkina Faso, un test démocratique majeur.

"Les dispositions du décret ne sont pas pratiques"

Excellence
Monsieur le Président du Faso

La première grande question dont la solution garantit la
réussite de toute consultation électorale, a fortiori une élection
de proximité comme celle du 12 mars 2006, est celle des listes
électorales. Le Code électoral en son article 47 (L 013-2004/AN
du 27 avril 2004, et L n°024—2005/ AN du 25 mai 2005) stipule :
« Il est institué une liste électorale pour chaque village, secteur,
arrondissement, commune rurale, commune urbaine, ainsi que
pour chaque province.

La liste électorale de la commune urbaine ou d’arrondissement
est constituée des listes électorales des secteurs et/ou des
listes électorales des villages.
La liste électorale de la commune rurale est constituée des
listes électorales des villages et des secteurs.
La liste électorale provinciale est constituée de l’ensemble des
listes électorales communales.

Le fichier électoral national est constitué de l’ensemble des
listes électorales provinciales »
La démarche du législateur est très claire : construire le fichier
électoral national en partant des listes établies à partir du
village, du secteur, de l’arrondissement, de la commune rurale,
de la commune urbaine pour aboutir à la province ; la liste
provinciale étant constituée de l’ensemble des listes
communales, et le fichier électoral national de l’ensemble des
listes provinciales.

Cependant, le décret n°2005-445/PRES/PM/MATD du 25 août
2005 que vous avez pris en application de la même loi stipule
en son article 4 que « l’affichage des listes électorales serait,
soit sur des panneaux mobiles, soit sur les murs de bâtiments
qui abritent les sièges des démembrements de la Commission
électorale nationale indépendante ». C’est dire donc que les
listes électorales seront affichées uniquement dans les
chefs-lieux de départements, la CENI n’ayant que trois
démembrements, la CEPI au niveau de la province, la CECI au
niveau du département et la CECIA au niveau de
l’arrondissement.

Excellence
Monsieur le Président du Faso

Le décret d’application que vous avez pris ne nous semble pas
satisfaire l’esprit de la loi, en ce sens que la communication, la
publication et l’affichage des listes électorales ne répondent pas
à la démarche que prescrit la loi pour l’établissement des listes
électorales.

De ce fait, les dispositions du décret ne sont pas pratiques en
ce qu’elles impliquent que les citoyens des villages d’un
département (ils sont des millions sur l’ensemble du territoire),
doivent se déplacer au siège du démembrement de la CENI,
c’est-à-dire au chef-lieu du département pour consulter les listes
électorales.

Ainsi des dizaines de milliers de villageois devront
se déplacer sur 10 ou 50 Km, voire plus, des quatre coins de
chaque-département et s’agglutiner autour de panneaux
mobiles ou en face du mur qui abrite le démembrement de la
CENI pour consulter ou demander s’il figure sur les listes
électorales, car ils sont analphabètes à 80%.

Personne n’ose
imaginer la scène, et pourtant c’est celle-là que provoque le
décret d’application. C’est pourquoi nous pensons que les
villageois se diront qu’ils ne sont pas bêtes pour entreprendre
un voyage juste pour aller se faire piétiner inutilement avec
presque la certitude de ne pas trouver leurs noms, même s’ils
sont détenteurs d’une carte électorale.

Excellence
Monsieur le Président du Faso,

Nous pensons sincèrement que les dispositions stipulées
dans l’article 4 du décret n°2005-445/PRES/PM/MATD du 25
août 2005 doivent être rapportées pour être reformulées de
sorte que les listes électorales, à défaut d’être communiquées,
publiées et affichées par bureau de vote, le soient par village et
secteur.

Cela sera plus conforme à l’esprit de la loi et plus
pratique.
En outre, cela aura l’avantage de permettre aux citoyens
d’exercer leurs contrôles, leurs droits et leurs devoirs
conformément aux dispositions de la loi portant Code électoral
en son chapitre IV des listes électorales, notamment en ses
articles 45 à 67.

