Formation technique et professionnelle à Bobo : Un centre construit grâce à l’argent de la bière
Economiser l’argent des verres de bière pour construire un établissement semble être improbable au Burkina Faso. Et pourtant, c’est ce qui a permis à des étudiants hollandais de financer la construction d’un des établissements de formation professionnelle les mieux équipés de la ville de Bobo-Dioulasso en l’occurrence le Centre de formation technique et professionnelle (CFTP/MOET).
Il était 11 h 30 mn quand nous arrivions ce lundi 04 novembre 2013 au Centre de formation technique (CFTP/MOET), sis au secteur 11 de Bobo-Dioulasso. A vue d’œil, il n’y a rien à dire sur l’équipement. Sans être un expert on est vite impressionné par les installations. De la section menuiserie bois en passant par la construction métallique, la mécanique générale et la mécanique automobile, tout est en place. Tout comme les enseignants et les apprenants. Occupés les uns à donner des instructions et les autres, à exécuter. Enseignant et gestionnaire du centre à l’absence du directeur, Evariste Nahini guide une visite des lieux. Il explique minutieusement la vocation professionnelle de l’établissement. Avec 80% des apprenants dont les scolarités sont prises en charge, le CFTP/MOET n’excède pas le nombre de 20 élèves par classe. Ce nombre, à entendre Magini, permet de suivre les enfants et de leur donner une véritable formation professionnelle. Car en plus de la théorie, cet établissement compte se démarquer des autres en mettant l’accent sur la pratique et les exercices professionnels.
CFTP/MOET, le fruit d’une chaîne de solidarité
Jeune « M’binguiste » (africain résident en Europe dans le jargon ivoirien), Moctar Amadou Saramatao faisait face à des sollicitations à chacun de ses voyages au pays. Privilégiant les cas scolaires, il a opté de prendre en charge la scolarité de quelques enfants. Nous sommes en 1998 et Moctar se retrouvait déjà avec 13 enfants sous les mains. La même année, madame Saramantao née Francesca berkvens faisait un tour au Burkina. De façon inopinée elle tombe sur le dossier des enfants pris en charge par son mari. Sa première question se résume à ça « Est-ce que tu pourras tenir à ce rythme ». Solidaire avec son mari, elle lance une campagne de souscription à son retour au Pays-Bas. Dans la même année 1998, 25 bourses sont obtenues. Heureusement pour les Burkinabè et pour les Bobolais en particulier, sur initiative de madame Saramantao, l’Association Vive l’initiative va être créée en Hollande. Son répondant au Burkina « les amis de Vive l’amitié » est d’office créée. Depuis, des centaines d’élèves et d’étudiants bénéficient des bourses d’études.
La genèse du CFTP/MOET
Vive l’initiative et les amis de vive l’initiative ont permis aux Hollandais et à leurs répondants burkinabè de venir en aide à des centaines d’enfants. Mais une chose est d’inscrire un élève dans une école et une autre est de lui donner des conditions supportables pour travailler. Percevant des difficultés (très souvent familiales) de certains élèves pour émerger, Moctar Saramantao va murir l’idée d’une école professionnelle avec tous les accompagnements possibles. En espace de quelques mois ce projet qui comptait initialement 22 filières d’études s’est retrouvé sur la table du consul Freek Warmeling. Tout en étant d’accord avec l’idée, Freek Warmeling trouve tout de même le projet exorbitant. Néanmoins, il promet de faire son mieux. Puis disparaît pour 6 mois
Des étudiants de l’université d’Amsterdam se privent de la bière pour construire le centre
De retour à Amsterdam, le consul Freek Warmeling partage le projet de construction du centre avec son fils Allar Warmeling. Séduit, le jeune homme en fait une affaire personnelle. Avec des amis ils vont mettre en place une fédération de 1250 étudiants de l’Université d’Amsterdam (Universtjit van amsterdam en hollandais). Après analyse du projet, la fédération demande à Moctar Saramantao de réduire considérablement sa vision du centre. De 22 filières, celui-ci revient donc à 4 filières d’études pour son centre de formation. Le projet revu et soumis aux étudiants, Allar Warmeling et ses promotionnaires vont plancher sur le mode de financement. Finalement, ils optèrent pour se priver d’au moins un verre de bière (1, 5 euro le verre) par mois et par étudiant. En quatre mois, ils ont pu réunir 45 millions de Francs CFA. Il est alors demandé à Moctar Saramatao de trouver les 15 millions restants pour boucler le financement. Avec l’aide d’autres amis, Moctar Saramantao va jouer sa partition. Grâce donc à tout ce beau monde, le CFTP/MOET a ouvert ses portes en 2008.
CFTP/MOET, un accompagnement au-delà de l’école
Le CFTP/MOET construit, Moctar Saramantao et l’Association Vive l’initiative vont inscrire des personnes en difficultés avec l’aide des partenaires hollandais. Comme moyen de fonctionnement de l’établissement, les promoteurs suggèrent aux parrains des financements sous forme de don en matériel. Ce qui permet à l’établissement d’être particulièrement bien équipé. Et de préparer l’après formation pour les apprenants. En effets, après des années de formation et après le Certificat d’aptitude professionnelle (CAP), les ex-pensionnaires du CFTP/MOET qui entendent s’installer à leur propre compte ont de quoi le faire. Parce que l’établissement leur donne de quoi ouvrir un atelier. En retour les nouveaux entrepreneurs doivent travailler à rembourser le matériel reçus à leur démarrage.
Ousséni BANCE
Lefaso.net