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Coopération : « Le Burkina et le Maroc se sont accordés à supprimer la formalité du visa à leurs ressortissants respectifs » (Farhat Bouazza, ambassadeur du Maroc)

LEFASO.NET | Edouard K. Samboé

Publié le samedi 15 décembre 2018 à 00h20min

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Coopération : « Le Burkina et le Maroc se sont accordés à supprimer la formalité du visa à leurs ressortissants respectifs » (Farhat Bouazza, ambassadeur du Maroc)

En marge de la deuxième Journée d’amitié parlementaire Burkina-Maroc tenue à Ouagadougou le 22 novembre 2018, l’ambassadeur du Maroc, Farhat Bouazza, a accepté de répondre aux questions du journal Lefaso.net.

Lefaso.net : Veuillez vous présenter.

Farhat Bouazza (F.B.) :
Je voudrais tout d’abord saluer vos lecteurs et vous dire combien j’apprécie le professionnalisme et la ligne éditoriale de votre journal électronique. Mon nom est Farhat Bouazza, 65 ans, marié et père de trois enfants.

Lefaso.net : Depuis combien d’années êtes-vous en poste au Burkina Faso ?

(F.B.) : J’ai été nommé ambassadeur de Sa Majesté le Roi [du Maroc] au Burkina Faso le 24 décembre 2011 ; autant dire que je boucle ma 7e année à Ouagadougou. Cette relative longévité m’a donné l’opportunité de me faire beaucoup d’amis burkinabè et m’a permis de devenir le doyen du corps diplomatique, un titre qui m’honore et dont j’espère assumer les tâches avec rigueur et responsabilité. Si l’on considère le continent africain, le Burkina Faso fait partie du cercle restreint des amis du Maroc. Les relations entre les deux pays se caractérisent par une convergence des positions et un soutien mutuel sur les questions d’intérêts communs.

Lefaso.net : Le Burkina Faso est-il un partenaire privilégié du Maroc ?

F.B. : A plusieurs égards, on peut qualifier d’exemplaires les relations bilatérales soutenues au plus haut niveau par nos deux chefs d’Etats Sa Majesté le Roi Mohammed VI et Son Excellence Monsieur Roch Marc Christian Kaboré.

Lefaso.net : Etes-vous satisfait de l’état d’avancement de la coopération bilatérale ?

F.B. :
Je ne peux qu’exprimer ma satisfaction devant la qualité des relations entre les deux pays et de l’évolution très positive qu’elles connaissent. Je trouve, cependant, qu’au niveau des échanges commerciaux, le volume reste très en deçà des potentialités des deux pays. L’existence d’une quarantaine d’accords et de conventions dans différents domaines, d’une ligne aérienne directe Casa-Ouaga, d’institutions financières à capitaux marocains au Burkina Faso, devrait permettre un meilleur niveau d’échanges.

Lefaso.net : Quel est le message de Rabat pour renforcer ses coopérations parlementaires et diplomatiques avec Ouagadougou ?

F.B. :
Le message est clair et simple : on ne peut pas envisager de renforcer les liens d’amitié, la coopération et construire des partenariats avec un pays en occultant la représentation populaire. Je dirai même que l’action de nos instances législatives est centrale dans la mesure où tout accord ou convention qui représente une certaine importance doit absolument être ratifié par nos chambres respectives.

Lefaso.net : La présence du Maroc dans le champ religieux (mosquées, formations d’imams) n’est-elle pas une diplomatie religieuse ?

F.B. : Pour répondre à votre question, je voudrais citer un paragraphe du discours royal prononcé à l’occasion de la cérémonie d’installation du Conseil supérieur de la Fondation Mohammed VI des Oulémas africains : « La décision de mettre en place cette institution ne fait pas suite à une contingence fortuite, pas plus qu’elle ne vise à réaliser des intérêts étriqués ou éphémères ».

Je dirais pour ma part que l’action entreprise par le Maroc dans le domaine religieux traduit la profondeur des liens spirituels qui unissent les peuples de l’Afrique subsaharienne au Roi du Maroc, Amir Al Mouminine, liens tissés par l’unité de la foi et du rite. Ces actions, qui contribuent à renforcer les liens spirituels et à répandre un islam ouvert, tolérant, participent à une vision holistique qui ne souhaite pas confiner les relations bilatérales aux seuls aspects politique et économique.

Lefaso.net : Pourquoi le Maroc frappe-t-il à la porte de la CEDEAO ?

F.B. : Cette demande s’appuie sur les liens profonds et séculaires qui unissent le Maroc aux membres de la CEDEAO et qui sont de nature humaine, culturelle et cultuelle. A ces facteurs s’ajoutent des relations politiques remarquables et des relations économiques substantielles. Le Maroc reste convaincu que son adhésion à une telle structure ne peut être que bénéfique et profitable pour toutes les parties.

Lefaso.net : Dans le domaine diplomatique, le Maroc est réputé proche du monde occidental. Quel rôle joue le Maroc en faveur de l’Afrique subsaharienne ?

F.B. :
Le Maroc entretient des relations fortes avec les pays européens, que ce soit au niveau de chaque pays qu’au sein de l’Union européenne. Il est le seul pays de la rive sud de la Méditerranée à bénéficier d’un statut avancé auprès de l’Union européenne. A ce titre, le Royaume ne cesse de défendre et de mettre en avant, non seulement ses propres intérêts, mais également ceux de notre continent. D’un autre côté, le Maroc est le seul pays africain à avoir signé un accord de libre-échange avec les Etats-Unis d’Amérique. A ce niveau, il peut jouer un rôle important dans l’accès au marché américain.

