Crise dans les cités universitaires : La F- SYNTER soutient les étudiants
La reprise du calendrier universitaire se déroule dans un contexte marqué par l’anniversaire de l’insurrection des 30 et 31 Octobre qui a mis fin au pouvoir mafieux de Blaise Compaoré, et par le mouvement de résistance contre le putsch du Général Diendéré le 17 septembre 2015. Ces deux événements ont montré à la face du monde que le peuple burkinabè, avec une jeunesse de plus en plus consciente, ne peut plus se contenter d’une gouvernance médiocre incapable de résoudre correctement la soif de démocratie et de justice sociale. Parmi les problèmes qui ont emmené le peuple et la jeunesse dans la rue figure en bonne place la question de l’éducation et plus particulièrement la crise du système universitaire telle que nous le vivons depuis des années.
En effet, ce n’est qu’un secret de polichinelle de dire que les cycles universitaires sont perturbés à telle enseigne qu’il est difficile, de dire sans hésiter, à quelle année ou quel semestre universitaire, ils sont. L’esquisse du calendrier universitaire de l’Université de Ouagadougou suffit à comprendre que nos cycles sont totalement déboités des périodes académiques normales qu’on connaissait avec une rentrée en Octobre et des vacances en Juillet. Nous pensons que dans le développement du pays, les gouvernants actuels et à venir, ont à faire des choix parmi des priorités dans leur gestion des affaires et que la résolution des problèmes de l’université doit s’inscrire en bonne position parmi ces priorités parce qu’il s’agit là, de l’éducation des enfants du pays, de la formation des cadres d’aujourd’hui et de demain. Au nombre des problèmes dont souffre notre enseignement supérieur on peut noter la question du LMD, le manque d’infrastructures et de personnels en quantité et en qualité et une gouvernance chaotique.
Si l’université est aujourd’hui malade, comme nous l’avions déjà signifié à plusieurs reprises, c’est en raison des programmes d’ajustements structurels imposés par les institutions de Bretton- Wood dont la mise en œuvre a conduit à une vassalisation graduelle de nos systèmes d’enseignement supérieur à d’autres systèmes. Les pressions qui ont valu l’adoption, en dehors de toute logique intellectuelle et matérielle, du système LMD, sont là pour nous édifier. Ce système n’est pas en soi un problème, mais ce sont les conditions de sa mise en œuvre qui continuent de poser des problèmes. Comme nous avions écrit sur la question du LMD, nous répétons encore le contexte déplorable dans lequel il a commencé à être appliqué : tout se passe comme si on a sauté pieds joints, par décret, dans le système, sans évaluation préalable des besoins d’innovations à apporter aux infrastructures, au fonctionnement de l’administration, sans formation subséquente des enseignants devant mettre le système en application, etc.
Le manque d’infrastructures est un autre élément qui entrave la demande de formation dans nos universités publiques. Des efforts qui sont faits dans ce sens sont à saluer, même s’ils sont insuffisants. Il ne suffit pas de construire des bâtiments ; il faut veiller à la qualité technique et à leur fonctionnalité. Il nous est revenu qu’un bâtiment, au sein de l’UFR/SJP, face au boulevard Charles de Gaule, construit assez récemment, certainement à des dizaines, voire des centaines de millions du contribuable, a été récemment évacué parce qu’il est sur le point de s’écrouler. Cet incident malheureux pose en réalité le problème de la qualité technique du bâtiment qui a été livré à l’Université, par extension, la qualité technique de nombreux travaux de construction menés dans les universités, mais aussi, un problème de gouvernance de ces genres de questions.
La gouvernance universitaire est à réformer de fond en comble. Nous avions, entre autres, déjà condamné des pratiques obscènes au niveau de la haute sphère de notre administration qui avait permis d’écarter deux présidents de CTS du CAMES, celui de lettres et sciences humaines et celui des sciences de la santé, qui avaient pourtant été élus par leurs pairs. Il est inadmissible que notre système d’enseignement continue de fonctionner sur cette base-là. Il est impératif que nos administrations soient guidées par une éthique basée sur la compétence et la responsabilité des acteurs. C’est dans cette ambiance qu’une crise oppose actuellement la direction des œuvres universitaires aux étudiants. La façon dont elle est perçue et traitée est tout simplement symptomatique d’une gouvernance plus tournée vers la répression.
