Actualités :: Gouvernement Yonli II : Dialogue entre un étudiant et un ancien Premier (...)

Un étudiant en sciences politiques (ESP) et un ancien Premier
ministre (APM) face à face. Arguments contre arguments. C’est
un dialogue imaginé par le député Mahama Sawadogo.

ESP : Selon un dicton du terroir, quand on félicite un enfant qu’il
cultive bien, il finit par arracher les jeunes pouces. Est-ce que ce
dicton ne trouve pas une illustration à travers la formation du
gouvernement Yonli III, puisque l’opinion publique semble cette
fois-ci désapprouver le gouvernement ?

APM : Pour apprécier la composition du gouvernement actuel, un
élément essentiel doit être pris en considération. Il s’agit de la
manière dont le président du Faso a été réélu. Plus de 80 % des
électeurs qui se sont exprimés ont certes choisi le président du
Faso et son programme, mais aussi jugé positivement son
bilan. Si l’interprétation du choix de la personnalité du Président
du Faso et de son programme est sans équivoque, il en va
autrement de la signification de l’appréciation du bilan du
septennat qui est l’œuvre de M. Blaise Compaoré et de l’équipe
gouvernementale qui a assuré l’exécution de son programme
antérieur.

Au demeurant, le bilan satisfaisant pourrait avoir
motivé l’électorat dans l’acceptation du programme quinquennal.
Alors, si un tel point de vue est pertinent, l’on pourrait
logiquement supposer que l’électorat a accordé sa confiance
aussi bien à M. Blaise Compaoré qu’à l’équipe
gouvernementale. Une telle perception de la situation ne pouvait
naturellement conduire qu’à un gouvernement très peu différent
du gouvernement Yonli III.

ESP : Monsieur le Premier ministre, ce que vous avancez là est
simplement une hypothèse qui peut tout au plus permettre de
donner une explication de la composition du gouvernement
sans pour autant en donner la justification. En effet, le contexte
dans lequel le Président a été réélu, contexte caractérisé
essentiellement par le soutien de plusieurs partis et
associations de jeunes, de femmes à la candidature du
président, laissait présager une autre composition du
gouvernement.

APM : L’expérience que je possède en matière de formation de
gouvernement dans notre pays me permet d’affirmer qu’un
certain nombre de paramètres doit être pris en compte. Il s’agit
essentiellement :
- de la représentation partisane du gouvernement (participation
de militants de partis politiques) ;
- de la représentation territoriale du gouvernement (participation
de ressortissants de différentes localités) ;
- de la représentation sociale du gouvernement (participation de
catégories sociales : la femme, la jeunesse, la société civile...) ;
- de la compétence technique des membres du gouvernement ;
- de la configuration des postes de responsabilité dans les
principales institutions de la République.

En fonction du contexte politique, le poids respectif des
différents paramètres est variable. Toutefois, en règle générale,
la représentation partisane apparaît très souvent comme la plus
importante, dans la mesure où c’est un parti politique qui est
souvent la locomotive de la conquête du pouvoir. Après ce
paramètre, intervient la représentation territoriale qui s’explique
par des considérations d’unité nationale. En effet, nos
populations se reconnaissent partie prenante à un
gouvernement lorsqu’au moins un ressortissant de leur localité
en est membre.

Quant à la représentation sociale, ainsi que la
compétence technique et les responsabilités assumées dans
les principales institutions de la République, elles ne sont pas
des critères autonomes. Elles sont complémentaires aux deux
premiers paramètres.
En considérant les paramètres évoqués dans l’analyse de sa
composition, le gouvernement Yonli III est suffisamment
pertinent. Pouvait-il avoir une autre configuration ?

Evidemment,
en modifiant le poids de certains paramètres, principalement
ceux de la représentation partisane et de la représentation
territoriale.
La modification de la représentation partisane peut se faire de
deux manières :
- diminuer le nombre de postes ministériels détenus par le
CDP, et accroître ceux des autres partis ayant soutenu la
candidature du président, au risque d’affaiblir la détermination
de ce parti ;
- changer notablement les titulaires des postes occupés par
des militants du CDP avec le risque d’entamer profondément
l’expérience gouvernementale acquise, et de désorganiser sans
précaution préalable la stratégie d’implantation du parti fondée
apparemment sur la fabrication de leaders régionaux.

La modification de la représentation territoriale ne peut être
profonde, sinon elle pourrait avoir des incidences négatives sur
l’unité nationale.
Naturellement ces risques sont difficiles à prendre eu égard
aux défis que posera le quinquennat. Manifestement le chef du
gouvernement n’a pas voulu s’y aventurer en l’absence de toute
garantie sérieuse.

ESP : Monsieur le Premier ministre, si vous étiez à la place du
président de l’ADF-RDA ou celle d’un responsable de l’Alliance
de la Mouvance présidentielle (AMP), auriez- vous accepté l’offre
qui a été faite à ces deux formations politiques ?

APM : La décision de l’ADF-RDA et de l’AMP de soutenir la
candidature du président a eu comme motivation officielle leur
acceptation du programme du candidat dans lequel ces deux
formations politiques affirment se reconnaître. A partir de cette
prise de position politique, le principe de participer au
gouvernement était logiquement d’ores et déjà acquis. Ce qui
n’était pas en revanche acquis, ou plutôt ce qui n’était pas connu
de l’opinion publique, ce sont les modalités de leur participation.
C’est dire que toute spéculation à ce sujet apparaît
normalement sans intérêt et relève plutôt de la surenchère. Du
reste les formations politiques concernées sont suffisamment
responsables pour s’assumer c’est-à-dire faire face aux
conséquences de cette participation.

ESP : Est-ce que la composition du gouvernement Yonli III en fait
un gouvernement de coalition malgré la faible représentation
des partis autres que le parti majoritaire ?

APM : Le chef du gouvernement est conscient de deux choses :
d’abord un gouvernement mono partisan ne sera pas
politiquement accepté par l’opinion, ensuite, un gouvernement
très ouvert aux partis ayant soutenu la candidature du président
présente des risques sérieux d’inefficacité dans la mesure où
les différents partis sont des concurrents entre eux.

Dans cette
condition, un gouvernement de coalition suffisamment ouvert
serait synonyme d’un gouvernement au sein duquel
s’affronteront deux tendances, la concurrence et la collaboration.
Toutefois, pour que cet affrontement ne conduise pas à
l’inefficacité de l’équipe gouvernementale, il fallait éviter tout
équilibre catastrophique entre le parti majoritaire et les autres
partis. C’est ce qui justifie, me semble-t-il, la représentation
partisane déséquilibrée.

Ce déséquilibre est conjoncturel car il
est fonction du rapport des forces qui est nécessairement
dynamique, ainsi que des exigences de l’exécution du
programme quinquennal du président. Au total, le gouvernement
Yonli III est un gouvernement de coalition susceptible d’évoluer
dans un sens comme dans un autre.

Propos recueillis par Mahama SAWADOGO,
Député

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