Le Conseil supérieur de la communication, qui se dit indépendant, a imposé un guide pratique à l’adresse des journalistes et des médias pour la campagne des élections. Tous les organes médiatiques étaient invités à signer ce guide pratique. Si vous ne signez pas vous aurez des problèmes, et ce guide est seulement pour le temps de la campagne électorale. C’est rusé.
Il n’y a pas eu de censure mais plusieurs des articles et annonces que j’ai présentés ont été refusés. Un mois avant la campagne, la radio nationale m’a déjà refusé une annonce pour inviter les gens à voter nul. Voter nul n’est ni contre la Constitution ni contre la loi mais le vote nul voulait dire : il faut que ça change. C’est déjà trop.
Les radios libres ont donné leur programme dans le cadre des élections bien avant la campagne. Ce n’est pas une censure bien sûr ! Mais c’est rusé. Le guide dit : le journaliste ne doit pas faire de faveurs particulières à un parti. Le journaliste ne peut prendre parti ni pour un parti politique ni contre un parti donc ni pour un candidat ni contre un candidat.
Durant la campagne, je ne peux pas écrire : c’est scandaleux de donner tant de cadeaux (motos, voitures, mobylettes, tee shirts, pagnes) tandis que les travailleurs licenciés n’obtiennent pas leurs droits après plusieurs années et que la moitié de la population vit dans la pauvreté absolue. Car c’est manifestement prendre parti contre un parti politique.
Selon le rapport de 2004 de Transparency, acheter des voix (ou des partis) c’est la corruption politique pure et dure. Nous sommes tellement habitués à la corruption de certaines instances que nous avons réagi avec virulence contre les corrompus (qui tournent leur veste ou acceptent de l’argent) sans dire beaucoup de mal du corrupteur.
Dans un pays démocratique, il est naturellement ridicule de d’interdire à un journaliste prendre parti pour ou contre un candidat. C’est rusé. Pensez¬vous que les journaux en France n’attaquent pas le Pen durant la campagne électorale ?
Les gens font même des manifestations contre un candidat mais ici c’est défendu. Celui qui gouverne est toujours le sujet le plus critiqué. Critiquer Blaise Compaoré, dire la vérité sur les résultats de son règne de dix-sept ans pourrait ouvrir les yeux des gens et diminuer un peu sa majorité écrasante. C’est rusé. Mais en tout cas il sera le président le 13 novembre.
Le guide dit que dans une démocratie, il faut une justice libre et indépendante. Mais nous avons une justice à deux vitesses. L’affaire Nobert Zongo traîne depuis six ans. Le guide dit aussi que dans une démocratie, il y a séparation de pouvoirs mais le même guide reconnaît que le président au Burkina a les pouvoirs suprêmes exécutif, militaire, diplomatique et judiciaire, et qu’il promulgue les lois. Et parce que le Burkina Faso est tellement démocratique, il faut que les journalistes se comportent démocratiquement et obéissent aux prescriptions du Conseil supérieur de la communication. C’est rusé.
Bonne nouvelle : le Nigeria a été champion mondial de la corruption mais depuis 1999 la lutte contre la corruption a été entamée et depuis deux ans les résultats émergent ; on commence à avoir peur de frauder.
Frans Balemans
BP 332 Koudougou
Le Pays