En effet, depuis le 26 octobre 2015, les activités pédagogiques et académiques sont suspendues dans les universités de Ouagadougou et de Ouaga 2 pour fait de grève des étudiants sous la direction d’une coordination de huit de leurs associations à caractère syndical (ANEB-ASEF-FES/BF-FESCIBF-MEFA-UNEF-UESB-UNARES) en vue de la satisfaction de leur Plate Forme Revendicative déposée le vendredi 23 octobre 2015 auprès du Ministère des enseignements secondaire et supérieur (MESS). Comment en est on arrivé à cette situation combien déplorable que l’on pouvait éviter ?
Les étudiants en fin de vacances reviennent pour intégrer les cités universitaires ; or il se trouve que cette rentrée a été repoussée à une date ultérieure. En effet, l’ouverture des cités universitaires initialement prévue le 25 septembre ne pourra se faire à cause de la résistance populaire contre le coup d’Etat du 17septembre. Le report de la rentrée scolaire et académique annoncé le 29 septembre par les deux Ministères en charge de l’éducation pour le 8 octobre va amener aussi la direction générale du CENOU à reporter l’ouverture des cités le 6 octobre 2015. Face aux difficultés des étudiants déjà rentrés des vacances qui espéraient reprendre les cours le 1eroctobre à trouver un logis en vue d’attendre le 6 octobre, les délégués des cités tenteront en vain de trouver des solutions palliatives avec la direction générale du CENOU. Exaspérés et refusant de dormir à la belle étoile, les résidents des cités occuperont leurs chambres le 2 octobre et entreprendront une marche le 13 octobre sur la direction générale du CENOU pour se faire entendre. Depuis le 20 octobre 2015 les œuvres sociales dans les universités de Ouagadougou et de Ouaga 2 sont suspendues.
Cette situation vient une fois de plus démontrer que nos universités publiques souffrent d’un problème de gouvernance ; les autorités affichant toujours une arrogance et un mépris notamment à l’endroit des préoccupations légitimes des étudiants. Ils sont dans la plupart des cas traités comme des irresponsables ou des personnes manipulées. Certains actes comme celui de couper des œuvres sociales pour les faire chanter ne font que créer un climat malsain dans lequel, les étudiants se sentent toujours dans l’obligation de réagir par la violence pour se faire entendre surtout s’ils se sentent les plus faibles de la communauté universitaire et isolés quand l’administration bénéficie du soutien sans faille de certains enseignants qui sont sensés partager leurs préoccupations.
Nous avons à plusieurs reprises attiré l’attention de nos autorités sur leurs attitudes dans la résolution des crises. La méthodologie mise en oeuvre dans la crise actuelle, nous rappelle l’ère du gouvernement de Blaise Compaoré qui n’hésitait pas, à chaque fois que l’occasion se présentait, surtout lorsque les étudiants engageaient des luttes légitimes pour améliorer leurs conditions de vie et d’études, à les réprimer et à les affamer en fermant les restaurants ou à les rendre vulnérables, en fermant les cités. Voir de telles attitudes de la part du gouvernement de la transition issu de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 et sauvé lors du coup d’Etat du 16 septembre 2015 par notre peuple, notamment par sa frange jeune qui a payé le lourd tribut en tombant sur les barricades de la résistance, est inacceptable. Que signifie cette surenchère artificielle ? Veut-on délibérément créer les conditions de blocage de l’université pour ensuite la fermer ?
Face à cette situation, le Comité de la F-SYNTER de l’université de Ouagadougou :
– dénonce et condamne l’attitude du gouvernement de la transition à travers celle des autorités du MESS qui consiste à diaboliser les étudiants aux yeux de l’opinion publique et à les mépriser ;
– exige de la part du gouvernement de la transition des solutions durables aux problèmes de nos universités publiques ;
– exhorte les autorités à engager dans les meilleurs délais le dialogue pour créer les conditions nécessaires pour la reprise effective des activités pédagogiques et académiques dans les universités de Ouagadougou et de Ouaga 2.
C’est cette jeunesse qui a contribué grandement à l’insurrection et à la résistance qui demande que l’on s’occupe d’elle, que l’on cesse de traiter ses problèmes avec mépris. Si la situation devait dégénérer, les autorités de la transition et plus particulièrement celles de l’enseignement supérieur en porteraient l’entière responsabilité.
Non à la diabolisation des étudiants !
Pain et liberté pour le peuple !
Ouagadougou le 04 novembre 2015
Alain SANOU
Secrétaire Général du Comité de la F-SYNTER de l’Université de Ouagadougou.

