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Débats autour des élections : Attention à la banalisation des opinions contraires !

Publié le dimanche 16 août 2020 à 21h26min

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Débats autour des élections : Attention à la banalisation des opinions contraires !

S’il est désormais connu que le pays ira aux élections, la démarche, elle, ne rencontre pas l’assentiment de tous les acteurs. La modification du Code électoral converge, à ce stade, le point de discorde.

Le dialogue politique national, qui regroupe la majorité et l’opposition politique regroupée au sein du Chef de file de l’opposition politique au Burkina Faso (CFOP-BF) semble s’accorder pour décider de la suite à donner à travers la modification du Code électoral, en route pour l’Assemblée nationale.

Mais, quel sort faut-il réserver à l’opinion de ceux qui estiment qu’il faut reconsidérer ce cadre du dialogue politique national pour un "large consensus" dans ce projet de modification du code électoral ? Cette catégorie de Burkinabè, acteurs de surcroit au processus électoral, ne mérite-t-elle pas mieux que la banalisation de son opinion dont elle fait l’objet ?

Faut-il simplement se borner à balayer tout du revers de la main en s’appuyant uniquement sur le fait que ces acteurs n’ont aucune assise politique ; c’est-à-dire aucun élu ? N’y-a-t-il pas lieu de se donner toutes les chances d’éviter une chienlit du fait du rejet systématique d’opinions qui ne plairaient pas à l’oreille du cadre de dialogue politique dans son format actuel ?

Considérer le seul cadre du dialogue politique dans sa configuration actuelle comme le lieu suprême pour décider, de la sorte, de l’avenir du Burkina semble poser problème. C’est même paradoxal lorsqu’on sait que ne prennent pas part à la présidentielle que des candidats affiliés à des partis politiques ; les candidatures indépendantes sont admises depuis belle lurette.

Mieux, depuis 2015, les organisations de la société civile ont obtenu, après un long combat, l’admission des candidatures indépendantes aux élections législatives et municipales. Dès lors, comment prendre en compte cette catégorie importante d’acteurs qui n’appartient ni à la majorité, ni au CFOP-BF, ni même à l’ONA (Opposition Non Affiliée), qui doivent compétir sur le même ring ?

On gagnerait donc à se départir de cette culture de banalisation des idées de ceux qui ne sont pas d’accord avec l’opinion émise par ceux qui croient détenir la légalité. Cela est d’autant important qu’il faut rappeler qu’en 2014, lorsqu’il s’est agi du débat sur la révision de l’article 37 de la Constitution, l’on avait admis que si celle-ci était légale, la « légitimité » posait problème.

C’est dire donc qu’on ne peut à un moment se réfugier derrière la légalité pour avancer sans écouter les opinions contraires sur des questions aussi cruciales. Donc, la question de droit soulevée par l’ONA mériterait un meilleur accueil. Bien plus, il faut étendre cette écoute (consensus) aux autres catégories au processus, dont les mouvements politiques et regroupements d’indépendants.

est une chose, satisfaire à une requête en est une autre, mais il faut écouter en s’asseyant ensemble. Le rapport de l’Assemblée nationale a déjà eu sa part de banalisation et de frustrations. Alors, en rajouter dans le contexte général du pays, c’est progressivement réunir les ingrédients d’une crise. Ce que la CENI (Commission électorale nationale indépendante) s’évertue pourtant à éloigner en multipliant les cadres d’échanges avec l’ensemble des acteurs politiques et civiles.

Il serait judicieux que cet esprit de l’institution en charge d’administrer les élections soit partagé par les acteurs politiques classiques, pour éviter d’anéantir les efforts déployés pour des élections acceptées par tous (http://lefaso.net/spip.php?article98686). Pour cela, et sans incidence sur le calendrier électoral, s’écouter dans un même cadre pourrait déjà être un grand pas.

Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 16 août 2020 à 21:09, par Partant pour les élections En réponse à : Débats autour des élections : Attention à la banalisation des opinions contraires !