Lefaso.net : Le Maroc est-il un poids lourd qui modifie le rôle dominant de quelques Etats au sein de l’UA ou un renfort aux pays francophones ?

F.B. :
En décidant de regagner la famille institutionnelle africaine, le Maroc garde pour objectif le développement de notre continent et sa prospérité. Il cherche, en plus de l’action qu’il entreprend au niveau bilatérale avec la quasi-totalité des pays africains, à contribuer à relever les nombreux défis auxquels le continent fait face. Il ne souhaite pas renforcer un clan sur un autre. Il cherche à unir et non à diviser.

Lefaso.net : Quel est l’état de la circulation des personnes et des biens entre le Maroc et le Burkina Faso ?

F.B. : J’ai déjà évoqué la question de la circulation des biens qui est bien réelle mais qui reste faible au vu de nos atouts respectifs. S’agissant de la circulation des personnes, les deux pays se sont accordés à supprimer la formalité du visa à leurs ressortissants respectifs et le texte juridique concernant la formalisation de cet accord est fin prêt. Nous attendons juste une occasion solennelle pour procéder à sa signature.

Lefaso.net : Le devenir du Sahara occidental est évidemment central pour l’Union africaine dans laquelle vous êtes membre. Quel est le plan de Rabat ?

F.B. :
Le Maroc a manifesté à plusieurs occasions son désir de trouver une solution pacifique à une situation qui n’a que trop duré. Il soutient fortement les efforts du secrétaire général des Nations unies et de son envoyé personnel pour rapprocher les positions et permettre aux pays membres de l’UMA de construire un ensemble intégré tel que souhaité par les peuples de la région.

Le Maroc reste serein et conforté dans ses positions par les résolutions des Nations unies dont les deux derrières, la 2414 et la 2440, ont consacré la prééminence de la proposition marocaine d’autonomie, jugée sérieuse et crédible par l’instance onusienne. Ces résolutions, qui soulignent la nécessité de trouver une solution pragmatique, durable et réaliste, le Maroc les fait siennes.

C’est dans cet esprit que le Royaume s’est engagé dans la réunion de la table ronde organisée à Genève les 5 et 6 décembre par le représentant personnel du secrétaire général des Nations unies. C’est dans le même esprit qu’il a déclaré son attachement au processus politique et soutenu l’envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies quant à l’organisation d’une seconde table ronde lors du 1er trimestre 2019.

Lefaso.net : Quels secteurs au Burkina Faso attirent les investisseurs marocains ?

F.B. : Le Maroc a participé à la conférence internationale de Paris en 2016 destinée à mobiliser les ressources de financement du PNDES. A cette occasion, des entreprises marocaines ont manifesté leur intérêt pour un certain nombre de secteurs dont on peut citer l’énergie, l’agriculture et l’industrie. Des entreprises marocaines sont déjà présentes au Burkina Faso au niveau des télécoms, de la finance, de l’industrie et des médias.

Lefaso.net : Est-ce que les entreprises marocaines entendent former de la main-d’œuvre locale ?

F.B. :
Quand on considère les entreprises à capitaux marocains présentes sur le sol burkinabè, on se rend compte qu’il n’y a pratiquement pas de ressortissants marocains qui y travaillent. Tout le personnel qui a besoin d’une formation particulière effectue des stages au Maroc ou ailleurs, si c’est nécessaire.

Lefaso.net : Le Maroc est la 45e puissance militaire mondiale et la première force aérienne africaine. Quelle est sa part dans la lutte contre le terrorisme au Sahel ?

F.B. :
L’approche marocaine de lutte contre le terrorisme est multiforme. En plus du côté sécuritaire, force armée et renseignement, cette approche accorde une place importante au développement économique, à enseigner un islam ouvert et tolérant et parfois même à réviser les manuels scolaires quand ils risquent de déformer la vision des jeunes.

Pour ce qui est du Sahel, le Maroc, qui entretient des relations excellentes avec les pays de cette région, n’hésite pas à apporter son expérience en matière de lutte contre le terrorisme, à former des officiers spécialisés et à échanger des renseignements. A l’occasion de la réunion de la conférence de coordination des partenaires et bailleurs de fonds du G5 Sahel, qui vient de se tenir à Nouakchott, le Maroc a clairement exprimé sa volonté de coopérer pleinement avec les pays membres de ce groupe et a annoncé à cette occasion le programme qu’il a élaboré à cette fin.

Lefaso.net : Comment expliquez-vous votre dynamisme dans la sphère culturelle burkinabè ?

F.B. :
J’ai été toujours été passionné par les diversités culturelles. En poste au ministère des Affaires étrangères, j’ai officié comme chargé aux affaires culturelles. Au regard de la richesse culturelle du Burkina Faso, il était important d’œuvrer pour le rayonnement de ces diversités aux côtés des Burkinabè. Je trouve qu’en tant africain, qu’il faut s’approprier nos valeurs culturelles et pouvoir les faire vivre afin qu’elles soient des vecteurs d’attractions touristiques.

Lefaso.net : Votre dernier message...

F.B. : Je voudrais remercier le peuple burkinabè pour son hospitalité et profiter de cette fin d’année pour lui présenter mes vœux les plus sincères de paix, de prospérité et de bonheur.

Interview réalisée par Edouard K. Samboé
Samboeedouard@gmail.com
Lefaso.net/Ledeputemetre.net

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