"La CENI a perdu un million d’inscrits"

Excellence
Monsieur le Président du Faso,

Ceux qui ont soumis ce décret à votre signature en le signant
eux-mêmes avant vous, vous ont induit gravement en erreur, et
nous croyons qu’ils l’ont fait à dessein, dans le but de masquer
l’état lamentable du prétendu fichier électoral qui ne peut plus
être caché. En vérité, il n’existe pas encore au Burkina Faso un
fichier électoral national fiable qui saisisse dans toute son
ampleur la population en âge de voter conformément aux
dispositions de la loi.

Pourtant, des sommes importantes nécessaires au
recensement de la population ont été accordées à l’INSD en
1996. Par ailleurs, depuis 1991, des sommes, toutes aussi
importantes, ont été accordées au MATD et aux différentes
structures d’organisations des élections pour le recensement
administratif de la population et les révisions exceptionnelles
des listes électorales avant chaque consultation générale, soit
sept (7) fois en quinze (15) ans, la dernière révision
exceptionnelle et l’informatisation datant de 2005.

Après tant
d’efforts humains et financiers, ne sommes-nous pas en droit,
ne serait-ce par principe de bonne gouvernance, d’exiger un
fichier électoral national légal et fiable ? Sur une population
estimée à 12 millions, les résultats des nombreux travaux de
confection du fichier électoral sont décevants et en guise
d’illustration voici son évolution tout au long de la 4e République

Elections Inscrits Votants Suffrages Taux Abstention
générales exprimés participation
Réfère. 1991 3 403 351 1 660 321 1 620 792 48.78% 51.22%
Prés. 1991 3 433 331 868 038 750 146 25.28% 74.72%
Législ. 1992 3 564 510 1 256 381 1 215 419 35.25% 64.75%
Législ. 1997 4 989 352 2 220 161 2 045 350 44.53 % 55.47%
Prés. 1998 4 204 027 2 357 087 2 268 063 56.07% 43.93%
Législ. 2002 2 935 285 2 223 838 1 637 980 76.76% 24.24%
Prés. 2005 3 924 328 2 262 899 2 066 270 57.66% 42.34%

Quelques réflexions à la lecture du tableau

Le moins qu’on puisse dire est que le fichier électoral est très
fluctuant avec une pointe en 1997 au moment où c’est le MATD
qui l’élaborait.
On peut constater que de 1998 à 2005, la CENI qui a en charge
la gestion du fichier électoral national a perdu au moins 1
million d’inscrits comme le montre clairement le tableau, car de
4 989 352, on est passé à 3 924 328 inscrits et que le nombre
de votants est resté constant autour de 2 200 000 durant la
même période.

En vérité la CENI a perdu 2 000 000 d’inscrits
entre le moment où elle recevait le fichier en 1997 (4 989 352) et
la dernière révision opérée par elle en 2002 (2 935 285). C’est le
MATD qui s’est substitué à elle pour faire la révision
exceptionnelle avant la présidentielle du 13 novembre 2005.
Nous avons dénoncé cela dans la lettre ouverte au Président du
Conseil Constitutionnel le 24 novembre 2005. A chaud nous
avions évalué les inscriptions frauduleuses à 1 000 000.
Effectivement la différence entre le chiffre de 2002 et celui de
2005 est de 989 043. Notre évaluation n’était donc pas
fantaisiste.

Après la présidentielle du 13 novembre 2005, nous avons lu
avec intérêt dans l’Observateur Paalga du vendredi 25 novembre
2005 n°6526 page 6 un écrit du Cercle d’Eveil signé par son
président : « A simple titre d’exemple, l’enquête par sondage sur
l’image, la notoriété et les intentions de vote en faveur des
candidats à l’élection présidentielle de 2005 par le CGD, a
montré que près de 63% du fichier électoral est en fait
constitués par des militants ou des sympathisants du CDP.

