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Campagne agricole dans les Hauts-Bassins : Quand la pluie joue les prolongations

Publié le vendredi 6 novembre 2009 à 01h49min

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La fin de la saison pluvieuse qui marque aussi la fin de la campagne agricole ne semble pas être pour demain dans certaines localités du pays. Jusqu’à la fin du mois d’octobre, il pleuvait encore des cordes dans des régions comme les Hauts-Bassins et principalement à Bobo-Dioulasso où plus de 44 mm de pluie ont été enregistrés le samedi 31 octobre dans la soirée.

Des pluies qui ne sont pas sans conséquences en cette période d’épiaison et de maturité des cultures. L’inquiétude, qui s’est alors emparée des techniciens de l’agriculture et surtout des producteurs, va grandissante au fil des jours dans cette partie ouest du Burkina où de gros nuages noirs côtoient quotidiennement le soleil qui éprouve toujours de la peine à pointer ses puissants rayons.

Des producteurs dans les Hauts-Bassins pourraient bien se demander ce qu’ils ont pu faire à Dieu pour mériter un tel sort. Une question, somme toute, légitime au regard de la fréquence des pluies ces dernières semaines, et en cette période où la plupart de nos braves paysans se préparent à entamer l’une des dernières étapes de leurs travaux champêtres, à savoir les récoltes. Pourtant réclamée à cor et cri en début de saison, la pluie qui se faisait tant désirer n’en finit toujours pas de surprendre.

Les caprices de dame nature qui a choisi cette fois-ci de jouer les prolongations en cette fin de campagne, particulièrement, bien arrosée dans les Hauts-Bassins. Cent trente-deux millimètres (132 mm) d’eau ont été recueillis en 12 jours de pluies au cours du mois d’octobre. « Nous avons connu cette situation en 2006 avec 166 mm d’eau enregistrés à la même période. Hormis cela, il faudra remonter 15 ans en arrière pour connaître une telle pluviométrie au mois d’octobre », nous apprend Antoine Zoungrana, observateur météo à Bobo.

Et selon les statistiques, la pluviométrie normale du mois d’octobre est de l’ordre de 57,7 mm. Avec plus de 130 mm d’eau recueillie en cette fin de campagne agricole, il y a véritablement lieu de s’inquiéter. Ce qui est sûr, la pluviométrie a été très abondante le mois dernier où 44 mm d’eau ont été recueillis pour la seule journée du samedi 31 octobre. Une pluie qui aura duré quatre heures environ et qui n’était pas sans conséquences pour les manifestations entrant dans le cadre du 49e anniversaire des Forces armées nationales à Bobo- Dioulasso.

D’abord, la retraite au flambeau qui a été gâchée par une pluie qui s’est invitée à la marche, ensuite le théâtre de l’amitié qui restera fermé aux mélomanes de Sya. Eux qui attendaient de communier avec la cour suprême à ce concert de la paix organisé pour la circonstance. Le comité d’organisation de ce quarante-neuvième anniversaire n’était toujours pas au bout de ses peines lorsque le lendemain très tôt dans la matinée, le ciel n’hésita pas à nouveau à ouvrir ses vannes.

Du coup, le dispositif mis en place pour la cérémonie de prise d’arme suivi du défilé du 1er-Novembre devant le gouvernorat des Hauts-Bassins va connaître des perturbations. Une pluie qui s’estompera avant l’arrivée des invités et du début de la parade militaire. Le moins que l’on puisse dire est que le week-end écoulé a été particulièrement bien arrosé à Bobo-Dioulasso. Des pluies qui, malheureusement, continuent de troubler le sommeil de nos braves paysans.

Un phénomène lié aux changements climatiques ?

Bon nombre de producteurs dans les Hauts-Bassins sont désormais partagés entre le doute et l’espoir avec cette pluviométrie qui ne cesse de compromettre dangereusement certaines spéculations en pleine maturité. Ce qui est sûr, des incertitudes planent depuis la fin du mois d’octobre sur des cultures qui restent sous la menace de ces pluies souvent accompagnées de vents violents. Un phénomène inhabituel en cette fin d’hivernage et que certains ont vite fait de lier aux changements climatiques qui sont en train de bouleverser l’ordre normal des choses dans le monde.

Comment expliquer ces abondantes précipitations du mois d’octobre alors que le début de la campagne a connu une installation tardive avec les pluies qui se faisaient rares comme des larmes de chien. Il a fallu attendre, au dire des techniciens de l’agriculture, la deuxième décade du mois de juillet pour avoir une pluviométrie assez fréquente. Une régularité qui permettra, d’ailleurs, de faire la mise en place des cultures essentielles comme les céréales et le coton.

D’une manière générale, les pluies n’ont pas connu cette année de forte intensité dans la région. Elles sont plutôt caractérisées par leur régularité qui a ainsi permis aux cultures d’avoir un comportement végétatif assez remarquable jusqu’en septembre où, malheureusement, on a enregistré quelques poches de sécheresse. Toujours est-il que l’espoir qui est apparu au cours de la dernière décade du mois de septembre, avec la reprise de l’activité pluviométrique, est en train de se transformer en un cauchemar pour les producteurs.