    Bien vu, analyse très juste et pertinente. Moi même j’ai défendu et défends le maintien des élections mais je vous assure que la démarche m’inquiète aussi. Le problème de nous les Burkinabè, c’est notre mémoire trop courte et à prendre les raccourcis pour vouloir trouver des solutions de longs termes à des problèmes réels. On ne peut parler de cohésion nationale et se moquer en même temps des autres qui ne sont pas d’accord avec nous. Comme vous le dites, on peut s’écouter au moins, même si on ne s’entend pas. Mais ici on a fermé toutes les portes aux autres opinions. C’est quelle éducation on veut donner aux jeunes générations.

  • Le 16 août 2020 à 22:30, par Bakus En réponse à : Débats autour des élections : Attention à la banalisation des opinions contraires !

    Très réaliste comme écrit et j’adhère entièrement à l’idée. Personnellement, j’ai l’impression que la classe politique traditionnelle entretient un deal qu’on ne veut pas partager avec tout le monde mais ils font semblant de ne pas s’opposer par le jeu politique. Sinon, quel est l’intérêt aujourd’hui de ne pas élargir le dialogue politique, surtout que ça date de depuis 2019.

  • Le 17 août 2020 à 00:18, par Vérité crue En réponse à : Débats autour des élections : Attention à la banalisation des opinions contraires !

    « Mieux, depuis 2015, les organisations de la société civile ont obtenu, après un long combat, l’admission des candidatures indépendantes aux élections législatives et municipales. Dès lors, comment prendre en compte cette catégorie importante d’acteurs qui n’appartient ni à la majorité, ni au CFOP-BF, ni même à l’ONA (Opposition Non Affiliée), qui doivent compétir sur le même ring ? ». Juste et logique comme remarque. C’est tout ça là qui fait qu’au Burkina on a les meilleurs textes, mais sans suite dans les idées et c’est vraiment dommage.

  • Le 17 août 2020 à 06:32, par YAMEOGO En réponse à : Débats autour des élections : Attention à la banalisation des opinions contraires !

    Bonjour, SVP la modification de la constitution porte sur quoi exactement ? quel article et quel article seront modifié ? expliquez nous de façon explicite et en français facile !
    merci

  • Le 17 août 2020 à 12:43, par S En réponse à : Débats autour des élections : Attention à la banalisation des opinions contraires !

    Merci monsieur ouedraogo pour cette belle analyse, tout compétiteur des élections doit être pris en compte.

  • Le 17 août 2020 à 13:34, par PG En réponse à : Débats autour des élections : Attention à la banalisation des opinions contraires !

    Non ce ne sont pas seulement des opinions contraires. Ce sont des opinions marginales. Dans une démocratie représentative comme la nôtre, le peuple est représenté par l’assemblée nationale, les conseils régionaux et les conseils municipaux. Entre deux scrutins, s’il y a un consensus entre les acteurs représentés dans ces instances, l’on considère qu’il y a consensus populaire.
    On peut ne pas être d’accord mais c’est le système que nous avons choisi. L’autre voie est la démocratie directe qui revient à consulter le peuple pour chaque question importante. Nous n’avons pas choisi ce système.
    Pour moi donc, les arguments qui consistent à demander la consultation de l’ONA dont tout le monde sait qu’elle ne représente pas grand monde ne sont que fuite en avant.

  • Le 17 août 2020 à 14:05, par sotigui de bobo En réponse à : Débats autour des élections : Attention à la banalisation des opinions contraires !

    Oumar L Ouédraogo, ton combat est juste et patriotique. Les dirigeants ont intérêt à ne pas oublier de sitôt ce qui s’est passé récemment. Ce qui m’inquiète encore plus, c’est le silence de la société civile qui s’est pourtant battue pour la candidature indépendante dans les élections locales, elles sont assises et ce sont les politiques qui décident tout pour que ça s’applique à elles. Quel cadre vous reste encore si vous n’êtes pas pris en compte dans le dialogue ? Autant ne pas gaspiller son argent et son énergie pour aller en campagnes.

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