LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

A l’épreuve de l’Examen périodique universel : Quel bilan pour les droits de l’homme au Burkina ?

Publié le mercredi 18 février 2009 à 09h44min

PARTAGER :                          

Salamata Sawadogo, ministre de la promotion des droits humains

Le 8 décembre 2008, le Burkina Faso subissait son examen de passage à l’E.P.U (Examen Périodique Universel), à travers un Rapport national sur la situation des Droits de l’Homme dans notre pays, et ce conformément à la résolution 5/1 du Conseil des Droits de l’Homme de l’O.N.U. C’était à Genève, dans le cadre de la troisième session de l’E.P.U. institué par l’Assemblée Générale des Nations Unies.

En attendant d’y revenir plus en profondeur compte tenu des nombreux enseignements qui se doivent d’en être tirés, le rapport ainsi que les différentes observations et recommandations qui en ont été faites, nous inspirent en première lecture quelques remarques.

Arrêtons-nous d’abord sur la procédure suivie pour l’élaboration du rapport. Si la contribution de la société civile a été soulignée, on demeure sur sa faim quant à l’identité, la nature et le nombre des Organisations de la société civile qui ont effectivement pris part à l’élaboration du rapport. Le rapport aurait pu comporter en annexe une liste de ces organisations qui aurait rendu plus crédible leur contribution à la finalisation du document. Ce n’est peut-être pas tout à fait un hasard si, au titre des questions posées après la présentation, la toute première émanant du Royaume-Uni ait concerné le véritable rôle tenu par la société civile dans la préparation dudit rapport. Effectivement, il persiste l’impression que le processus d’élaboration du rapport n’a pas bénéficié de toute l’indépendance requise et qu’il fut au contraire contrôlé de bout en bout par les structures étatiques.

Ensuite, il y a que certains oublis ou insuffisances sautent tout de suite aux yeux. Par exemple, si la description du cadre normatif et institutionnel met en exergue l’existence d’instruments autorisant de manière théorique une vie démocratique, le rapport oublie de faire mention de l’effectivité de leur application. Il n’aurait pas été de trop que la commission des Droits de l’Homme de l’O.N.U, pour son information, connaisse quelques chiffres sur la participation effective des citoyens burkinabé à la vie démocratique à travers notamment leur participation aux différents processus électoraux. Il aurait également été digne d’intérêt que soit relevé le rapport de forces existant entre majorité et opposition depuis le début du processus démocratique dans notre pays. Il n’est nul besoin de souligner que ce sont là des indicateurs essentiels permettant d’établir une opinion objective sur l’état des libertés dans notre pays. A ce sujet justement, on relève au Point 82 du rapport que la mise en place de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) est classée au titre des innovations institutionnelles. On pourrait engager le débat sur le sens d’une innovation, mais la question n’est pas là. Ce qu’il est plus important d’observer c’est que le rapport fait l’impasse sur le fonctionnement réel de cette structure. Il ne souligne nulle part que la CENI du Burkina fonctionne dans l’irrespect absolu de ses propres textes (dépassement des mandats de son président actuel, conditions peu conformes de sa réélection, représentativité tronquée de ses composantes politiques et sociales, etc.) et que cet état de faits génère des conséquences de nature à mettre en cause la bonne gouvernance politique dans notre pays. Le ministère de la Promotion des Droits Humains est pourtant bien placé pour savoir ce qu’il en est. Mais en même temps cet ‘‘oubli ‘’ ne surprend guère si l’on considère que la CENI elle-même est partie prenante à l’élaboration du rapport et qu’en tant que juge et partie, elle ne voudrait pas être celle qui fournirait des verges pour se faire fouetter.

Les Points 96 et 105 du rapport ont quant à eux abordé la question de la justice au Burkina. Voici livré in extenso le point 96 tel que mentionné dans le rapport : ‘‘Malgré les efforts et les acquis en matière d’accès à la justice, les contraintes demeurent. Au nombre des difficultés, on peut citer l’insuffisante information de la population sur les procédures judiciaires, l’insuffisante couverture territoriale en juridictions, l’insuffisance des moyens matériels et le mauvais état des infrastructures qui handicapent le bon fonctionnement des services de la justice, l’insuffisance des ressources humaines qualifiées, les insuffisances au niveau législatif, la crise de confiance des justiciables à l’égard de la justice.’’ Il est bon d’apprécier ce passage à sa juste valeur. Le mot ‘‘insuffisant’’ décliné en substantif ou en qualificatif est cité pas moins de 5 fois. Le rapport résume donc toute la problématique de la justice burkinabé à une question d’insuffisance de moyens, donc de pauvreté. Qu’en est-il de l’indépendance de la justice, gage essentiel de son bon fonctionnement ? Le rapport n’aborde la question nulle part.

Au titre des observations et recommandations, une quarantaine de pays, la France en tête, ont émis leurs avis respectifs sur le rapport. On observe grosso modo deux types d’appréciations : celles qui prennent le rapport tel qu’il est présenté et qui distribuent les satisfécits comme de simples échanges de civilités, et celles qui font l’effort d’aborder les questions épineuses et qui par des remarques pertinentes mettent en exergue les véritables lacunes de l’exercice. Dans le premier groupe on peut citer des pays comme la Chine, Cuba, le Maroc, bref des pays qui pour la plupart ne sont pas les meilleurs exemples en matière de droits humains. Dans le second groupe, des pays comme l’Allemagne, la Suède, le Danemark ou le Royaume-Uni, généralement très regardants sur les questions des droits humains, ont su démontrer à travers leurs remarques qu’ils savaient lire au-delà de l’habillage trompeur d’une présentation aussi habile soit-elle. Comment ne pas citer la Slovénie, seul pays à aller aussi loin dans ses interrogations en ayant eu le courage de citer l’Affaire Norbert Zongo, toujours non élucidée ?

Il faut cependant féliciter les premiers responsables en charge du département de la Promotion des Droits Humains pour la constante disponibilité dont ils font preuve (en nous transmettant notamment les Rapports sur lesquels nous faisons les présentes observations), et surtout pour avoir compris que c’est de cette manière qu’ils pourront faire leur, les observations contributives à un meilleur devenir du Burkina.

San Finna

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 18 février 2009 à 22:00, par sérémé En réponse à : A l’épreuve de l’Examen périodique universel : Quel bilan pour les droits de l’homme au Burkina ?

    quant meme surprenant que le rapport de décembre soit décortiqué en février. question : est-ce san finna qui retrouve de l’intéret a en parler maintenant ou est-ce le mpdh qui voit la necessité de communiquer la-dessus maintenant. si le journal n’est pas contraint dans le temps et ca se comprend, le ministère lui semble retrouver le sens de la publicité après que les defenseurs des droits humains soient montés au créneau a propos de la CNDH. C’est dommage madame la ministre. ça fait peu sérieux pour tout un département qui fait comme une tortue qui ne bouge que lorsque qu’il ya le feu derrière.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique