Insécurité à l’Est du Burkina : la population entre collaboration et prudence.
« Audi, vide, tace, si vis vivere ». Ce proverbe latin qui signifie « Ecoute, observe et tais-toi, si tu veux vivre », résume bien le malaise que vivent au quotidien les populations de la région de l’Est du Burkina Faso. Là-bas, que vous soyez victime ou témoin d’un braquage, vous devez rester muet comme une carpe, au risque de passer un sale quart d’heure, pire, prendre une balle dans le dos. C’est la psychose totale dans les familles qui peinent désormais à « collaborer » avec les forces de sécurité dans la traque des malfrats.
Un réseau de bandits démantelé par ci, des escrocs mis hors d’état de nuire par-là ! Les forces de sécurité ne cessent de nettoyer le pays à coup de « petits balais ». Et la phrase qui sert de leitmotiv lors des présentations de malfaiteurs aux journalistes est « nous remercions la population pour sa franche collaboration et nous l’appelons à redoubler de vigilance ». Bref, l’heureuse complicité qui existait entre les forces de sécurité et les populations tend à s’effriter car elle a désormais un prix : menaces, braquages ou très souvent assassinats en guise de règlement de compte. Bogandé dans la province de la Gnagna, à l’instar de toutes les localités de la région de l’Est, est en proie aux assauts répétés des malfaiteurs qui n’hésitent pas à narguer les compétences de nos policiers et gendarmes le jour comme de nuit. En témoigne le braquage du marché par quatre personnes, le dimanche 8 mars 2015 aux environs de 18h. Ce serait ingrat de ma part de faire fi des sacrifices consentis par nos hommes de tenue dans la lutte contre le grand banditisme. Mais pour emprunter aux commerçants leur expression culte, je dirai que « c’est bon mais ce n’est pas arrivé ».
De passage à Bogandé à 280 km de Ouagadougou, j’appris qu’un mécanicien fut abattu le dimanche dernier par deux hommes. Qui étaient ces hommes ? « Personne ne sait », me lançait-on à chaque fois que ma curiosité me conduisait vers un habitant de la ville. Mais les choses vont mieux se préciser lorsque Monsieur T.S me dira : « Ici, même si ton voisin est un braqueur, tu n’es pas bête pour aller le signaler aux policiers car même si on l’attrape, tôt ou tard il va sortir. Et c’est là que tu vas regretter de l’avoir dénoncé ». Je compris à l’instant T que la collaboration des populations étaient mise à rude épreuve à trois niveaux : l’arrestation - le jugement - l’emprisonnement des bandits.
En effet, lorsque la police burkinabè fait son boulot et conduit les présumés malfrats devant le tribunal avec toutes les preuves à l’appui, c’est à la justice de prendre ses responsabilités pour que les sanctions soient à la hauteur des actes posés par les prévenus. Enfin, lorsque ceux-ci sont déférés dans les maisons d’arrêts et de corrections, il revient enfin à nos Gardes de sécurité pénitentiaires (GSP) de veiller à ce que les condamnés restent entre les quatre murs, jusqu’à purger entièrement leur peine. Et après ? Que deviennent les citoyens qui ont témoigné contre les bandits ? Des mesures sont-elles prises pour les protéger des « méchants » après que ceux-ci soient sortis de l’environnement carcéral ? Non ; vous répondront les personnes qui ont vu leur proche menacé ou tué par une personne qu’elles avaient auparavant dénoncées. La théorie du règlement de compte n’est donc pas à écarter de cette affaire de mécanicien tué à Bogandé.
Si le renforcement de la sécurité intérieure et de la défense nationale ; et l’amélioration de la justice font réellement partie des quatre grandes priorités des autorités de la transition, il serait absurde de ne passer au peigne fin la situation des braquages dans notre pays qui a en ce moment les yeux rivés sur les folies de la secte islamique Boko-Haram. Il faut doter nos braves policiers et gendarmes et pourquoi pas les militaires des moyens logistiques nécessaires pour traquer sans pitié ces « hors-la-loi » qui sèment la terreur dans nos villes et campagnes. Et, il faut agir vite. Très vite.
Herman Frédéric BASSOLE
Lefaso.net