Or,
quand on sait que pour gagner une élection, il faut des
électeurs, et que pour avoir des électeurs, il faut des inscrits, on
est à peu près certain que si l’opposition continue à marcher sur
la tête, le pouvoir est assuré de remporter les élections pour des
siècles et des siècles. La conclusion est simple : commencer
par gagner la bataille des inscrits, voilà la seule façon d’être ou
de devenir une opposition d’élection. »

"12 millions d’habitants, 3 millions sur les listes électorales"

Comment se peut-il que 63% des inscrits du fichier électoral
soient des militants ou sympathisants du CDP ? Nous savions
que depuis la présidentielle de 1991, à la faveur des mots
d’ordre de boycott des élections prônées par les partis
d’opposition, l’ODP/MT puis le CDP a non seulement pris le
contrôle des inscriptions sur les listes électorales pour les
gonfler afin d’avoir des taux de participation honorables, mais
aussi a repéré les poches de populations favorables aux partis
d’opposition et les ont éliminées progressivement des listes
électorales.

Pour illustrer le fait : Dans le département de
Bagassi, des villages entiers où les gens étaient sur les listes
électorales en 2000 et 2002 ont été rayés des listes électorales.
A Asio, par exemple, tous les jeunes inscrits en 2002 sur les
listes ont été rayés, à l’exception d’un seul. Dans le village de
Sayaro nous avons pris 60 CIB de personnes ayant voté en
2002 et une seule de ces personnes figure aujourd’hui sur les
listes actuelles.

C’est dans le même département de Bagassi
que nous avons récolté en 2005 quarante deux (42) cartes
d’électeurs établies pour des personnes décédées.
Enfin, tout le monde sait que depuis la première consultation
électorale de la 4e République, les responsables de l’ODP/CDP
ont toujours pu inscrire ou trouver les cartes pour faire voter des
personnes les jours de scrutin même. C’est ce qui explique les
situations incompréhensibles dans lesquelles se trouvent
certains citoyens qui ont des cartes d’électeurs mais ne
retrouvent pas leurs noms sur les listes parce qu’elles ont été
rayées et remplacées. .

Excellence
Monsieur le Président du Faso,

Sur une population estimée à 12 millions à l’intérieur du pays il
est déplorable qu’il y ait à peine 3 millions de citoyens en âge de
voter sur les listes électorales, alors qu’on aurait pu en avoir
autour de 6 millions, sinon plus. Tout se passe comme si avec
le fichier électoral national actuel, on organisait des
consultations électorales tout en ne voulant pas que la majorité
des citoyens en âge de voter puissent s’exprimer.

Nous avons beaucoup d’espoir qu’à l’occasion des élections
locales du 12 mars 2006 qui suscitent un grand engouement et
une grande mobilisation des populations pour participer à un
scrutin, vous rapportiez les dispositions du décret
n°2005-445/PRES/PM/MA TD du 25 août 2005 pour permettre de
communiquer, publier et afficher les listes électorales au niveau
des villages et secteurs.

L’unité de base de l’établissement du
fichier électoral national est le village ou le secteur (article 52 du
Code électoral). C’est donc à ce niveau que les listes
électorales doivent être affichées dans des lieux appropriés
pour permettre à tous les citoyens de les consulter et de
participer à leur contrôle afin que les corrections et les mises à
jour nécessaires puissent être effectuées pour aboutir à un
fichier électoral national fiable et non contesté.

Ainsi seront
créées les conditions pour réaliser le premier droit électoral de
tous les citoyens prévu à l’article 45 de la loi qui stipule que « Nul
ne peut refuser l’inscription sur les listes électorales à un
citoyen burkinabè répondant aux conditions fixées par le présent
Code électoral. »
Veuillez agréer, Excellence, l’assurance de notre haute
considération.

Pour le Bureau exécutif central,
Le Secrétaire général,

Soumane TOURE

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