Actualités :: Mgr Séraphin Rouamba : "Pour qui se prend le Père Balemans" ?

Dans la lettre ouverte ci-dessous adressée au Révérend Père Balemans, Mgr Séraphin François Rouamba, archevêque de Koupèla, se permet de rappeler au Père Balemans qu’il ne doit pas oublier "de temps à autre de parler encore aux Burkinabè de Jésus-Christ".

"Mon Révérend Père,

Je viens accuser réception de votre ’tract’ intitulé « Lectori Salus » que vous diffusez actuellement dans toutes les paroisses et structures de l’Eglise-famille du Burkina. J’en ai même vu des traces dans une livraison de L’Observateur paalga ces jours-ci.

Je souhaite que ceux à qui vous envoyez votre lettre pastorale puissent lire aussi celle que les évêques du Burkina leur ont adressée à l’occasion des prochaines échéances électorales qui sont très importantes pour notre pays et sa jeune démocratie.

C’est sans doute pourquoi vous avez voulu, vous aussi, faire entendre votre voix. Au moins on saura que les opinions peuvent être plurielles dans l’Eglise et qu’un prêtre ne se sent pas forcément interpellé par la voix, même unanime d’un épiscopat.

Au moins le constat est clair. Le Père Balemans a fini d’annoncer Jésus-Christ. Il préfère descendre maintenant dans l’arène politique pour un combat singulier avec un des candidats, nommément cité et fortement pris à partie. Et ce, au nom de l’appauvrissement croissant du pays « qui est descendu dans l’enfer de misère ».

L’unique remède pour vous : voter nul : « Deux bulletins différents dans votre enveloppe de vote... » et plus loin : « Votez massivement nul et nos enfants auront une meilleure vie ».

En plus du système de vote à bulletin unique que le citoyen Balemans semble ignorer, et du simplisme effarant de la réflexion, je me suis posé quelques questions : Que veut exactement le Père Balemans ? Qu’espère-t-il ? Pour qui se prend-il ? Un simple militant d’un parti politique ? Fait-il encore partie d’un corps ecclésial et lequel ? Quelle discipline peut-on encore espérer d’un prêtre aujourd’hui ? Quel devoir de réserve un "pasteur d’âmes" peut-il et doit-il encore observer par considération et respect pour les fidèles qui, légitimement, peuvent penser autrement que lui, surtout dans un domaine aussi contingent et fluctuant que la politique ? Surtout quelle considération pour la Parole qu’il se doit de proclamer à tous et de faire aimer et respecter au-delà de tout engagement politique ? Il est vrai que le Père Balemans n’en est plus là...

"Certains se prennent pour des rédempteurs"

Et les fidèles laïcs que le Père a évangélisés et formés depuis le temps qu’il était simple prêtre de la base -avant de devenir le missionnaire libre, indépendant et clairvoyant qu’il est aujourd’hui- se montrent-ils incapables et le déçoivent-ils dans leur engagement social et politique au point qu’il croit plus efficace de gagner lui-même pour eux le combat du développement et de la bonne gouvernance ? Mais comment ? Bien sûr, en votant nul. Mais cela suffit ?

Il y a une manière de faire croire aux gouvernants que tout dépend d’eux : notre bonheur, notre avenir, notre vertu. Ils peuvent tout, tous seuls et nous suivons. Et certains en viennent à se prendre pour des Rédempteurs et autres. Chose totalement ridicule.

Cela veut dire aussi que les maux qui minent la société n’ont pas forcément une unique source. Je sais d’ailleurs que vous connaissez les résistances et les lenteurs inhérentes à toute oeuvre de développement. Vous avez vous-même créé et "dirigé", je crois, une O.N.G. vers Kaya. Merci de ce que vous avez pu faire pour les populations que vous avez ainsi tirées de la misère ; cela pourra faire tache d’huile.

Mais je préfère m’arrêter là pour ne pas déborder le but de mon propos, ne voulant pas débattre ici du fond de vos prises de position.

Ceux qui veulent connaître la pensée des évêques de l’Eglise du Burkina en la matière peuvent se référer à la Lettre pastorale qu’ils ont écrite. Je me sens en accord avec eux. C’est surtout votre manière fougueuse et désordonnée de prendre position sur tout depuis quelques années, et apparemment sans réfléchir, et aussi le principe du tract récemment utilisé qui m’ont intrigué.

Excusez-moi si un mot ou une expression a pu vous choquer ; ça m’étonnerait d’ailleurs, vu votre méthode. Sachez en tout cas que je vous ai lu. C’est ce que vous vouliez. Et je suis même heureux que vous puissiez vous exprimer de la sorte, librement, bien que sans retenue, il est vrai. C’est signe que notre laborieuse marche vers la démocratie gagne du terrain.

Cependant, ce serait une bonne chose que vous vous positionniez clairement et sans ambiguïté pour que votre titre ou votre état ne trompe pas sur le mélange des genres que vous pratiquez.

Mon Père, dans votre combat tous azimuts pour le bonheur matériel des Burkinabè, n’oubliez pas de temps à autre de leur parler encore de Jésus-Christ. Ça pourrait toujours leur faire du bien. Et... croyez un peu plus aux laïcs et en leurs capacités. Ils pourraient vous surprendre.

Monseigneur Séraphin François Rouamba

Archevêque de Koupèla

Tribune : « La culture porte les espoirs d’une Afrique de (...)
Burkina : L’arabe, langue oubliée de la réforme (...)
Burkina Faso : Justice militaire et droits de (...)
Photos des responsables d’institutions sur les cartes de (...)
Burkina/Lutte contre le terrorisme : L’analyste (...)
Lettre ouverte au ministre de l’Énergie, des Mines et de (...)
Sénégal : Le président Bassirou Diomaye Faye quittera-t-il (...)
Cuba : L’Association des anciens étudiants du Burkina (...)
Sahel : "La présence américaine dans la région joue un (...)
Burkina/Transport : La SOTRACO a besoin de recentrer (...)
Burkina Faso : La politique sans les mots de la (...)
Burkina/Crise énergétique : « Il est illusoire de penser (...)
Le Dioula : Langue et ethnie ?
Baisse drastique des coûts dans la santé : Comment (...)
Sénégal / Diomaye Faye président ! : La nouvelle (...)
Burkina : De la maîtrise des dépenses énergétiques des (...)
Procès des atrocités de l’Occident envers l’Afrique (...)
Afrique : Des pouvoirs politiques traditionnels et de (...)
La langue maternelle : Un concept difficile à définir (...)
Technologies : L’Afrique doit-elle rester éternellement (...)
L’Afrique atteint de nouveaux sommets : L’impact de (...)

Pages : 0 | 21 | 42 | 63 | 84 | 105 | 126 | 147 | 168 | ... | 5397


LeFaso.net
LeFaso.net © 2003-2023 LeFaso.net ne saurait être tenu responsable des contenus "articles" provenant des sites externes partenaires.
Droits de reproduction et de diffusion réservés