Lesquels sont désagréablement surpris par ces fréquentes et abondantes pluies du mois d’octobre. Si en octobre 2007 on a enregistré seulement 26,3 mm de pluie et 49,1 mm en 2008, tel n’est pas le cas cette année où le ciel s’est montré beaucoup plus généreux qu’il n’en fallait avec plus de 130 mm de pluie en 12 jours. A quand alors la fin de cette saison des pluies ? Une question qui reste toujours sans réponse pour des producteurs qui ont visiblement de la peine à comprendre ce qu’il leur arrive en cette fin de campagne.

Les cultures en danger

Ces précipitations du mois d’octobre, ne sont certainement pas pour plaire aux principaux acteurs du monde agricole, encore moins au chef du service études et planification de la direction régionale du ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques des Hauts-Bassins. Bruno Sanou, que nous avons rencontré à son bureau, ne cache pas son inquiétude. « Nous étions contents de la reprise des pluies vers la fin septembre compte tenu du faite qu’on avait un important lot de semis tardifs. Cela nous a fait espérer de voir ces semis tardifs rentrer dans leur cycle végétatif normal.

Malheureusement, jusqu’à la date d’aujourd’hui (nous étions le lundi 02 novembre), nous avons toujours des pluies. Cela est inquiétant d’autant plus que ces pluies sont en train de faire des dégâts au niveau de nos cultures qui sont au stade de maturité. Des pluies aussi fréquentes avec des quantités d’eau importante, cela va inévitablement porter préjudice à certaines cultures ». Cette fin de campagne agricole est loin d’être rassurante pour les producteurs de la région des Hauts-Bassins.

Selon les techniciens de l’agriculture, toutes les spéculations sont exposées à ces pluies, même si les risques varient d’une culture à une autre. Et Bruno Sanou de préciser que « ces précipitations sont souvent accompagnées de vents violents. Des vents qui causent d’importants dégâts, notamment dans les champs de mil et de sorgho. A l’heure actuelle, les cultures les plus touchées sont le niébé, le fonio, le petit mil. Au niveau du coton il faut craindre les pertes de qualité de la fibre ».

Avec cette situation qui prévaut dans les Hauts-Bassins, les prévisions au niveau des services techniques de l’agriculture vont certainement prendre un sérieux coup et il est à craindre une baisse des rendements. Surtout qu’avec le début de la campagne, qui avait connu de sérieuses perturbations dues à l’installation tardive des pluies, les précipitations du mois d’octobre n’étaient pas pour arranger les choses.

Ce qui est sûr, au niveau de la direction régionale de l’Agriculture des Hauts-Bassins, l’optimisme n’est pas totalement de mise. Nul doute que nous en saurons davantage avec ces missions de la Direction régionale de l’agriculture qui vont bientôt sillonner les zones les plus touchées afin de s’enquérir de l’état des cultures et mesurer l’ampleur des dégâts.


Quatre questions à Richard Sengbéogo de l’ASECNA

Pour mieux cerner les causes d’une telle pluviométrie au cours du mois d’octobre, nous avons approché le chef du Centre météo secondaire de Bobo, Richard Sengbéogo, qui s’est prêté volontiers à nos questions.

Quelle appréciation faites-vous de cette pluviométrie du mois d’octobre ?

• Il s’agit là d’un phénomène normal du fait qu’au cours de ces trente dernières années, le mois d’octobre a toujours eu des pluies. Seulement cette année, la pluviométrie a été excédentaire, dépassant largement la normale qui est de 57,7 mm. C’est pour vous dire qu’au mois d’octobre, on doit enregistrer en moyenne 57,7 mm de pluie alors que cette année, nous sommes à un peu plus de 132 mm. C’est une année quelque peu exceptionnelle parce que même à Dori il a plu cette année en octobre.

Quelles explications donnez-vous alors à ce phénomène ?

• Ces pluies du mois d’octobre s’expliquent par le fait que le front intertropical qui est la zone d’intersection entre les vents d’harmattan et les vents de mousson a été au-delà de Dori. Ce qui fait que la pluviométrie a été effective sur toute l’étendue du territoire, mais à des degrés divers. On a enregistré ça et là des quantités d’eau remarquables. A Bobo par exemple, on a eu une pluie qui a duré presque toute la journée du 30 et à la date du 31 octobre, on a relevé au total 46,6 mm d’eau. Une telle quantité a même été rare durant le mois d’août à Bobo.

Avec un tel phénomène, faut-il craindre un décalage de la saison ?

• Je vous apprends d’abord que le Centre météorologique de Bobo est un centre d’observation et non de prévision. Nous ne pouvons pas vous dire s’il y aura un décalage de la saison. Mais à mon humble avis, il ne saurait y avoir de décalage par rapport à la saison à venir. Comme je le disais tantôt, les pluies d’octobre sont un phénomène normal et que même dans nos prévisions, nous attendons encore des précipitations en ce mois de novembre où la moyenne est de 7,7 mm et en décembre 1,2 mm.

Ce qui veut dire qu’il y aura toujours de la pluie ?

• Pourquoi pas. Il n’est pas exclu qu’il y ait encore des pluies. En ce mois de novembre on a déjà enregistré un peu plus de 2 mm alors que la moyenne est de 7,7 mm. Je pense qu’il faut toujours s’attendre à la pluie. Surtout que ces jours-ci, on constate de la mousson au niveau de Bobo alors qu’au Centre, on assiste plus à des incursions de vent d’harmattan.

Propos recueilli par
JAK

L’Observateur Paalga

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